A Bordeaux, un asile incertain pour les migrants sahraouis

Deux cents hommes originaires du Sahara occidental campent au pied du pont Sain-Jean. La plupart se sont vu refuser l'asile politique.

A bord du bus touristique qui passe chaque jour sur la rive droite, sous le pont routier Saint-Jean et à côté du pont de chemin de fer, les habitants observent une nuée de tentes, de couvertures et de bâches bleues, posées à même le sol pierreux et poussiéreux. Des chaises éparses, des vélos sur le sol, des canapés de récupération qui tournent le dos aux voitures. Dans le " campement des Sahraouis ", entre 130 (selon la police) et 200  hommes (source associative), de 20 à 50  ans, tous originaires d'Afrique du Nord, et pour la plupart passés par les camps de réfugiés de la ville de Tindouf, au Sahara occidental.

Un peu plus loin, sur le terre-plein herbeux et arboré du pont, d'autres tentes ou des habitations de fortune en bois avec des bâches de pluie ont été édifiées. Quelques cordes pour le linge, des tables bancales, un cabanon étroit au milieu – la seule douche du camp alimenté par l'association Dynam'eau – et deux grosses cuves d'eau.

Le 29  juin, une centaine de ces migrants est passée de l'ombre à la lumière, lors de l'expulsion précipitée d'un premier squat plus discret, situé à quelques mètres de là. Désormais, personne ne peut plus ignorer leur situation précaire. " On est comme des rats ici et la vie, c'est de la merde ", souffle Mohamed Brahim, qui ne parle pas français. A Bordeaux depuis un an, il a fait sa demande d'asile. Refusée. Il dit avoir fait un recours et, depuis, il attend.

Sans réponse

Comme Mohamed, 29  ans, la plupart sont venus en France, à Bordeaux plus précisément, après un passage en Espagne, où certains ont demandé l'asile… sans réponse. L'instruction de leurs dossiers est complexe. Le Sahara occidental d'où ils sont originaires, entre Maroc, Algérie et Mauritanie, n'est pas reconnu comme un Etat à part entière. L'Europe reste prudemment en retrait dans le conflit qui oppose les indépendantistes du Front Polisario et le Maroc, qui a annexé 80  % du territoire sahraoui. Depuis 1991, la plupart des habitants (150 000 personnes selon la Commission européenne, 90 000 selon les Nations unies) vivent dans des camps de réfugiés à Tindouf.

" Avant d'être des migrants économiques, ce sont migrants politiques, analyse Jean-Claude Guicheney, président de la Ligue des droits de l'homme de Gironde, membre du collectif d'associations en soutien aux Sahraouis de la Bastide. S'ils vivent et veulent quitter les camps de Tindouf, c'est que la situation politique n'a pas changé depuis 1991. S'ils avaient un Etat, ils ne seraient pas là. "

L'espoir d'une vie meilleure, d'un emploi, d'un horizon plus serein, les anime tous. " Ce sont des migrants économiques, avec des allers-retours en Espagne, mais leur présence est en augmentation constante ", indique Alexandra Siarri, l'adjointe au maire de Bordeaux chargée des précarités.

Le préfet d'Aquitaine, Pierre Dartout, confirme : depuis 2013, il a comptabilisé 565  demandeurs d'asile d'origine sahraouie et 271 rien que pour les huit premiers mois de 2015, autant qu'en  2014. Sur cette période, seule une cinquantaine de Sahraouis a bénéficié du statut de réfugié. " Cette catégorie de personnes représente 35  % des demandeurs d'asile en Gironde pour 2015 ", assure le représentant de l'Etat.

En attendant, les pouvoirs publics girondins ne veulent pas que la situation s'embourbe. Pour 57  Sahraouis dont la procédure de demande d'asile est en cours d'instruction, c'est le soulagement… temporaire : d'ici à la mi-septembre et jusqu'à la fin de l'examen de leur dossier, en liaison avec Bordeaux Métropole et la préfecture, ils seront relogés à Pessac, à côté de Bordeaux. Pour tous les autres qui ont été déboutés, le préfet est clair : " Ils auront vocation à quitter le territoire. "

Claudia Courtois

 

Source : Le Monde

 

Photo : Rue89 Bordeaux

 

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