Affaire Maurisbank/BCM : « Le complot »

Quarante-cinq jours (31 décembre 15 février) après la décision de la BCM portant retrait de l’agrément de Maurisbank (décision suivie rapidement par un mandat de dépôt infligé à ses dirigeants qui ont été placés en détention préventive depuis le 15 janvier dernier), c’est à un passage à la vitesse supérieure que l’on assiste à présent : la liquidation.

 

Une véritable mise à mort sans états d’âmes aucuns que le Collectif de défense de la Maurisbank et d’Ahmed Ould Mogueya a tenu à dénoncer, criant au « complot » savamment organisé et mené de main de maître par la BCM, cette « banque-mère qui mange ses enfants », dira Me Moctar Ould Ely, le plus âgé parmi le groupe composé d’une dizaine d’avocats.

La décision de liquidation est injustifiable

Regrettant de ne pas avoir à plaider devant une Cour, tout en étant heureux de sensibiliser et prendre à témoin l’opinion publique ci-présente, particulièrement la presse sur laquelle ils fondent beaucoup d’espoirs en tant que quatrième pouvoir, capable de faire écho voire de faire basculer la balance en faveur de leur client, les avocats de Maurisbank et d’Ahmed Ould Mogueya se livreront à cœur joie à un réquisitoire qui mettra à nue les incohérences et contradictions dans l’application des textes, dénonçant l’impossibilité de faire comparaître leur client et ses co-détenus devant le juge.

Il est vrai que l’opinion publique était bien représentée ce lundi soir, l’hôtel Suites Royales regorgeant de monde, hommes et femmes, autant de la classe politique que des affaires ou de la société civile (El Ghassem, Boidiel, Hanena, Limam Ahmed, Mohamed Ould Haimer, Ahmed Ould Hamza, Saleck, Jeilani, Jouly, Yezid, Boubacar Ould Messaoud et la liste est longue).

Tour à tour, de Me Elemine Ould Mohamed Salem au bâtonnier de l’ONA, Me Cheikh Ould Hendi en passant par Me Moctar Ould Ely, Me Hacen Ould Mocatr, Me Mohamed Mahmoud Ould Ematt, Me Abdallahi Ould Hbeiyeb, Me Moulay El Ghali Ould Moulaye Ely, la défense n’a cessé d’expliquer avec force arguments que les procédures n’ont pas été respectées et que la décision de liquidation est injustifiable non seulement parce qu’il y a d’autres solutions mais et surtout parce que les actifs de la Maurisbank sont supérieurs à son passif. Pour le Collectif de défense, l’attitude de la BCM était de sabotage et non de sauvetage de la Maurisbank car cette dernière avait trouvé et proposé un partenaire américain que la BCM a refusé comme elle a refusé de la renflouer.

La logique formelle, dira Me Moctar Ould Ely, veut que toutes les procédures de liquidation cessent jusqu’à ce que la Cour Suprême qui a été saisie par la Maurisbank, se prononce sur le bien fondé ou non du retrait de l’agrément décidé par le Conseil de Politique Monétaire de la Banque Centrale de Mauritanie, sachant que cette dernière, « la BCM, ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », acceptant le capital d’une banque en nature et non en numéraire.

Auparavant, Me Hacen Ould Mocatr soulignera l’«excès de pouvoir » du Conseil de Politique Monétaire de la Banque Centrale de Mauritanie dont la fonction est de « décider » de la politique monétaire et non de « décider de la sanction ». Une nuance qui ne semble pas avoir préoccupé trop de juges et surtout pas la BCM qui avait, dira Me Ould EMatt plusieurs choix pour traiter cette affaire mais a choisi la plus radicale et la plus arbitraire, à savoir la liquidation. Un timing mal choisi pour l’économie du pays, mais c’est sans doute, ajoutera-t-il, parce qu’un fonds de secours pour sauver les banques en difficultés, institué depuis 16 ans et financé et par celles-ci, a été détourné. Un.

Enchainant après lui, Me Abdallahi Ould Hbeiyeb se demandera pourquoi le tribunal de commerce convoque-t-il Ahmed Ould Mogueya alors qu’il est placé en détention préventive par un tribunal pénal ? On met en détention préventive quelqu’un qui va fuir ou commettre un délit. Or, les conditions de cette détention préventive ne sont pas réunies.

