Le message est limpide. Dix jours avant de se rendre aux Etats-Unis pour y rencontrer Barack Obama, les 13 et 14 mai, les dirigeants arabes sunnites du Golfe, alliés traditionnels des Américains, déroulent le tapis rouge à François Hollande. Le président français sera reçu avec faste, lundi 4 et mardi 5 mai, à Riyad, lors du sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG), une première pour un chef d'Etat occidental. Et ce, à un moment où les pays de la région redoutent un rapprochement entre Washington et Téhéran, alors que l'influence de l'Iran chiite, le grand -rival de Riyad, ne cesse de monter en puissance aux frontières de l'Arabie saoudite, de l'Irak au Yémen.
Le geste à l'égard du président Hollande est autant une façon de saluer la position dissonante de la France dans les crises régionales, notamment en Syrie, qu'un signal de désenchantement envoyé à Washington. Les six pays du CCG (Arabie saoudite, Qatar, Oman, Koweït, Emirats arabes unis et Bahreïn) sont notamment vent debout contre la perspective d'un accord sur le nucléaire iranien dont les négociations entrent dans une phase décisive avant l'échéance du 30 juin. Et ils n'ont pas manqué de saluer la position de " fermeté " défendue par la France, perçue comme plus exigeante que les Etats-Unis dans ces laborieux pourparlers.
Le hasard veut que le dernier dirigeant étranger, avant François Hollande, à avoir été reçu à un sommet du CCG n'est autre que l'ancien président iranien, le très nationaliste Mahmoud Ahmadinejad. C'était en décembre 2007, au Qatar. Cette esquisse de détente n'avait rien donné. Une telle rencontre serait aujourd'hui inimaginable tant les pays du Golfe, ainsi que la France, se méfient de la montée de l'hégémonisme iranien dans la région.
Revirement américain
L'accueil particulier qui sera réservé à François Hollande illustre à quel point " la France est perçue comme ayant des moyens, une stratégie et une légitimité au Moyen-Orient ", relève François Heisbourg, conseiller spécial de la Fondation pour la recherche stratégique. A l'Elysée, on souligne volontiers que les pays du Golfe " apprécient la fidélité et la constance " des positions françaises. Une allusion au revirement américain de l'été 2013 -lorsque le président Obama a finalement renoncé à autoriser des frappes militaires contre le régime syrien de Bachar Al-Assad.
Les pétromonarchies du Golfe craignent aujourd'hui un autre revirement américain, cette fois-ci sur le dossier nucléaire iranien qui sera au cœur des échanges entre M. Hollande et ses homologues. Ils soupçonnent Barack Obama de vouloir conclure un accord à tout prix avec l'Iran avant la date butoir du 30 juin. Les Américains, comme les Iraniens, savent que le temps est compté pour parvenir à un compromis. Tout nouveau report des -discussions ne ferait que renforcer les nombreux adversaires de ce processus, tant à Washington qu'à Téhéran.
Or, la France s'inquiète ouvertement de la levée des sanctions internationales contre l'Iran, un des éléments clés d'un éventuel accord, qui aurait un impact " déterminant sur l'équilibre des forces dans la région ", souligne l'entourage du président Hollande. Un avis largement partagé par les pays du Golfe. Ils affirment que l'Iran disposerait ainsi de plus de ressources et pourrait alors accroître son aide militaire au -régime syrien et aux milices -chiites, en Irak, au Liban ou au -Yémen.
Une perspective qui alarme Riyad engagée depuis plus d'un mois dans une opération contre les groupes armés chiites houthistes au Yémen. La coalition de neuf pays arabes, dirigée par l'Arabie saoudite, mène des -frappes aériennes contre ces rebelles depuis le 26 mars pour les empêcher de prendre le contrôle de l'ensemble du pays. Mais l'opération est loin d'être -concluante, faisant craindre un enlisement.
Avant d'évoquer l'enjeu iranien avec ses hôtes à Riyad, le président Hollande a effectué une étape lundi, à Doha, la capitale du Qatar, pour assister à la signature du contrat de vente de 24 avions de combat Rafale. Une opération que la France compte utiliser comme un tremplin. " Nous n'avons pas que le Rafale en tête ", glisse-t-on à l'Elysée. Une allusion aux nombreux marchés saoudiens convoités par les groupes français, dont Veolia, Alstom et Airbus.
Yves-Michel Riols
Source : Le Monde
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