Le motif de cette condamnation est que l’accusé Mohamed M’kheitir « a parlé avec légèreté du prophète Mohamed (PSL) dans un article ». Cette expression dite légère lui a valu une condamnation à mort pour « apostasie ».
Ainsi la qualification d’apostasie retenue par la cour peut paraitre disproportionnée par rapport aux faits – aux écrits – qui sont reprochés à M’Kheitir.
Le crime d’apostasie est régi par l’article 306 alinéa 1et suivant du code pénal sous la section IV (intitulé Attentat aux mœurs de l’islam) du titre II de l’ordonnance du 9 juillet 1983 portant institution du code pénal.
Malgré l’absence de définition de ce qu’est l’apostasie dans cet article de loi, on peut s’accorder sur le fait que l’apostasie est l’attitude d’un individu qui renonce publiquement et de façon claire à une doctrine ou une religion.
Et il est aisé de noter qu’entre des paroles dites « légères » et un acte de renoncement public d’une religion il y’a une très grande différence
L’interprétation de la loi pénale se veut stricte, nul ne peut être qualifié d’apostat pour avoir parlé de façon « légère du prophète (PSL) ». Ainsi, si la parole dite « légère à l’endroit du prophète (PSL) » est condamnable, cette condamnation doit être proportionnée à l’acte incriminée. Or qualifier une parole – légère – fut- elle à l’endroit du prophète (PSL), d’apostasie est au moins juridiquement disproportionné au regard du droit mauritanien. Car le juge pénal ne peut interpréter largement une loi pénale que dans un sens favorable au prévenu. Et tel n’est pas le cas dans le verdict de l’affaire Mkheitir.
Car condamner quelqu’un pour des propos légers, c'est-à-dire pour absence de densité reviendrait à condamner beaucoup de monde. Cette condamnation est – c’est le cas de le dire – d’une légèreté intellectuelle et juridique déconcertante.
Mais supposons que notre compatriote M’Kheitir ait dans ses écrits fait acte d’apostasie.
Le cadre juridique en vigueur à travers l’article 306 alinéa 1 dispose que « Tout musulman coupable de crime d’apostasie, soit par la parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours », et malgré les manœuvres dilatoires, on sait tous – et ce grâce à l’abnégation du blogueur Vlane – que notre compatriote M’kheitir, avant l’expiration de ce délai de trois jours a tenu à clarifier sa précédente sortie, tout en réaffirmant son attachement aux préceptes de l’islam, son amour à l’endroit du prophète (PSL).
Il réitéra aussi cette position devant les juges lors du procès, mais rien n’y fait et malgré ses dénégations, la bien pensante avait décidé de sacrifier pour l’exemple, celui qui osa traiter des problèmes de discriminations à l’encontre des forgerons.
Le repentir de M’kheitir n’a pas eu d’incidence ni sur la qualification juridique de son acte ni sur l’issue du procès.
Ainsi, le principe du procès équitable dont doit jouir tout justiciable a été bafoué par la justice mauritanienne.
L’instruction, dans cette affaire ne s’est faite qu’à charge et ce à l’encontre du prévenu, sous la pression politico-religieuse.
On n’en serait pas là si seulement nos magistrats avaient pris courageusement leur responsabilité en prenant en compte le repentir de M’kheitir et par ricochet appliquer scrupuleusement les dispositions de l’article 306 et suivant du code pénal.
En droit, la qualification pénale doit traduire des faits en élément juridique. Autrement dit le juge va chercher à établir si les faits particuliers reprochés à l’accusé entrent dans le domaine d’application de la loi. Et au nom du principe de légalité des droits et des peines, la qualification doit être exacte, sous peine d’être irrégulière.
La violation manifeste des droits de la défense, l’absence de procès équitable, l’instruction à charge et le défaut de qualification légale de l’incrimination, sont caractéristiques d’une absence d’un Etat de droit.
A travers la qualification juridique de ses écrits et la tournure des événements, les autorités politiques et judiciaires ont privé à la société mauritanienne d’un débat serein sur la question des castes. Et ce dans l’ensemble des communautés.
Et au-delà du cas de M’kheitir, quelque part la bien pensante veut domestiquer nos indignations, nos désapprobations et la dénonciation des tares de notre société.
Ce procès et son verdict sont une invitation à l’auto censure, au refus du débat.
Diallo Saidou dit Thierno
Pour Kassataya
28/12/2014
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