C’est donc à juste raison que Paul Biya, le président camerounais, en est arrivé à lancer un appel à la communauté internationale pour l’aider à sécuriser son pays. L’Union africaine (UA), comme l’on pouvait s’y attendre, n’a pas encore réagi. Mais le cri de détresse de Biya a été entendu par le Tchad. En effet, à l’issue d’un entretien qui s’est déroulé ce mercredi 14 janvier 2015 à N’Djamena entre le ministre camerounais de la Défense, Edgard Alain N’go’o et le président Idriss Déby, le gouvernement tchadien a dit en des termes univoques et explicites ceci : « Le Tchad exprime sa solidarité avec le Cameroun et est disposé à lui apporter un soutien actif dans la riposte courageuse et déterminée de ses forces armées aux actes criminels et terroristes de Boko Haram ».
Attention, Déby arrive !
Le Tchad appelle en outre tous les Etats de la sous-région à soutenir les Camerounais en vue de faire échec aux incursions déstabilisantes des illuminés de Abubakar Shekau.
En attendant de connaître la nature et l’envergure du « soutien actif » de Déby à Biya, l’on peut d’ores et déjà se risquer à dire que celui-ci pourrait aider à modifier les rapports de force qui, aujourd’hui, semblent être en faveur de Boko Haram, surtout au Nigeria. Cette hypothèse est d’autant plus plausible que le Tchad qui est lui-même sous la menace des djihadistes nigérians, puisqu’ils se signalent par moments à ses frontières, est considéré comme une puissance notamment militaire de l’Afrique centrale. Et il en a donné la preuve au Nord-Mali où ses soldats, on se rappelle, avaient bravé l’austérité du relief des Iffoghas pour booster les djihadistes hors du territoire malien. Ces hauts faits de guerre tchadiens pourraient être réédités au Cameroun, même si l’on doit se garder de verser dans un optimisme débordant, pour la simple raison que le terrain sur lequel l’armée tchadienne s’apprête à intervenir n’est pas le même que celui du Nord-Mali ou de la bande d’Aouzou, encore moins du Tibesti. En effet, si les soldats de Déby ont l’expérience et la science de la guerre en milieu désertique qu’ils ont notamment acquises à la faveur de leurs multiples confrontations avec la Libye de Kadhafi, rien ne dit que sur un terrain fait de marécages et de forêts, ils auront la même efficacité.
Toute riposte contre Boko Haram exige que l’armée nigériane sorte de son laxisme
A cet élément qui pourrait entraver leur volonté de mater Boko Haram, l’on peut ajouter le fait que face à une riposte tchado-camerounaise contre Boko-Haram sur le sol camerounais, les « barbus » de Aboubakar Shekau pourront trouver une zone de repli facilement au Nigeria où ils sont à l’aise comme un poisson dans l’eau. Dans un tel cas de figure, l’on peut se poser la question de savoir si Goodluck Jonathan, qui semble avoir fait de la question de Boko Haram le cadet de ses soucis, accordera un droit de poursuite de ces « barbus » à la coalition tchado-camerounaise à l’intérieur de son territoire.
C’est pourquoi toute riposte contre Boko Haram, si elle veut être efficace, exige que l’armée nigériane sorte de la logique de laxisme voire de capitulation dans laquelle elle se trouve aujourd’hui, pour devenir le noyau d’une riposte appropriée à l’échelle africaine et mondiale contre Boko Haram dont les visées expansionnistes ne sont plus cachées. L’on pourrait aussi, dans le même registre, faire le reproche à l’Occident dont la culture pourtant est portée en aversion par Boko Haram, de ne pas faire montre de la même détermination contre les djihadistes nigérians que celle avec laquelle il traque l’Etat islamiste en Irak et en Syrie. Si le Nigeria venait à se réveiller et si la communauté internationale se décidait à bander les muscles contre Boko Haram, l’on peut être sûr que le savoir-faire et le courage des soldats tchadiens, qui sont de notoriété publique, seront déterminants dans la lutte contre Boko Haram.
Pousdem PICKOU
Source : Le Pays (Burkina Faso)
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