Le dialogue toujours bloqué : La balle est dans quel camp ?

Les Mauritaniens sont en majorité, sinon quasi-majorité, favorables au dialogue politique entre le pouvoir et son opposition dite « radicale », c’est dire le Front National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU).

 

Ils ont même hâte de voir les deux parties parvenir à un compromis, pour enfin concrétiser la volonté politique que chaque camp affiche.

Mais les choses traînent depuis des mois. Et, pour cause, le président de la République, après son offre de dialogue à Chinguetti, n’a pas dit, jusqu’ici, aux Mauritaniens et à son opposition, ce qu’il attend, véritablement, d’un dialogue que personne, d’ailleurs, ne l’oblige à engager, si l’on en croit les faucons de son régime. Il a été réélu, confortablement, lors de la présidentielle de juin 2014, et bénéficie du soutien d’une tout aussi « généreuse » majorité, au Parlement. Alors quoi ?

Nombre de mauritaniens, y compris de son camp, se sont dit déçus, lors de sa première conférence de presse, cette année. Car il n’a été très clair, c’est le moins qu’on puisse dire, ni donc convaincant, sur les enjeux du dialogue qu’il prône. Il a, jusqu’ici et simplement, déclaré que le dialogue doit  permettre, aux Mauritaniens, de trouver, ensemble, des solutions aux problèmes que connaît le pays, sans préciser sous quelle forme. Gouvernement d’ouverture, retour de l’opposition dans les instances démocratiques (mairies et Parlement)… ? La première option, pourtant réclamée, maintes fois, par l’opposition, a toujours fait l’objet d‘un refus catégorique du Président. Quant à la seconde, il la prétend « discutable ». Pas de quoi tirer des plans sur la comète mais assez, tout de même, pour envisager des hypothèses.

 

Un seul choix ?

De fait, le dialogue choisi par le président de la République semble balancer entre deux objectifs, essentiellement. En un, préparer une alternance pacifique, en 2019, au terme de son mandat. Concrètement, il demanderait ainsi, aux acteurs politiques, de discuter pour déblayer le terrain en ce sens. Notamment de tous les instruments indispensables à l’organisation d’une élection libre et  transparente, avec la présence et l’aide de partenaires et organismes aussi spécialisés qu’indépendants. Sans donc l’interférence de l’armée, du fameux BASEP et de l’administration, sans le soutien ouvert  à un quelconque candidat, comme en 2007, etc. Rien, en principe, ne s’oppose, cependant, à ce que le Président donne un coup de pouce à son parti, l’UPR, pour lui donner un candidat crédible de consensus mais, aussi, se préparer, à l’instar de Sarkozy, pourquoi pas, une possibilité de retour aux affaires en 2024, voire 2029. C’est soucieux de cela que le FNDU demande ce que le Président a appelé, dans sa dernière conférence, des « préalables ».

Quoiqu’il en advienne, une telle posture pourrait enfin conférer, à Ould Abdel Aziz, une stature de véritable homme d’Etat, à l’image de Senghor, de son dauphin Abdou Diouf ou d’Alpha Oumar Konaré, pour ne citer que ceux-là. Arrivé au pouvoir par un coup de force, après avoir renversé un président « démocratiquement élu », le 8 Août 2008, il effacerait ainsi, de son parcours, cette tâche noire sur la démocratie mauritanienne. La Mauritanie, comme son Président, en sortiraient grandis, parce que son chef aurait anticipé l’épouvantail des menaces qui pèsent sur elle, dans un Sahel très mouvementé.

La seconde attente du Président serait d’obtenir, comme le croit Mamane, quitus à troisième mandat. Ce n’est d’ailleurs pas seulement l’opposition mais, aussi, nombre de mauritaniens qui suspectent leur président de nourrir cette ambition. A cet égard, sa réponse, à l’une des questions des journalistes qui l’interrogeaient, laisse perplexe. Mais, en cette hypothèse, le président de la République violerait un serment qu’il a prêté, via divers articles d’une loi fondamentale dont il est l’instigateur. Et, d’après nos constitutionalistes, la loi fondamentale est « inviolable », totalement verrouillée. Le Président aurait pu déclarer, comme certains de ses homologues africains, qu’il le désire. Il ne surprendrait personne. C’est la logique du président-fondateur de Mamane.

Mais cette option n’est pas sans risque, comme le démontrent diverses situations, plus ou moins cocasses, que vivent ou ont déjà vécu plusieurs présidents africains : Mamadou Tandia, au Niger ; Blaise Compaoré du Burkina, un cas d’école ; Abdoulaye Wade au Sénégal ou NKurunziza du Burundi. Leur entêtement les a tous conduits à l’abîme, à l’exception, pour le moment, du burundais dont l’avenir n’a pas fini de se jouer. Tous se sont crus indispensables, irremplaçables et ont risqué une interprétation, en leur faveur, de leur loi fondamentale. Ils ont payé et l’Afrique risque fort d’effacer leur nom du 21ème siècle. Il est, enfin, évident qu’après avoir longtemps accepté de « recycler, en démocrates », les putschistes africains, la Communauté internationale et, même, notre fameuse Union africaine s’accommodent très mal des « coups de force constitutionnels ». Le cas du Burkina et très prochainement, espérons-le, du Burundi, sont, à cet égard, très édifiants. Assez pour convaincre Ould Abdel Aziz du meilleur choix ?

Dalay Lam

 

Source : Le Calame

 

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