Boycott d’un prix : 145 écrivains ne sont pas «Charlie»

Des auteurs anglo-saxons refusent le «Prix Courage et liberté d'expression» promise à l'hebdomadaire satirique français par une association littéraire.

 
Des auteurs anglo-saxons refusent le «Prix Courage et liberté d'expression» promise à l'hebdomadaire satirique français par une association littéraire. 
 
Ils sont désormais 145 écrivains à boycotter la remise du prix PEN Americain Center qui doit honorer l’hebdomadaire satirique français, cible de l’attentat du 7 janvier.
6 romanciers au départ, ils sont désormais 145 à boycotter la remise du prix PEN America Center qui doit remettre à l’hebdomadaire satirique français un prix pour «le courage et la liberté d’expression», le 5 mai à New York. Leurs noms sont dévoilés sur le site The Intercept.
 
Parmi eux, Wallace Shawn, Craig Lucas, Eve Ensler, Joyce Carol Oates, Michael Ondaatje, Peter Carey ou Francine Prose. Ces écrivains, dont le nombre ne cesse d’augmenter, avaient expliqué leur position ce mercredi, dans une lettre ouverte collectivement signée : «Les caricatures du prophète représenté par Charlie Hebdo peuvent être interprétées comme la cause d’une plus grande humiliation et souffrance» pour une catégorie de la population française qui est «formée par un héritage colonial et dont une large partie est musulmane pratiquante».
 
Les romanciers condamnent l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo mais accusent l’hebdomadaire satyrique de se moquer «d’une partie de la population française déjà marginalisée et victimisée». Surtout, ils ne comprennent pas la décision du PEN American Center, une célèbre association mondiale d’écrivains, d’honorer l’hebdomadaire :«Il y a une différence entre soutenir une liberté d’expression qui va à l’encontre de l’acceptable et récompenser une telle liberté d’expression. [Charlie Hebdo] semble très sincère dans son dédain de toutes les religions.»
 
L’Australien Peter Carey qui a remporté deux fois le prestigieux Booker Prize a expliqué au New York Times qu’en décidant d’attribuer cette récompense, la société littéraire allait au-delà de son rôle traditionnel de défense de la liberté d’expression contre la censure gouvernementale. «Un crime horrible a été commis, mais était-ce une question de liberté d’expression pour que PEN America s’immisce là-dedans ?», s’est interrogé l’écrivain. «Tout cela a été aggravé par l’apparent aveuglement du PEN vis-à-vis de l’arrogance culturelle de la France, qui ne respecte pas son devoir moral à l’égard d’une grande partie de sa population», a poursuivi l’auteur, en référence aux critiques sur les choix éditoriaux du magazine, qui vise trop souvent l’islam et son prophète selon certains.
 
Mais la société littéraire se défend : «Si nous approuvions la liberté d’expression seulement à ceux avec qui on est d’accord, la notion même de liberté d’expression serait très limitée», explique Andrew Solomon, président américain du PEN : «La récompense n’est pas nécessairement en accord avec le contenu exprimé».
 
Sur Twitter, Salman Rushdie, menacé depuis de longues années par une fatwa pour son ouvrage Les Versets sataniques, a accusé ses confrères, qui n’étaient au départ que six, d’être des «lavettes». Pour l’écrivain, ils ont «horriblement tort». Selon lui, «démystifier la religion n’est pas de la haine». Mais de «la satire» précise-t-il.
 
Cette polémique avait déjà été sur le devant de la scène aux États-Unis au lendemain de l’attentat du 7 janvier. Certains médias de la presse anglo-saxonnes avaient refusé de publier la une de Charlie où figurait la caricature de Mahomet. Quelques intellectuels n’avaient pas non plus souhaité «être Charlie» comme la romancière américaine Joyce Carol Oates, qui considère le journal satirique comme sexiste et xénophobe.
 
De son côté, le dessinateur Luz, auteur de la une avec Mahomet et sa pancarte «Tout est pardonné», a déclaré ce jeudi qu’il ne dessinerait plus le prophète : «Il ne m’intéresse plus. Je m’en suis lassé».
 
 
Source : Liberation (France) Le 30 avril 2015
 
 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 
 
 
 
 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page