Non, le texte de Bernard Cazeneuve qui est débattu à partir de lundi soir traite surtout des démarches administratives que doivent accomplir les étrangers vivant en France.
Ils sont environ 2,5 millions d'étrangers non-communautaires à résider dans l'Hexagone. Pour l'essentiel (60%), ils viennent de quatre pays: 'Algérie, du Maroc, de Turquie et de Tunisie. La grande majorité possède une carte de résident valable dix ans mais il reste environ 700.000 personnes qui doivent, chaque année, obtenir de nouveaux papiers. "C'est un parcours du combattant. Nous soumettons des centaines de milliers d'étrangers à environ une dizaine de passages par an en préfecture. Comment s'intégrer quand on court de titre précaire en titre précaire?", s'interroge Bernard Cazeneuve.
Un titre de 2 ou 4 ans avant la carte de résident
Au grand dam de l'opposition selon qui le texte va encourager l'immigration, le gouvernement cherche donc à faciliter l'intégration de ces étrangers. Après un an passé sur le sol français, ils auront désormais la possibilité de réclamer un titre valable deux ou quatre ans et pourraient, au bout de trois ans, obtenir une carte de résident s'ils sont les parents d'enfants français ou les conjoints de Français.
Cette mesure destinée à éviter de longues files en préfectures. "Ces files montrent que la France est un pays d'immigration qui ne l'assume pas car cet accueil indigne était jusqu'ici politiquement voulu", dénonce Erwann Binet, le député PS rapporteur du projet de loi. "Nous voulons changer de logique", abonde le ministre de l'Intérieur qui rappelle que ce nouveau titre "conduira à la carte de résident et ne s'y substitue pas". C'est en effet l'une des craintes du Défenseur des Droits qui a alerté sur le risque de voir une diminution importante du nombre de carte de résidents accordées. Un collectif de 160 associations baptisé "Rendez-nous la carte de résident" pointe aussi ce risque.
La France accueille environ 200.000 nouveaux immigrants réguliers chaque année, un chiffre à peu près stable depuis dix ans. La moitié sont là pour des raisons familiales, 60.000 pour des études, 20.000 pour des raisons humanitaires (réfugiés, malades, etc) et à peu près autant dans un but professionnel. Dans cette dernière catégorie, le texte crée le titre "passeport-talents", de quatre ans, qui remplacera la multitude de titres existants pour les étrangers qualifiés ou ayant une compétence particulière (artistes, scientifiques, sportifs…). François Hollande y voit une manière d'augmenter l'attractivité de la France.
Intervention du juge dès 48 heures en rétention
Contrepartie de ces mesures, le projet de loi veut renforcer la lutte contre la fraude aux titres de séjour en donnant la possibilité aux préfets d'obtenir des données des autres administrations et de certaines personnes privées (banques, etc). En commission, Erwann Binet a cependant réécrit l'article, en faisant intervenir la Cnil et le Conseil d'Etat sur les informations susceptibles d'être transmises, mais il reste contesté par les écologistes et le Front de gauche. Le gouvernement voudrait aussi convaincre les députés PS de faciliter les reconduites à la frontière pour les déboutés du droit d'asile par des délais de recours plus brefs que pour le droit commun.
En revanche, concernant les étrangers en situation irrégulière enfermés en centre de rétention, le gouvernement donnera son aval à la demande des députés PS de rétablir l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) au bout de 48 heures et non plus de cinq jours comme depuis 2011. "Il n'est pas acceptable qu'une grande partie des expulsés soient éloignés sans avoir vu un juge", explique le rapporteur.
Cela pose la question du maintien de l'intervention du juge administratif qui est habituellement saisi par les associations pour contester un placement en rétention, et qui fera l'objet d'amendements. "Il n'est pas satisfaisant que deux juges prennent deux décisions au même moment sur la même personne", admet Erwann Binet.
Le texte donne d'ailleurs la priorité à l'assignation à résidence, moins coercitive, sur la rétention, sauf lorsqu'il n'y a pas de garantie de représentation. Les forces de l'ordre pourront en contrepartie conduire sous la contrainte les personnes au consulat pour obtenir les laissez-passer nécessaire à leur expulsion.
Source : AFP et Le HuffPost
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