Presse arabe : le « cadeau » de Kerry à Bachar Al-Assad et le « coup de grâce » à l’opposition syrienne

“Au final, il faudra négocier”. Les propos tenus dimanche par le secrétaire d’Etat américain, John Kerry sur la chaine CBS font de l’effet dans les médias arabes où les commentaires oscillent entre déprime pour les anti-Bachar et satisfaction chez les partisans du régime syrien.

Cette “réhabilitation” de fait de Bachar Al-Assad a suivi de peu des déclarations remarquées du chef de la CIA, John Brennan indiquant que les Etats-Unis ne voulaient pas d’un effondrement du régime.

Les déclarations de Kerry paraissent en tout cas marquer clairement une différence majeure avec la rhétorique anti-Assad en vigueur à Paris et Londres.

Sur le tweeter “arabe”, c’est la déprime chez ceux qui sont hostiles au régime syrien à l’image de l’animateur de l’émission “al itijah al-mouakess” sur la chaine Al-Jazira, Fayçal Al Qassem qui dit tout le mal qu’il pense désormais de l’administration américaine.

“Nous avons toujours dit que cette destruction et cette sauvagerie pratiquée par Bachar Al-Assad bénéficie d’une approbation américaine. Nous avons dit aussi que Bachar est le chef d’un chaos destructeur. Aujourd’hui, les propos de Kerry confirment nos dires”.

Le politicien libanais Walid Joumblatt a dit de manière laconique son choc après les déclarations de John Kerry : “je ne trouve pas les mots appropriés pour exprimer la colère pour ne pas dire le mépris de la position” de Kerry. Ceux qui soutiennent Bachar Al-Assad persiflent d’ailleurs sur la déprime de Walid Joumblatt.

Al-Qods et "l'ambiguïté" américaine

Dans les médias arabes hostiles à Bachar Al-Assad, c’est le profil bas avec une mise en exergue de la réaction de Londres qui a répété, dimanche, que Bachar al-Assad n'avait aucun rôle à jouer dans le futur de la Syrie.
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"Assad n'a pas sa place dans le futur de la Syrie", a déclaré une porte-parole du ministère britannique des Affaires étrangères, en réaction aux déclarations du secrétaire d'Etat américain John Kerry.

Al-Quds Al-Arabi (anti-Bachar) relève que les propos de Kerry sont “habituels” mais que les agences de presse ont considéré qu’il s’agit d’un changement “significatif” dans l’agenda proclamé qui passe du départ du président syrien à la “pression pour l’inciter à négocier”.

Pour le journal deux facteurs expliquent la position américaine : la perspective d’un “bon accord” avec l’Iran sur le nucléaire et l’influence grandissant de l’EI (Daech) et du Front Nosra dont “l’élimination est une priorité stratégique” pour les Etats-Unis.

Al-Qods estime que les déclarations de Kerry rappellent que la “résistance” d’Al-Assad alors que la “révolution entre dans sa 5ème année” avec 215.000 morts ne découle pas seulement du soutien iranien et russe mais aussi “ de la position ambiguë” des américains.

Le refus américain de doter l’opposition politique d’armes “qualitatives” en était déjà l’expression et le recul de l’administration Obama sur la décision de frapper le régime après “l’usage des armes chimiques” a constitué un “tournant décisif”.

Tous ces facteurs ont permis le renforcement de l’EI (Daech) et du Front Nosra et des milices “confessionnelles” avec une “perte de boussole” qui a transformé la “cause du peuple syrien d’une révolution contre l’oppression à une question d’organisations extrémistes et de réfugiés”.

A l’opposé d’Al-Qods, Al- Akhbar, proche du Hezbollah, constate que les Etats-Unis “avouent que la solution est avec al-Assad”. Le journal souligne de John Kerry n’a pas l’habitude de faire des “lapsus” et se demande si ses propos sur CBS sont le prologue d’une nouvelle démarche politique à l’égard de la crise syrienne.

Les américains ont beau avoir décidé de former sur des “années” à “l’opposition modérée”, ils ne peuvent oublier les images de missiles tau, donnés aux opposants, qui se sont retrouvés entre les mains du Front Nosra.

“Des proches de la direction syrienne estiment que la déclaration de Kerry est un “préparatif” et le “fruit de la résistance sur le champ de bataille” et qu’elle est la conséquence d’un “changement de priorité” chez les Etats Occidentaux qui est passé de la chute de l’Etat syrien à la lutte contre la menace de Daech”.

Sur Raialyoum.com, l’éditorialiste palestinien Abdelbari Atwan énumère dans un long article “cinq facteurs qui ont changé l’image de la scène syrienne au début de la 5ème année”. Pour lui, John Kerry a tiré le “coup de grâce” contre l’opposition syrienne “modérée” et ses alliés car la montée de l’Etat Islamique a “changé radicalement l’équation”.

Rétropédalage américain

La déclaration de John Kerry était le plus “beau des cadeaux” fait à Bachar Al-Assad le jour même où la crise syrienne entamait sa 5ème année note l’éditorialiste en relevant qu’il est dans la “tradition” de la diplomatie américaine de rétro-pédaler graduellement avant de prendre des positions tranchées.

Les facteurs qui expliquent ce rétropédalage américain sont le groupe “Etat Islamique”, la résistance de l’armée syrienne et l’extension de la “base sociale” du régime en Syrie et le soutien ouvert et total de la Russie et de l’Iran.

A cela s’ajoute la conviction chez les américains et les occidentaux que la chute du régime se traduira par un “chaos sanglant” et un “vide politique” qui sera bénéfique aux groupes islamistes radicaux. Un autre facteur entre en compte : l’approche d’un accord américain avec l’Iran.

Mais, observe Atwan, il ne faut pas se précipiter. “La crise syrienne va durer, les surprises sont de l’ordre du possible, la cartes des alliances est ouverte à toutes les possibilités… Qui pouvait croire que le régime durerait quatre ans et que les Etats-Unis soient prêts à dialoguer avec lui…”. Le peuple syrien, conclut Atwan, “a subit la plus grande duperie de son histoire, toutes les parties ont comploté contre lui…”

 

Hebba Selim

 

Source : Le HuffPost Algérie

 

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