MAURITANIE : DE QUI SE MOQUE-T-ON?

On est frappé par la volonté de certains de nos compatriotes à vouloir solder nos souffrances, nos morts et nos droits. Comme certains marchands, ils veulent vider l´abcès comme on vide les stocks.

 

Ils nous traitent de "rancuniers",de "revanchards", de"méchants" parce que nous exigeons la justice, l´égalité de tous les fils de la Mauritanie, parce que nous refusons l´oubli et l´impunité.

On veut nous imposer une omerta, de l´amnésie, de l´amnistie forcée, de l´oubli, de l´impunité sur les années de braise, il faut pardonner et tourner la page sans justice ou autre procès c´est tout ce que souhaite le Système. La Mauritanie peut tuer, peut violer, violenter et déporter ses propres enfants mais elle ne veut pas qu´on en parle !

Comment parler de l´avenir en commun alors que le passé douloureux du destin en commun hante toujours notre sommeil. Comment nous conduire vers un avenir meilleur en cassant le rétroviseur de notre voiture? Nos "nouveaux chiens de garde", pour dévaliser le journaliste et essayiste français Serge Halimi , veulent mettre le bourreau et la victime dans le même sac et nous imposer leurs termes du contrat de "la réconciliation".

Comment soigner le mal sans crever l´abcès? Comment tourner la page de la déportation, de l´épuration ethnique sans avoir le courage de diagnostiquer la cause du mal national? "Ko addi ndogen saka ndartoden" ? 

Ces fabricants ou partisans du renoncement et de l´oubli veulent nous enseigner leur propre "grammaire de la soumission" ou leur "vocabulaire de la réconciliation". Pour eux, toute revendication de justice est de l'Extrémisme! Nous devons prendre nos baluchons, courber l´échine et revenir sans crier gare comme si nos longues années d´exil et de souffrances dans les geôles du tyran n´avaient rien servi! L´exigence de justice est un droit mais aussi un devoir pour tout celui qui se sent lésé dans ses droits. 

Qu´un seul déporté, une veuve ou un orphelin exige la justice, minoritaires soient-ils, leurs voix doivent-être écoutées , ce n´est pas parce que tout le monde ait accepté de jouer au troupeau de panurges du Système que toute voix discordante doit être considérée comme celle de l´extrémisme.

La réparation n´est pas que matérielle ou pécunière elle est surtout et avant tout Morale. Les victimes n´ont pas exigé le ciel ou la lune mais la Justice, est-ce un crime? Jugez nos tortionnaires! Jugez nos déporteurs! Jugez nos violeurs! Jugez nos voleurs! Jugez nos assassins ! Discutons de notre fameuse Question nationale, du racisme et de l´esclavage. Est-ce trop vous demander messieurs les soldeurs des souffrances?  

Toutes les revendications peuvent trouver une solution si l´on veut bien se donner la peine. Il ne s´agit pas de récuser toute synthèse, mais une synthèse ne s´obtient pas en soldant ses revendications essentielles. Nous demandons seulement à nos potentiels soldeurs de ne pas céder à la mode sinon les Mauritaniens risquent d´être les sacrifiés. Car en politique le soldeur est un traitre, un petit traître en ce sens qu´il ne pense qu´à ses intérêts individuels que seule la trahison lui permet de satisfaire.

Dans son ouvrage "La parole manipulée", Philippe Breton nous rappelle cette terrible phrase de Boorstin : 'Le génie de Barnum, ou de Hitler, fut de découvrir non pas combien il était facile d'abuser le public, mais combien le public aimait être trompé'. Si certains acceptent d´être trompés et d´être bernés par cette campagne mensongère sur les "extremismes" c´est leur droit mais la conscience éclairée ne doit pas baisser la garde ni céder aux pressions.

On ne le dira jamais assez que l'exclusion est en soi économiquement mauvaise, socialement corrosive et politiquement explosive. Tentons dès à présent de sortir de ce cul-de-sac qui, tout le monde le sait, ne mène nulle part. Pour en sortir, il faut, à notre avis, une attitude, un climat et des conditions. Une attitude courageuse, d'ouverture sincère et de reconnaissance du problème de fond. 

Un climat de décrispation sociale grâce à un train de mesures positives à l'endroit de tous ceux qui, victimes et blessés dans leur chair, ont subi des préjudices matériels et moraux. La sanction des crimes commis pour rendre leur dignité aux victimes, à leurs veuves et à leurs enfants. Je crois qu'il faut se parler, car ce formidable potentiel de révolte enfouie commence à gronder.

Il serait erroné de croire qu´avec des simples promesses électoralistes on peut calmer la tempête. Il faut un débat national sur la question nationale dont les conclusions pourraient éventuellement être soumises au peuple, pour aborder enfin la phase d'une véritable réconciliation et de démocratisation. Mes pensées pieuses, militantes et patriotiques vont toujours à nos vaillants martyrs de Oualata, Djreïda, Inal, N´beyka, Azlat et dans toute la vallée.

La lutte continue!
Kaaw Touré Militant des FPC.

http://kaawbilbassi.blogspot.se/

 

(Reçu à Kassataya le 29 avril 2015)

 

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