Le courant ainsi produit était destiné au secteur minier mauritanien d’une part mais avait aussi une vocation régionale en alimentant les réseaux électriques du Mali et du Sénégal. La société Tullow Oil qui opérait ce gisement a décidé en novembre 2014 de ne pas poursuivre les négociations avec le gouvernement, alors même que le projet était sur les rails depuis 2012. Tullow Oil a également décidé de se retirer d’un projet assez semblable de Kudu en Namibie. Réserve modeste, située en offshore, absence d’infrastructures qu’il faut entièrement construire : voici encore le « cocktail » qui a entraîné cette société britannique à baisser les bras sur ce gisement découvert par Chevron dans les années 1970. Ce gaz namibien n’était pas prévu pour l’exportation vers la Chine, l’Inde, ou l’Europe mais bien pour les besoins du pays en électricité, qui en aurait également fait profiter dans un deuxième temps la Zambie ainsi que l’Afrique du Sud.
L’abandon de ces projets a entraîné des suppressions d’emplois dans les pays concernés. Ces deux exemples montrent que les premiers touchés par les baisses d’investissements des pétroliers sont les citoyens africains qui devront encore patienter pour obtenir du courant bon marché et continu, et non pas les clients internationaux des investisseurs. Autrefois auréolée de son succès avec les découvertes des premiers gisements au Ghana et en Ouganda, la junior britannique Tullow Oil doit revoir ses ambitions dans l’exploration et va d’ailleurs se reconcentrer sur sa priorité du moment : le Kenya où d’importants gisements ont été mis au jour depuis 2012. Outre les juniors, les majors ont également prévu de baisser leur budget exploration et production sur le continent africain.
Le nouveau directeur général de Total, Patrick Pouyanné, vient d’annoncer une baisse de 10 % des dépenses du groupe pour 2015. Deux pays en Afrique subiront principalement cette baisse de moyens : la République du Congo et le Gabon où Total a essuyé un redressement fiscal record de plusieurs centaines de millions de dollars en 2014. Ces deux Etats d’Afrique centrale, producteurs de pétrole depuis six décennies, ont un potentiel relativement limité et leurs gisements, pour la plupart, sont matures, et nécessitent d’importants moyens pour maintenir leur production. C’est donc les premiers que Total décide de sacrifier. Outre la major française, Exxon, plus important pétrolier privé au monde et un des plus impliqué en Afrique (Nigeria, Angola) a annoncé qu’elle baisserait ses investissements de 5 milliards de dollars en 2015 comparé à 2014.
Même tendance pour Chevron et Shell, les deux autres mastodontes du secteur en Afrique. Si ces baisses de moyens ne se voient pas dans l’immédiat sur la production des États, elles auront des conséquences sur le plus long terme car des projets non lancés se payent un jour. Le cas de l’Algérie est à ce titre éclairant. Depuis 2005, les investissements étrangers diminuent du fait d’un régime pétrolier jugé peu attractif par les majors. Le débit pétrolier et gazier diminue donc régulièrement chaque année, la compagnie nationale Sonatrach n’étant pas, à elle seule, en capacité de suppléer la relative démobilisation des pétroliers internationaux.
Benjamin Augé
Benjamin Augé est chercheur associé aux programmes Afrique et Energie de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Source : Le Monde Afrique
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