Amnesty International s’attaque (encore) au tabou de la torture au Maroc et au Sahara occidental

Amnesty International dénonce, dans un rapport publié mardi, des tortures "endémiques" au Maroc ainsi qu’au Sahara occidental, où 173 personnes ont été victimes de pratiques abusives entre 2010 et 2014, selon l'ONG. Rabat dénonce un acharnement.

 

Coups, maintien dans des positions douloureuses, techniques d’asphyxie et de simulacre de noyade, violences sexuelles. Dans un rapport publié mardi 19 mai, Amnesty International dresse un sombre constat du Maroc et du Sahara occidental. Avec 173 cas en quatre ans, la pratique de la torture par les forces de l’ordre lors d’arrestations et d’interrogatoires est qualifiée d’"endémique" par l’ONG.

Parmi les personnes spécialement maltraitées figurent, selon Amnesty International, des manifestants et militants des droits sociaux et politiques ainsi que des individus suspectés d’infractions liées au terrorisme. Ces méthodes sont utilisées "pour arracher des 'aveux' et étouffer les voix dissidentes", précise l'ONG basée à Londres.

À titre d’exemple, ce témoignage de Mohamed, un militant de 24 ans : torturé après avoir participé à une manifestation à Laâyoune, dans le nord du Sahara occidental, le jeune homme affirme avoir été mis dans la position dite du "poulet rôti" – suspendu à une barre par les poignets et les genoux, les jambes entre les bras – avec un torchon imbibé d'urine et d'eau de Javel enfoncé dans la bouche.

Amnesty International met particulièrement l’accent sur la situation au Maroc, où les progrès en matière de torture ne sont pas visibles, selon l’ONG, alors même que le royaume s’est récemment engagé à faire des efforts dans ce domaine. En novembre 2014, Rabat avait ainsi signé le Protocole optionnel à la convention onusienne contre la torture (Opcat).

Emprisonnés pour avoir dénoncé la torture

Affirmant briser un tabou, Amnesty International déplore, par ailleurs, que les rares voix qui s’élèvent contre la torture soient violemment réduites au silence. À l’image de Wafae Charaf, militante politique engagée, qui raconte avoir été frappée et menacée par deux hommes à la suite d’une manifestation de travailleurs en avril 2014. Oussama Housne, 22 ans, déclare, quant à lui, avoir été enlevé dans des conditions similaires à Casablanca. Dans une vidéo mise en ligne, le militant avait alors expliqué comment des inconnus l’avaient capturé, brûlé à l'aide d'une barre métallique chauffée et violé avec leurs doigts.

Des révélations qui ont de quoi irriter les autorités. Accusés de "fausse dénonciation" de torture et de calomnie à l'égard de la police du Maroc, Wafae Charaf et Oussama Housne ont tous deux été condamnés et purgent respectivement des peines de deux ans et trois ans d’emprisonnement.

"Les responsables marocains renvoient l'image d'un pays ouvert, respectueux des droits humains. Mais tant que la menace de la torture planera sur les détenus et les voix dissidentes, cette image ne sera qu'un mirage", a regretté la secrétaire générale de l'ONG, Salil Shetty.

Acharnement contre le Maroc

Ce rapport n’est pas passé inaperçu au Maroc. "Ce qui surprend c’est la continuité de cette pratique que l’on pensait révolue depuis la fin des années de plomb [la période Hassan II, qui a régné de 1961 à 1999, NDLR]", explique Sara Doublier, correspondante de France 24 au Maroc.

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Toutefois, du côté des officiels marocains, on déplore un acharnement et des "attaques systématiques" de la part d’Amnesty International. Les autorités marocaines dénoncent ainsi un rapport biaisé, qui ne prend pas en compte les efforts fournis par le pays, et une volonté délibérée de dénigrement.

Amnesty International, qui interpelle régulièrement, et depuis plusieurs années, le Maroc sur les violations de droits humains, est persona non grata dans le pays depuis octobre 2014.

Et ce n’est pas la seule ONG avec laquelle Rabat est en froid. En février 2015, un an après avoir porté plainte à Paris pour torture contre de hauts responsables marocains, l’association française Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat) a été convoquée à Rabat, par la justice, pour "diffamation". Une convocation à laquelle l’ONG avait adressé un pied-de-nez en refusant d’envoyer un représentant légal au Maroc.

 

Source : France24

 

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