Pour autant, chacun s'accorde à dire que ce Forum a été le lieu d'un dialogue constructif. Mais une fois de plus, la question du terrorisme en Libye a focalisé l'attention des chefs d'Etat. Elle a même suscité quelques échanges tendus autour de la responsabilité de l'Alliance atlantique dans la chute de Kadhafi.
De l’avis de ses organisateurs, le Forum de Dakar est un succès. Pour Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense, le pari du Forum a été relevé par le Sénégal. Même l’Union africaine (UA), plutôt réticente à l’idée de voir la France co-organiser la rencontre, assure par la voix de son commissaire à la Paix et à la Sécurité, Smaïl Chergui, que le Forum a permis aux partenaires africains de s’entendre dans « un dialogue au service de la paix universelle ».
Après les travaux, le président de l'Institut panafricain de stratégie Cheikh Tidiane Gadio a assuré en conclusion que l’Afrique se retrouve face à des mouvements toujours plus radicalisés, mais que la lutte contre ces mouvements nécessite d’identifier les failles sociales dans lesquelles s’engouffrent les terroristes. « Le terrorisme, un fléau qui n’a pas de visage, n’a pas de nationalité et se nourrit d’interprétations erronées », a dit le président tchadien Idriss Déby.
Preuve que sur les questions de sécurité en Afrique, la parole a été très libre à Dakar, un épisode notable a marqué la fin du Forum, lorsque le Mauritanien Mohamed Ould Abdelel Aziz a regretté que certains pays paient des rançons aux preneurs d’otages. La réaction de Jean-Yves Le Drian à la tribune, une petite grimace, fut tout aussi notable.
Les chefs d'Etat africains interpellent la France sur le dossier libyen
Jean-Yves Le Drian n'en était pas à sa dernière grimace. Pendant le Forum, plusieurs chefs d'Etat et le ministre français se sont interpellés en public, devant les quelque 300 personnes invitées et devant les journalistes. Mais cette fois-ci, c'est le thème libyen, facteur déstabilisant dans la région, et notamment au Mali, qui les a occupés.
« Notre présence à nous, Maliens, est un témoignage de ce que nous sommes aujourd’hui et de ce que nous aurions pu devenir, sans l’intervention décidée il y a deux ans par François Hollande », a affirmé le président malien Ibrahim Boubacar Keïta en ouverture. Mais d'ajouter : « Tant que le problème sud-libyen ne sera pas résolu, nous n’aurons pas la paix. »
Puis le Sénégalais Macky Sall n'y est pas allé par quatre chemins pour demander aux Occidentaux, et donc aussi aux Français, de terminer le travail qu’ils ont laissé inachevé en Libye en 2011. « Malheureusement, la Libye est un travail inachevé, a-t-il dit. Il faut que ceux qui l’ont entamé puissent nous aider à le terminer. A cela, il faut ajouter les influences venues d’Egypte, avec les Frères musulmans qui, par vagues, rejoignent ce pays ; et le commerce du pétrole qui se poursuit et qui alimente le financement de l’armement. Donc, c’est véritablement une poudrière pour la zone sahélienne, qu'il convient de traiter de manière appropriée. »Approbation dans la salle.
Une nouvelle intervention de l'Otan jugée obligatoire et décisive
C'est alors que le ton a changé, lorsque le Tchadien Idriss Déby, premier allié militaire de la France au nord du Mali, a rebondi sur les propos de son homologue sénégalais pour lui lancer : « Mais non Macky, le travail en Libye, les Occidentaux et l’Otan l’ont bien achevé puisqu’ils voulaient tuer Kadhafi et qu’ils l’ont bien tué ! Le problème, c’est qu’ils n’ont pas mené le service après-vente. » Nouveaux applaudissements dans la salle, nouvelle grimace pour Jean-Yves Le Drian.
Et Idriss Déby de poursuivre : « En Libye, la solution n’est pas entre nos mains, mais entre celles de l’Otan, qui doit détruire les terroristes comme elle a détruit Kadhafi. » Avant de prendre Jean-Yves Le Drian par le bras pour lui dire : « Monsieur le ministre, vous m’excuserez pour ces vérités, mais c’est vraiment à nos amis occidentaux de trouver une solution dans ce pays. » Et ce dernier de lui répondre diplomatiquement : « Oui, la question libyenne est devant nous, il est nécessaire que la communauté internationale s’en saisisse. »
Est-ce finalement mal que de voir le débat s'installer publiquement et sans concession sur les sujets majeurs ? N'était-ce pas, au fond, l'opportunité de le faire ? La conclusion revient au Sénégalais Macky Sall : « La parole s’est libérée ce soir, rendez-vous dans un an. Inch'Allah ! »
Source : RFI
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