Me Moulaye El Ghali informera l’audience que le régisseur de la prison civile était venu, sans convocation, informer M. Ahmed Ould Mogueya qu’il devra se rendre au tribunal de Commerce. « La convocation existe, elle a été remise au Procureur qui l’égarée », dira l’avocat mais pour parler de sa banque, Ould Mogueya doit être libre. Car, soit il s’agit d’une affaire commerciale et il y va, soit il s’agit d’une affaire pénale et il faudra attendre jusqu’à la vider.

Le hic, précisera Me Ould Moulaye Ely est que nous sommes en face de textes contradictoires où vous trouvez des choses dans le texte écrit en arabe qui n’ont pas de trace dans le même document en français. Voilà pourquoi nous combattons une procédure de liquidation à l’issue de laquelle les biens de la Maurisbank pourront être vendus aux enchères et par rapport à laquelle la défense n’est pas associée.

Le grand complot

C’est une théorie qui a été développée, non sans conviction apparente, par Me Moctar Ould Ely pour lequel chaque jour qui passe lève un coin du voile sur un complot savamment orchestré par la BCM pour se venger de M. Ahmed Ould Mogueya dans l’affaire de la Bacim-bank, l’homme d’affaires ayant remporté le bras de fer qui l’y opposait à la BCM pour avoir vendu ses parts sans son consentement, obligeant cette dernière à signer avec lui une convention reconnaissant ses avoirs et lui autorisant la création d’une banque.

Et Me Moctar Ould Ely d’affirmer que le nœud du problème de M. Ahmed Ould Mogueya est un règlement de comptes : voyant que l’homme d’affaires avait gagné la bataille des tribunaux, la BCM lui tend un piège qui consiste à lui libérer le capital de la Maurisbank en nature en y incluant sa société Mausov et son patrimoine SMCI situé le long de la route de l’aéroport. La Maurisbank voit le jour en Février 2013 et est gratifiée de quelques clients qui y font leurs dépôts bancaires. Elle ouvre huit (8) agences de représentation dans le pays et attire quelques 5.000 clients. Mais M. Ahmed Ould Mogueya ne sait pas que la BCM ne voulait pas de sa réussite. Elle fait retirer fortement et simultanément les dépôts du trésor public. Le coup est fatal puisqu’il conduit à l’exclusion de la Maurisbank de la compense et lui provoque des soucis de liquidité, car étant une banque islamique et non-usuraire, elle ne bénéficie pas de l’usure bancaire qui est contraire à son statut de banque islamique. Le reste ne sera qu’un jeu avec le temps pour la BCM qui est juge et partie civile. M. Ahmed Ould Mogueya et des premiers responsables de la banque sont accusés d’avoir « dissimulé des éléments comptables » et le Conseil de Politique Monétaire de la Banque Centrale de Mauritanie prend la décision, le 31 décembre 2014, de retrait de l’agrément de la Maurisbank. Quinze jours plus tard, M. Ahmed Ould Mogueya et ses co-détenus sont placés en détention préventive, avant que ne soit prise une décision du tribunal de Nouakchott désignant un groupe de quatre (4) experts dirigé par Mourtaji Ould Wavi, pour conduire la procédure de liquidation de la banque islamique.

Pour Me Moctar Ould Ely, il y avait anguille sous roche mais, M. Ahmed Ould Mogueya, bon qu’il est, n’avait rien vu venir. Exactement, dira-t-il, comme à la nationalisation de la Miferma en 1974. La Mauritanie avait quelques 400 ou 500 millions de devises dans des comptes bancaires français mais ayant décidé de nationaliser la Miferma, elle commença à les virer petit à petit dans des comptes bancaires en Allemagne et ailleurs qu’en France jusqu’à les mettre à l’abri. Le France n’y avait vu que du feu.

Et l’avocat d’entonner : « Monsieur le Président de la République intervenez, parce qu’on ne vous dit pas la vérité. S’il y a accroc entre la BCM et Ould Mogueya, il faut que le Président de la République, le Premier Ministre, le Parlement interviennent car la Mauritanie doit sauver son équilibre économique. Pourquoi le Patronat ne réagit-il pas ? Les Présidents sont intervenus en France, aux Etats-Unis d’Amériques, en Grande-Bretagne pour sauver des banques. Sinon les Mauritaniens, les investisseurs auront peur de déposer dans les banques ! »

 

Mohamed Ould Khattatt

 

Source : ANI

 

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