Le tonnerre de Dieu

Ecraser une fourmi. Y a t il soucis plus sot que de s'inquiéter pour avoir écrasé une fourmi.

Je me suis pourtant, souvent demandé qu'adviendrait il si un homme, après avoir mine de rien écrasé cet insecte, voit tout de suite après le Seigneur de la fourmi le jeter dans les affres de tortures insoutenables, lui disant : "reconstruit ce que tu viens de détruire et tes tourments prendront fin."

L'homme a-t-il une fois considéré la difficile tache de réparer une vie qu'il prend?

Quelque part au environ de 1989 j'avais une vieille 2cv Citroën. Je roulais aux environ de trente a quarante kilomètres a l'heure vue la vétusté de mon bolide.

C'était à la fin de l'hivernage. Cette année là Allah avait comme d'habitude comblé la Mauritanie de pluies diluviennes. La terre s'était parée de ses plus beaux atours et les tapis verts, qui n'avaient rien de politique s'étendaient à perte de vue épousant les courbes et les méandres du merveilleux paysage de ce beau pays.

Je pensais à tout sauf à la distance. Arriver a Nouakchott au crépuscule ou tard dans la nuit m'était complètement égal. La sécurité régnait. Mon esprit bédouin était occupé à se régaler de la beauté féérique de cette belle nature et des grâces que le Seigneur de cet univers immense octroyait a qui il veut et quand il le veut sans contrepartie. Gratuitement.

Toutes les créatures en cette période étaient comblées par la nature. Homme, bêtes et bestioles. Les nantis mangeaient quand ils voulaient. Les pauvres quand ils pouvaient. Mais tout le monde était satisfait de sa condition.

Quelque part au environ de Mbalal, mon attention fut subitement attiré par une scène insolite et cauchemardesque. Un tableau infernal et insoutenable. Une foule agglutinée autour d'un arbre sur le tronc duquel était ligoté un chien. L'animal pendu par la gorge et les pattes de devant avait le reste du corps gigotant dans le vide. Une meute de chiens le déchiquetaient littéralement sous les cris perçants et les huées excitées de cette foule de l'enfer. Le chien supplicié complètement à la merci de cette foule pervertie et après avoir tournoyé en vain dans le vide, s'était a demi résigné. Sa résistance se limitait dans un ultime effort à pousser de petites plaintes de plus en plus faibles à chaque assaut de ses agresseurs. Les femmes et des enfants jubilaient de bonheur. Bonheur de quoi? Allez savoir.

A quelque pas de la foule deux hommes les pans de boubous maintenus derrière le dos un grand cure-dent dans la bouche, observaient benoitement la scène et se contentaient de temps en temps de cracher par terre. La bête n'était plus agréable à voir. Et en m'approchant de cette scène horrible, d'un crime gratuit, je ne pouvais m'empêcher de penser aux services que cet animal a rendus à ces bourreaux. Qui était son maitre? Quel degré de la déraison peut justifier la livraison de ce vie a de telles atrocités et devant tout un monde que la miséricorde semble avoir fuit?

L'atmosphère satanique du lieu était électrifiée, me semblait-il par l'âme de cet animal, qui ne voulait pas s'en aller. Elle s'accrochait obstinément au corps comme s'accrochaient ces longues lanières de peau et de ligament qui descendaient en lianes ensanglantées de la pauvre anatomie meurtrie par une violence qu'elle ne comprenait certainement pas.

Une pensée effleura mon esprit : Les chiens avaient ils une âme? Une raison?

Entre la victime et l'assistance, qui était le plus "chien"?

Le chien remue la queue en signe de paix et l'homme remue la langue pour faire le mal. Bien sur il est facile plus tard d'être miséricordieux et compatissant. Quand il sera trop tard.

La crainte de Dieu est un peigne que la vie donne à l'humain quand il devient complètement chauve de toute pitié et de toute raison.

Mes yeux croisèrent ceux du pauvre animal et je senti une piqure entre les cotes. Juste au niveau du cœur. Je compris que pour lui c'était finit. Ses organes vitaux entamés profondément par les crocs les griffes des chiens et les pierres de la meute humaine, en disaient long sur sa mort imminente.

 Poussé subitement par un courage douloureux et immoral, j'ouvris précipitamment la portière de la 2cv et pris une barre de fer. Rapidement et avec une violence que je ne me connaissais pas, j'assenai des coups redoublés sur le pauvre crane meurtri. Il mourut tout de suite.

Ses yeux s'immobilisèrent pour l'éternité et les miens s'embuèrent de larmes.

Le misérable criminel d'occasion que j'étais, confus et défait, repris son siège dans sa misérable carcasse de bagnole et s'apprêta à continuer sur Nouakchott quand Soudain comme sorti des entrailles du ciel le tonnerre gronda.

