La Mauritanie : Deux discours mêmes conséquences, une autre attitude s’impose !

Il suffit de très peu d’attention pour saisir la différence dans la manière dont les Noirs et les Maures perçoivent la situation politique en Mauritanie.

Il est plutôt aisé de constater la profonde divergence entre les courants qui défendent   l’arabité intégrale du pays et ceux de la mouvance noire qui militent pour la reconnaissance effective du droit à la diversité des différentes communautés mauritaniennes. Cependant, il est beaucoup moins compréhensible quant à la différence d’interprétation de la situation politique entre l’Elite noire et la composante maure dite des ‘’progressistes’’. Bien que ces derniers se réclament, pour la plupart, du côté de l’opposition aux militaires depuis le règne de Ould Taya, mais l’unicité de vision entre eux et les représentants de la communauté noire désavantagée tarde encore à se matérialiser.

En effet, les progressistes maures ont du mal à digérer la notion d’existence du système de discrimination raciale que leurs compatriotes noirs dénoncent. Le plus souvent, ils jugent la situation politique à partir de leurs sentiments personnels et des relations de proximité qu’ils ont avec telle ou telle autre personne de la communauté noire. Au demeurant, le plus souvent très superficielles car ils  font fi des réalités institutionnelles et de la globalité des intérêts communautaires en présence. En général, ils lisent les difficultés de la cohabitation qu’à travers cette seule notion connue sous l’appellation de ‘’passif humanitaire’’. Celle qui fait référence, chez nous, aux violations massives des droits de la communauté noire non Harratine durant la période des années 1989-92

Ainsi, ils reconnaissent que le régime de Taya est responsable du tort à l’égard de la communauté noire du sud, mais ils hésitent encore de la réparation adéquate à apporter à ces torts.  Ils deviennent nostalgiques de la période des gouvernements civils d’avant 10 Juillet 1978, car synonyme du temps de la symbiose entre les différentes communautés mauritaniennes. Ils refusent de voir que l’état de la situation politique actuelle trouve ses sources à partir de  notre indépendance, par le biais d’une volonté manifeste d’arabisation généralisée du pays.  C’est pourquoi, ils s’irritent à chaque fois qu’un Noir fasse état de l’existence du système de discrimination raciale en Mauritanie. Ils pensent que cette notion de système est très englobante. Ils s’en offusquent prétextant que tous les maures ne sont pas racistes et ne partagent pas la même ligne politique avec les autorités militaires dirigeantes. Mieux, pour refuter la thèse du complot racial, ils soutiennent la participation régulière de cadres noirs dans les différents gouvernements, c’est-à-dire de la gestion de l’Etat, depuis l’indépendance du pays.

Alors, la notion du racisme en Mauritanie serait de l’exagération des politiciens extrémistes noirs. Ce sont ces convictions qui les conduisent à jouer aux équilibristes. Par exemple, ils feront partie de ceux qui associent le problème des Mauritaniens noirs victimes de la déportation au Sénégal avec celui des Maures expatriés à la suite des évènements de 1989. A noter que, même si cette décision émanait du pouvoir, il n’en demeure pas moins que la majorité de nos ‘’progressistes’’ a participé ou au moins n’a pas dénoncé l’ambiguïté de ce choix. Par ailleurs, je suis partisan d’une solution aux problèmes de nos compatriotes expulsés du Sénégal, mais je trouve inapproprié le mélange de genre. Chose qui tente d’absoudre la responsabilité de l’État mauritanien dans son acte racial contre des citoyens noirs. Il est aussi fréquent, dans cet esprit d’équilibrisme, de voir dans leur discours des reproches ‘’aux extrémistes de tous bords’’. Ainsi, ils mettent dans un même panier, les racistes maures et leurs victimes noires qui ont eu le tort de dénoncer leur situation de discriminés. Ils ne réalisent pas que cette attitude qui consiste à vouloir décrédibiliser les représentants de la cause noire et à inhiber la conscience collective des victimes ne fait qu’approfondir le fossé entre nos communautés.

Finalement, les deux discours, celui des extrémistes maures et de ceux des progressistes parmi eux aboutissent à un seul résultat, celui qui consiste à maintenir la population noire le plus longtemps possible sous la domination du maître maure. Si vraiment, ces progressistes  veulent mériter leur statut avec un changement honnête et réel, ils doivent revoir leur position. Avant tout d’abord, ils devraient se rendre compte que la population noire a vécu et continue de vivre un traumatisme profond. Alors, tout signe d’hésitation marqué par des si, des mais, et autres réserves dans leurs discours ne fera que conforter le sentiment de méfiance et de soupçon à l’égard de l’ensemble des politiciens  maures et voir même au-delà. Pour un traumatisé et frustré que chacun de nous est  ( la population du sud ) toute nuance à l’égard de notre situation d’opprimé pourrait suffire comme preuve que le maure est un ennemi et un raciste. Car pour un traumatisé, il n’y a pas de demi-mesure c’est l’adage ‘’tu es avec moi, ou tu es contre moi’’ qui compte. Alors les plus cyniques d’entre nous ne verront dans leurs actions qu’une stratégie planifiée et coordonnée par la classe politique maure pour pérenniser le racisme et la domination contre la population noire.

Plus curieux encore, et selon certaines sources, le président Abdoul Aziz, lui-même, – que l’on dit être un progressiste et  absolument « pas raciste » -, reprocherait à l’Elite noire  son ingratitude à son égard. Puisque, pense-t-il, malgré des efforts énormes consentis pour cette communauté à laquelle il ne doit rien, ses leaders continuent de l’attaquer et de le vilipender. Évidemment, il y a un certain nombre de problèmes particuliers en ce qui concerne l’assertion du Président. Bien que Mohamed Ould Abdel Aziz n’ait été indexé d’aucune infraction personnelle et directe sur les évènements des années de braise mais en tant que ancien responsable de la sécurité de Ould Taya, il est de fait et de droit un élément de son régime. En tant que tel, il doit être considéré comme responsable même en dehors de toute faute directe. Par ailleurs, au nom de la continuité de l’Etat, il ne peut pas se soustraire aux obligations que lui imposent la déontologie et la morale liée au fonctionnement des institutions étatiques. Malheureusement, ce sentiment du Président est partagé par nombre de compatriotes maures qui se disent ne pas être impliqués aux causes du malheur de la population noire mauritanienne. Par conséquent, ils ne se voient d’aucune obligation à  notre égard, même si ils sont conscients de la réalité du problème.

 

Mamadou Barry dit Hammel

USA

 

(Reçu à Kassataya le 13 septembre 2015)

 

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