Les Etats-Unis, premiers producteurs d’or noir

Les Américains détrônent les Saoudiens, notamment grâce à la hausse de la production de pétrole de schiste.

 

 

Bob Dudley, le patron de BP, a bien résumé la situation dans la présentation de l'édition 2015 de la BP Statistical Review of World Energy, son document de référence publié mercredi 10 juin: "  En 2014, l'évolution la plus significative dans l'offre – d'énergie – a sans conteste été la poursuite de la révolution des huiles de schiste aux Etats-Unis.  " Ils ont enregistré "  la plus forte augmentation de la production pétrolière au niveau mondial, devenant le premier pays dont la croissance de la production annuelle moyenne a été d'au moins un million de barils par jour durant trois années consécutives  ".

C'est ainsi que les Américains ont remplacé les Saoudiens comme premier producteur mondial d'or noir. "  Une perspective impensable il y a dix ans  ", selon M. Dudley, illustrant l'incroyable boum des shale oil dans des Etats comme le Dakota du Nord et le Texas depuis le début de la décennie. Si l'on y ajoute le gaz, ils produisent plus d'hydrocarbures que les Russes, qui ont longtemps fait la course en tête. Ils retrouvent ainsi la place qu'ils avaient en 1975, avant que les membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ne les supplantent.

La production moyenne a atteint 11,64 millions de barils par jour (si l'on ajoute les condensats ou gaz naturels liquides), un peu au dessus de celle de l'Arabie saoudite (11,5 millions). " Les implications de la révolution du schiste américain sont profondes ", a souligné le patron de BP.Elle a contribué pour une très large part à l'augmentation de 2,1 millions de barils de l'offre mondiale, à la surabondance du marché et à l'effondrement des prix depuis le pic de juin 2014, où le baril avait atteint 115 dollars. Le baril de WTI pour livraison en juillet s'échangeait, mercredi, à 61,43 dollars sur le marché de New York et le Brent à 65,70 dollars sur l'Intercontinental Exchange de Londres.

Sans surprise

Cette place de numéro 1 du pétrole n'est pas une surprise. En 2012, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) l'avait annoncée pour avant la fin de la décennie. Ce qui l'est plus, c'est la rapidité avec laquelle le pays y est parvenu grâce à l'usage de la technique très controversée de la fracturation hydraulique et des puits horizontaux, ainsi qu'à l'industrialisation des processus de production : les pétroliers peuvent l'arrêter et la relancer dans des laps de temps assez courts, ce qu'il n'est pas possible de faire dans les gisements des grandes profondeurs marines.

Les Etats-Unis devraient conserver cette place plusieurs années. Dans l'immédiat, le Département américain de l'énergie (DoE) prévoit bien une légère baisse de la production de pétrole de schiste au second semestre, mais la reprise est attendue début 2016. Il y a aujourd'hui deux fois et demi moins de plateformes de forage en activité qu'il y a un an, mais de nombreux puits forés peuvent être mis en production très rapidement. Et l'administration américaine d'information sur l'énergie (EIA) rappelle qu'il faut remonter à 1972, à la veille du premier choc pétrolier de la fin 1973, pour retrouver un niveau de production équivalent à ce qu'il sera sur l'année 2015. Hors gaz liquides, elle atteindra 9,43 millions de barils par jour et 9,3 million en 2016, indique-t-elle dans son dernier rapport.

Déjà indépendant pour le gaz, les Etats-Unis s'en rapprochent donc pour le pétrole, même s'ils importent encore de pays parfois hostiles, comme le Venezuela, quelque 6 millions de barils par jour(un tiers de leur consommation). Ces importations ont néanmoins été divisées par deux par rapport à 2005, l'année où les Américains ont été le plus dépendants des ressources extérieures.

La moindre dépendance des Etats-Unis au pétrole des monarchies du golfe arabo-persique n'a pas encore eu de conséquences géopolitiques majeures. Mais le sentiment de vulnérabilité ressenti naguère par Washington – qui a toujours fait de l'énergie un sujet stratégique – est désormais vécu par Pékin, toujours plus dépendant du Moyen-Orient, de l'Asie centrale et de l'Afrique. En 2010, la Chine est en effet devenu le premier consommateur mondial d'énergie. Et, depuis la fin de 2013, le premier importateur d'or noir. Ses énormes besoins en hydrocarbures et en minerai la pousse à multiplier ses investissements dans de nombreux ports étrangers.

Et à renforcer sa flotte et sa capacité de projection militaire pour assurer la sécurité de ses routes maritimes. Dans un Livre blanc consacré à la stratégie militaire, publié le 26 mai, le gouvernement souligne que " la sécurité des intérêts outre-mer dans l'énergie et les ressources, les voies maritimes stratégiques, ainsi que des institutions, du personnel et des actifs présents à l'étranger, est devenue une préoccupation majeure ". Ce document développe une vision stratégique conférant un rôle global à ses forces armées et entérinant la transformation de la Chine en puissance commerciale aux intérêts planétaires.

Jean-Michel Bezat

 

Source : Le Monde

 

 

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