Ce n'était pas la première fois que j'entendais le tonnerre, mais ce tonnerre là n'était pas comme les autres tonnerres. Une sorte de rugissements alternatifs qui secouaient les entrailles et glaçaient le sang dans les veines. Un sentiment diffus d'une crainte qui fuse de l'âme et secoue douloureusement les ficelles de la conscience. Quelle conscience? Y a-t-il encore des consciences sur cette terre?? J'eu juste le temps de voir que la foules sous l'arbre se dispersait dans tous les sens, affolée par ces terribles grondements qui semblaient sortir d'une bouche du ciel qui voulait engloutir les habitants de la terre.

Je ne sais pourquoi une peur innommable s'empara de moi.une inquiétude diffuse paralysa mon esprit et pour un moment je fus convaincu que les interdits du Dieu des mondes y compris celui des chiens, ont été transgressés. Cette profanation de la vie à laquelle je viens d'assister a réveillé quelque part quelque chose de terrible. La colère de Celui dont l'une des extraordinaires œuvres venait d'être détruite, par ceux qui n'en peuvent même pas comprendre le mécanisme.

Je me dépêchais de quitter ce lieu sinistre, qui semble attirer la colère divine. Je ne pu m'empêcher de penser a un adage de mon village: "Quand ta force t'incite à écraser plus faible que toi, rappelle toi toujours la puissance d'Allah à te réduire au néant." Ce chien réputé être l'animal le plus fidèle à l'homme venait d'être assassiné, réduit au néant par tous ces humains réunis, aidés en cela par ses propres frères de race. Ses yeux imploraient un secours, une compassion qui avait déménagé de ces cœurs desséchés par une méchanceté inexplicable, féroce et immorale. Le coté sombre de l'homme.

Pourquoi les hommes sont ils si méchants?

Je me souvins d'avoir entendu tout a l'heure une bouche  parler de l'impureté de cette bête. Je repensais au chien des gens de la caverne, cité dans le livre sacré. Des jeunes figés dans le temps et dont le chien par fidélité innée restera toute cette longue période, dans sa demi mort les pattes allongées devant la caverne pour garder leur repos malgré son inexistence.

C'est à partir de cette année, soit que quelque chose en moi fut détruit ou déséquilibré, soit que la colère de Dieu en de multiples formes et sous de multiples cieux m'apparaitra à chaque fois simultanément avec les yeux de ce chiens que je voyais toujours comme un œil de Caen accusateur de la cruauté humaine. En Mauritanie, au Sénégal, au Mali, en Afghanistan, au Pakistan, au Koweït, en Irak, en Syrie, en Egypte, en Lybie, au soudan… partout ou le tort et l'injustice s'installaient, des corps humains étaient déchiquetés, écrasés détruits. Des tonnes de viandes dilapidées et qui ne sont même pas utiles à la consommation. Des pertes et des pertes humaines à perte de vue.

Une nuit j'eu une peur bleue, quand dans un avion entre Paris et Rome, j'eu l'impression à travers le hublot du Boeing, de voir cette image infernale de mon chien fixant avec un sourire narquois le silence astral des hautes sphères. Je fus convaincu que quelque chose allait arriver. Au lieu de passer l'habituelle heure de transit à l'aéroport de Rome, nous fumes acheminée vers un hôtel.

Motif le pilote a eu une crise cardiaque. Il fallait attendre un autre pilote qui viendra de Madrid.

Le matin de l'Aïd el Kabîr, sortant d'une mosquée ou je venais d'accomplir la prière de la fête, je me précipitais vers la maison pour faire le sacrifice rituel. Au moment de trancher la gorge de mon mouton, une voisine somalienne sortie de nulle part, m'annonça: "Ils viennent de faire le sacrifice avec Saddam Hussein. Dhabahouh (Ils l'ont égorgé pour un mauritanien"

Ma main flancha et j'eu l'impression d'égorger un être humain. La seule fête de ma vie ou je ne pu manger la viande.

Allah a dit dans le coran: "Et seul Ton Dieu connait la nature de ses soldats."

Plus les hommes cherchent à étancher leur soif de sang, plus leur sang coulera et étanchera la soif d'autres hommes.

Faire le tort est facile, quand on est puissant. Mais l'homme oubli souvent que toute la puissance, la vraie puissance est concentrée entre les mains du Maitre de l'univers. Un Maitre qui s'est interdit la tyrannie avant de l'interdire a ses créatures. Un Maitre duquel le prophète (psl) a dit "Méfiez vous de l'invocation de l'opprimé. Elle va directement auprès d'Allah."

Votre finesse et votre intelligence à faire le mal à abreuver l'autre de la coupe de l'humiliation, est une recette que vous donnez a d'autres pour vous traiter par la même, le jour ou vous serez en position de celui qui sera écrasé.

La Puissance de Dieu est la seule force qui dure.

Mohamed Hanefi

Koweït

 

(Reçu à Kassataya le 26 décembre 2014)

 

 

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