Obama désarmé face à la fracture raciale

En janvier  2017, Barack Obama quittera la Maison Blanche sur un échec qui lui sera particulièrement douloureux  : son élection à la présidence n'aura pas marqué le début d'une Amérique postraciale.

 

Le premier président noir de l'histoire des Etats-Unis aura été impuissant à changer un pays qui, en dépit de nombreux progrès accomplis, reste profondément marqué par le racisme.

Son air défait, la tristesse portée sur son visage, la voix plus sourde qu'à l'habitude, la colère rentrée aussi, tout, dans l'intervention du président, prononcée quelques heures après les événements de Charleston, en Caroline du Sud, jeudi 18  juin, disait l'ampleur du drame. Chaque détail compte ici. La beauté de Charleston, légendaire, ne fait pas oublier que la ville appartient à ce Sud profond qui fut celui de l'esclavage et de la ségrégation. Le lieu de la tragédie aussi, cette Emanual African Methodist Episcopal Church, brûlée au début du XIXe  siècle pour avoir abrité un mouvement de révolte contre l'esclavage, comme l'a rappelé M. Obama.

Le déroulement des faits, enfin, qui porte la marque de l'agression raciste caractérisée. Il est à peine 8  heures, c'est la prière du matin, un moment de calme et de recueillement, quand un jeune homme blanc, assis parmi les quelques fidèles, sort son arme automatique et tire sur l'assistance – des Afro-Américains. Neuf personnes sont tuées, six femmes, trois hommes, dont le pasteur de la congrégation. Capturée quelques heures plus tard, la personne suspectée comme étant l'auteur du crime a 21 ans et une page Facebook truffée de références aux mouvements suprématistes blancs.

Ces meurtres ne sont pas isolés. Ils interviennent après les événements de Ferguson (Missouri), de Baltimore (Maryland) ou de New York, pour ne citer que quelques exemples, parmi les plus récents, dans une série de faits divers qui virent des jeunes Noirs tués par la police et le retour d'émeutes raciales.

Toute la classe politique américaine a dit son émotion, sa peine, son effroi. Pour une partie d'entre ces responsables, ce sont des larmes de crocodile. Car, à Charleston, comme dans la succession ininterrompue de tueries de masse qui surviennent régulièrement dans l'actualité américaine, la violence est, ici, inséparable des ventes d'armes individuelles. "  Une fois de plus, des innocents ont été tués, a relevé M. Obama, parce que quelqu'un qui voulait faire du mal n'a eu aucune difficulté à mettre la main sur un revolver.  "

Comme tant d'autres de ses prédécesseurs, le président a été impuissant à convaincre le Congrès de voter la moindre restriction au commerce des armes automatiques – engins de guerre – et à celui de munitions de plus en plus performantes. La National Rifle Association (NRA) veille, qui finance nombre de campagnes électorales. Elle est massivement appuyée par le Parti républicain – et notamment par Lindsey Graham, sénateur de Caroline du Sud et l'heureux propriétaire d'une douzaine de revolvers et de fusils. En ce sens, une partie de la classe politique porte une lourde responsabilité dans ces meurtres de masse.

M.  Obama n'a jamais voulu être le président des Noirs. Il n'a pas fait campagne sur ce thème. Il a cherché à incarner le dépassement de la fracture raciale. Même si celle-ci a été réduite dans bien des domaines, la tragédie de Charleston témoigne de l'incessante résurgence des vieux démons américains.

 

Editorial Le Monde

 

Source : Le Monde

 

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