Des millions de personnes soutiennent Raif Badawi, mais qui se soucie d’un pauvre jeune Mauritanien?

Au cours du mois de décembre 2013, un jeune blogueur mauritanien Mohamed Ould Cheikh M'Kheitir, 30 ans, a publié un article intitulé "Religions et Religiosité" dans lequel il défendait le droit de son peuple "artisan" en Mauritanie, utilisé et exploité au prétexte de son histoire récente de peuple esclave.

Dans son article, Mohamed Cheikh évoque le système du "deux poids, deux mesures" utilisé par le prophète Mahomet lui-même lorsqu'il traitait avec les Juifs et avec les Arabes; et explique que le prophète tuait les Juifs, mais pardonnait aux Arabes parce qu'ils sont du même sang.

Mohamed Cheikh a tenté de démontrer dans son blog comment la religion agit en matière de hiérarchie sociale et de discrimination entre les classes sociales. Des gens sont sortis dans les rues de Mauritanie pour manifester contre l'article en criant "Mort au blogueur". L'article a été considéré comme un blasphème envers le prophète, car il le dépeignait comme une personne injuste, qui préfère sa tribu à d'autres tribus.

Les autorités l'ont arrêté le 2 janvier 2014 et il a été présenté devant le tribunal en décembre 2014, pour y être condamné à mort le jour même. Avant l'annonce de la sentence, Mohamed Cheikh a prononcé la Shahada, indiquant ainsi clairement qu'il était Musulman, et a expliqué que son intention n'était pas de critiquer le prophète Mahomet. Il a présenté ses excuses pour avoir écrit ce texte. Le juge n'a pas rien retenu de ses paroles et a prononcé la sentence de mort. Selon l'Agence France-Presse, Mohamed Cheikh, s'est "évanoui lors de la lecture du verdict, a été ranimé, puis reconduit vers la prison".

En février 2014, son avocat Ould Eshdou, a rapporté à la télévision privée mauritanienne Sahel que les conditions de détention de Mohamed Cheikh étaient inhumaines, qu'il a été placé en isolement et a confirmé qu'il avait été torturé dans la prison. Mohamed Cheikh est dans le couloir de la mort, et si la communauté internationale ne réagit pas maintenant, il peut être exécuté à tout moment. Mohamed Cheikh a été jugé conformément au Code pénal mauritanien, qui précise dans son article 306:

Tout Musulman coupable du crime d'apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours. S'il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu'apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S'il se repent avant l'exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l'effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d'une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article. Toute personne coupable du crime d'apostasie (Zendagha) sera, à moins qu'elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort.

Des millions de personnes à travers le monde se sont ralliés à l'appui de Raif Badawi, mais qui prendra soin d'un pauvre jeune homme en Mauritanie? Il sera exécuté pour blasphème par ceux qui affirment que l'État islamique ne représente pas l'Islam!

La version anglaise de ce billet de blogue a été publiée par The Independent.

 

Ensaf Haidar

Auteure et épouse du blogueur Raif Badawi

 

Source : Al Huffington Post Maghreb-Tunisie

 

Les opinions exprimées dans la rubrique Tribune n'engagent que leurs auteurs. Elles ne reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

 

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page