Un rapport de l’ONU dénonce les comportements des casques bleus en mission

Dix ans après la sortie du « rapport Zeid » qui explorait des mesures concrètes pour éliminer les cas d’exploitations sexuelles dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, rien n’a changé ou presque.

 

« Des casques bleus ont échangé de l’argent, des bijoux, du parfum, des téléphones contre des faveurs sexuelles », note un rapport du bureau des enquêtes internes de l’ONU, à paraître la semaine prochaine. Le code de conduite de l’organisation prohibe pourtant strictement les rapports sexuels en échange de nourriture, d’argent ou de tout autre bien matériel. L’institution réprouve par ailleurs fermement depuis 2003 les relations sexuelles entre les casques bleus et les populations qu’ils sont censés protéger, sans pour autant les interdire, ce qui laisse une marge d’interprétation aux soldats déployés sur le terrain.

Or, le rapport note que deux opérations de maintien de la paix en Haïti (Minustah) et au Liberia (Minul) « démontrent que ces échanges à caractère sexuels sont répandus, sous-estimés et pas assez dénoncés. » Selon le document, 231 femmes haïtiennes ont indiqué avoir eu des relations sexuelles avec des casques bleus en échange de biens matériels. Le rapport note que les conditions qui encouragent ce type d’exploitation sont « la faim et la pénurie de produits de première nécessité et de médicaments ». Seulement sept femmes avaient connaissance de la politique de « tolérance zéro » des Nations unies sur les abus sexuels. Et aucune ne connaissait l’existence d’une ligne téléphonique pour dénoncer de tels abus.

« Naming and shaming »

D’après une autre enquête menée à Monrovia (Liberia) auprès d’un échantillon de 489 femmes âgées de 18 à 30 ans en 2012, « plus d’un quart (…) avaient procédé à des transactions sexuelles avec les casques bleus, généralement pour de l’argent. » Le rapport estime par ailleurs que le nombre de préservatifs distribués pour éviter les risques d’infection au VIH laisse penser « que les relations sexuelles entre les casques bleus et la population locale sont très répandues ».

Entre 2008 et 2013, 480 cas d’abus ou d’exploitations sexuelles ont été recensés au sein des Nations unies, et un tiers de ces cas implique des mineurs. Pour la première fois dans un rapport, le bureau des enquêtes internes pratique la politique du « naming and shaming » qui consiste à nommer et dénoncer les pays dont les ressortissants se sont rendus coupables de tels actes. Quatre pays sont particulièrement concernés : le Pakistan, l’Uruguay, l’Afrique du Sud, et le Nigeria. Ces accusations visent en premier lieu les militaires. Mais les civils (17 % du personnel des missions), représentent 33 % des accusations.

« Malgré une baisse continue du nombre de plaintes, qui s’explique en partie par une sous-estimation du nombre de cas, l’efficacité de la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels est entravée par une organisation complexe et la lenteur de l’organisation à enquêter et à venir en aide aux victimes », note le bureau des enquêtes internes.

Le rapport estime que les investigations menées sur ces accusations prennent « beaucoup trop de temps » (seize mois de délai en moyenne). L’ONU doit par ailleurs s’en remettre aux pays d’origine des coupables et aux juridictions nationales pour les sanctions, ce qui entraîne « de très grandes disparités selon les Etats ». Les civils sont le plus souvent congédiés tandis que soldats et policiers sont renvoyés dans leur pays avec interdiction de participer à une autre mission onusienne. Cette enquête sort à un moment où l’ONU est vivement critiquée pour sa gestion des accusations de viols de mineurs commis en Centrafrique par des soldats français, tchadiens et équato-guinéens. Mais elle ne revient pas sur cette affaire.

 

Marie Bourreau
New York, Nations unies, correspondance
 
 
 
 

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