Bien des ressemblances que certains pans de l’opposition mauritanienne déclarent retrouver dans le régime en place en Mauritanie, lequel selon eux, doit à présent choisir entre le modèle de la Tunisie post-Ben Ali qui semble avoir pris un bel envol démocratique ou l’exemple Burkinabé qui vient d’être couronné par un soulèvement populaire
Les Burkinabé viennent de se débarrasser de leur président, Blaise Compaoré, après 27 ans de dictature et de gestion solitaire du pouvoir. Ce dernier s’est en effet vu contraint de rendre sa démission le 31 octobre 2014, après avoir cherché à tripatouiller la Constitution pour se représenter une troisième fois à l’élection présidentielle de 2015 et se pérenniser au pouvoir.
Chassé par la rue, il fut contraint d’abandonner un pouvoir que l’armée s’est empressée de reprendre. Mais le peuple burkinabé exige aujourd’hui une transition civile. Une exigence que l’opposition mauritanienne aurait dû imposer en août 2005, selon certains analystes. Ces derniers trouvent qu’une telle option aurait permis à la Mauritanie d’évincer définitivement l’armée du pouvoir et éviter la reproduction du modèle démocratico-militaire en vigueur. Vingt-trois ans après la Constitution de 1991, le Burkina Faso aspire ainsi à vivre une nouvelle ère démocratique où nul porteur de treillis ne se jouera à se dévêtir pour porter les habits civils d’un « président démocratiquement élu ». Arrivé au pouvoir en 1987 après avoir assassiné son meilleur ami, Thomas Sankara, Blaise Compaoré avait en effet quitté l’uniforme en 1991 lorsque le multipartisme fut introduit sous l’injonction de la France de Mitterand et son fameux discours de La Baule qui imposa le régime démocratique à tous les Chefs d’état africain.
Pendant ce temps, la Tunisie est en train de donner un bel exemple de démocratie. La Constitution de type présidentiel fort, véritable porte ouverte à toutes les dérives du Président de la République, laisse la place à un régime parlementaire. Le Chef de l’Etat n’est plus ce super boss qui détient tous les pouvoirs entre ses mains. Ses griffes ont été largement émoussées et le Premier ministre, issu de la majorité parlementaire, partage désormais ses pouvoirs régaliens.
Aujourd’hui, les Mauritaniens sont partagés entre ces deux modèles, face à un pouvoir auteur de deux putschs, selon l’opposition, et qui gouverne sans partage depuis plus de six ans, avec l’aide d’une oligarchie militaire, tribale, économique et religieuse. Le régime en place aurait entrepris, selon cette analyse, de démanteler l’opposition démocratique, qu’elle va décrédibiliser progressivement par une succession de « traquenards » et de peaux de bananes » sur lesquels ses leaders se seraient laissés naïvement glissés.
Les Accords de Dakar de 2009, ficelés avec la connivence de Wade et de la communauté internationale, seraient considérés, avec le recul, comme un véritable piège dans lequel l’opposition mauritanienne serait tombée. Le régime aurait déjà vendu à ses partenaires l’image d’un super champion capable de protéger ses intérêts (lutte contre le terrorisme, l’immigration clandestine, etc.) Puis, l’opposition se fera piéger de nouveau par le « Printemps arabe » sur lequel elle avait cru bon de surfer, y entrevoyant une bonne opportunité pour se débarrasser du pouvoir. Cette vision sera judicieusement démontée par les thuriféraires du régime qui seraient parvenus à retourner la rue contre « ces semeurs de désordre et apôtres du chaos ». La balle de Toueila et le Ghanagate, objet d’une campagne de dévalorisation morale du régime menée par l’opposition, finiront par ternir son image. Savamment manipulée par un pouvoir qui détient l’exclusivité des mass médias publics, l’opinion verra dans tous les actes posés par les leaders de l’opposition, de viles ambitions présidentielles.
A cela s’ajoutera, une vaste campagne de déstabilisation visant à vider l’opposition et à l’affaiblir, à travers le débauchage des cadres et militants, l’initiation de semblants de dialogue pour satisfaire la demande internationale et prouver que les échecs autour d’un consensus viennent de l’autre partie. Sans compter les campagnes pour le renouvellement de la classe politique, avec la mise en place de partis politiques pour la jeunesse, l’incitation de la rue à mener une véritable guerre de génération.
Entre temps, s’est installé un système de gouvernance dominé par l’excessive concentration des pouvoirs entre les mains du Président de la République, la mise à l’écart de l’opposition, la paupérisation accélérée de la population, l’asphyxie progressive de la presse et de la société civile, l’exaspération du monopole dans tous les domaines. Un terreau +sur lequel viendront se greffer le népotisme et le clientélisme, avec un renforcement sans précédent des pouvoirs tribaux et religieux.
Aujourd’hui, la Mauritanie serait à la croisée des chemins. Selon plusieurs observateurs, le pouvoir en place et son opposition sont obligés de renouveler le consensus démocratique autour d’un projet de société capable de sortir le pays de la crise qu’il vit depuis 2008, tout en refondant les mécanismes d’une véritable gouvernance républicaine. Ces derniers considèrent que la Mauritanie n’est plus gouvernée comme un Etat, mais comme une possession privée, livrée aux bons désirs d’un seul homme. A cela, ils trouvent que le pays devra infailliblement emprunter le modèle tunisien ou sombrer de nouveau dans le modèle burkinabé qui n’est pas une nouveauté sous ses cieux.
Cheikh Aïdara
Source : L'Authentic.info
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