Blacks, blancs, beurs au miroir des Bleus

Eric Cantona retrace l'histoire qui unit les enfants d'immigrés à l'équipe de foot.

 

 

C'est un documentaire qui tombe à pic, tel un centre de Zidane ou une tête de Basile Boli. Moins de deux semaines après la polémique déclenchée par les propos de l'entraîneur de Bordeaux, Willy Sagnol – "  l'avantage du joueur typique africain, c'est qu'il n'est pas cher quand on le prend. C'est un joueur qui est prêt au combat, qu'on peut qualifier de puissant. Mais le foot, c'est aussi de la technique, de l'intelligence, de la discipline  " –, Canal+ diffuse un documentaire réalisé par Eric Cantona qui raconte l'histoire commune qui unit les enfants d'immigrés à l'équipe de France.

Si le sujet a déjà été exploré de long en large, il n'est jamais inutile de rappeler que, depuis les années 1950, le Onze tricolore reflète les différentes vagues d'immigration qui se sont succédé en France  : polonaise (Raymond Kopa), italienne (Michel Platini), espagnole (Luis Fernandez, Eric Cantona), Afrique noire (Basile Boli, Jean Tigana), maghrébine (Zinédine Zidane)…

Comme on pouvait s'y attendre, le film commence par des images de supporteurs sur les Champs-Elysées après la victoire de l'équipe "  black-blanc-beur  " en finale du Mondial 1998. Il s'éloigne ensuite du sujet, en s'attardant notamment sur les conditions de vie des mineurs polonais – certes, Raymond Kopa en faisait partie – dans l'est de la France.

Des témoignages émouvants

Ce documentaire emprunte ainsi des détours parfois assez lointains avec le thème annoncé. Mais il parvient à faire mouche, notamment parce qu'il joue avec la fibre nostalgique du supporteur des Bleus. Alors, ce dernier ne peut s'empêcher de décrocher un sourire en revoyant Platini et Tigana danser la samba dans leur vestiaire après avoir éliminé le Brésil en  1986, ou les deux buts de Zidane, en finale de la Coupe du monde de 1998.

La force principale du film réside dans le fait qu'il donne longuement la parole à ceux qui ont laissé leur empreinte chez les Bleus. Chacun y dévoile des pans de sa jeunesse, le chemin qui le mena au football et au plus haut niveau. Face caméra, les joueurs racontent des anecdotes et les rapports qu'ils entretiennent avec la France, leur pays. Il y a des témoignages abrupts. "  Si je ratais le dernier penalty contre le Brésil, on m'aurait rappelé que j'étais espagnol…  ", assure Luis Fernandez. "  Il y a toujours un regard différent, confie Zidane. Mes parents me disaient  : Tu dois travailler deux ou trois fois plus que les autres…  "

Avec parfois un manque de rythme, le film prend aussi le temps de remonter aux origines de chacun, avec des images d'archives et des témoignages parfois touchants, comme ceux de la mère d'Eric Cantona ou du père de Zidane lorsqu'ils racontent leur arrivée dans l'Hexagone.

Le thème de La Marseillaise n'est pas éludé. "  A l'époque, personne ne la chantait  ", se souvient Michel Platini. C'est au milieu des années 1990 qu'on a cherché à expliquer ce silence des Bleus au moment des hymnes. "  Jean-Marie Le Pen a commencé à faire remarquer qu'il y avait beaucoup de joueurs noirs en équipe de France, suspectant les Bleus de ne pas représenter assez bien la nation, explique Stéphane Beaud, sociologue. Puis on afait de La Marseillaise une sorte de brevet de citoyenneté, de “francitude”… Et à travers elle, on a laissé entendre que des joueurs étaient plus français que d'autres.  " Même s'ils jouaient sous le même maillot.

Pierre Lepidi

 

Foot et immigration,

cent ans d'histoire commune, d'Eric Cantona et Gilles Perez (Fr. 2014, 90 min.)

 

Source : Le Monde

 

 

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