Des Danois avaient irrité certains musulmans en caricaturant le prophète Mahomet. Un Néerlandais pourrait dérouter certains pratiquants de l’Islam, en étalant sur la place publique – et même sur la place du marché – des considérations habituellement réservées à la plus intime des intimités. C’est un sex-shop que l'entrepreneur maroco-néerlandais Abdelaziz Aouragh entend ouvrir dans le saint des saints, la ville de naissance du prophète : La Mecque. Mais pas n’importe quel sex-shop. Un sex-shop "halal", conforme aux règles de la religion musulmane. Ce spécialiste de la volupté commercialisée – déjà patron de la marque néerlandaise de produits érotiques Al Asira – aurait même obtenu la certification des autorités religieuses saoudiennes, si l’on en croit le quotidien britannique The Independent.
Aux croyants qui écarquillent leurs yeux, Abdelaziz Aouragh précise d’abord qu’il n’achalandera ni film pornographique, ni sextoy. En rayon de ce sex-shop "charia compatible", aucune poupée gonflable, pas de godemichés, encore moins de boules de geisha. En lieu et place des accessoires ludiques, le client pourra s’approvisionner en bougies, crèmes, lubrifiants et autres gels de massage. Des produits garantis sans alcool et sans gélatine d’origine porcine, ça va sans dire. Soyez "cochons" dans l’intimité, mais ne consommez pas de porc…
Moins convaincant, le promoteur affirme même que ses "produits n'ont rien à voir avec l'acte sexuel". Ceux-ci seraient destinés à "ce qu'il y autour" de l’accouplement, l’augmentation des sensations de sensualité n’ayant pour objectif que "l’amélioration de l'atmosphère au sein du couple". Une affaire d’amour moins physique que spirituel, le plaisir à promouvoir étant, bien entendu, circonscrit au cadre du mariage. Les clients du sex-shop ne devraient donc plus avoir de complexes. Il est tout de même prévu que la boutique propose une "livraison discrète" des commandes effectuées en ligne…
"Sexualité libérée"
Si Abdelaziz Aouragh ne s’aventure guère sur le terrain des pratiques sexuelles innovantes, il emprunte allégrement le terrain de la modernité. Il affirme que le Coran et les Hadiths (les paroles attribuées au prophète) suggèrent une "sexualité libérée" et il entend faire la promotion du genre féminin. Du féminisme halal dans une capitale qui néglige les droits des citoyennes ? Le projet d’Aouragh serait de "briser les stéréotypes entourant les femmes dans l'islam", celles-ci ne devant pas être cantonnées au port du voile et du torchon. Moins d’huiles alimentaires à badigeonner sur la volaille et davantage d’huile à frictionner sur la peau…
C’est en 2013 qu’apparaissait, en Turquie, le premier sex-shop en ligne estampillé "halal". En 2010, c’est au Bahrein que s’ouvrait une enseigne de la sensualité conforme aux normes de la religion musulmane. Pourquoi le secteur des relations intimes aurait-il échappé à la vague "musulman friendly" qui déferle sur la société de consommation ? Dans des sociétés de plus en plus segmentées par les as du marketing, la certification halal devient label commercial. Après les boucheries halal, on en est venu à parler du tourisme halal, des sites de rencontres halal ou des placements financiers halal. Des salons du halal ont ouvert leurs portes et un terme est même venu qualifier, en Europe, les consommateurs musulmans aisés notamment issus de l’immigration maghrébine : les "beurgeois". Les spécialistes du halal tentent même de conquérir les non-musulmans, vantant les vertus sanitaires d’une viande provenant d'un animal vidé de son sang. Et c’est aussi une affaire de flux sanguin maîtrisé, une relation intime réussie.
Damien Glez
(Dessin : L'oeil de Glez. © Damien Glez)
Source : Jeune Afrique
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