Des « baisers d’amour » pour protester contre la police morale en Inde

En Inde, exprimer vos sentiments publiquement vous fait courir le risque d’être livré à la vindicte populaire. En réaction à cela, des dizaines de jeunes ont tenté d’organiser un rassemblement dimanche à Kochi, dans l’État de Kerala où ils avaient prévu de s’embrasser. Mais, par milliers, des personnes en colère sont venues les en empêcher. 

 

Le mouvement "Kiss of Love" ou "baiser d’amour" a été lancé après que des ultras conservateurs ont saccagé le 24 octobre un restaurant où se retrouvaient des jeunes à Kozhikode, dans l’État du Kerala dans le sud de l’Inde. La veille, une télévision privée avait diffusé les images d’un couple s’embrassant dans le restaurant, expliquant qu’il s’agissait d’un lieu qui accueillait des activités immorales. En colère, de jeunes hommes sont venus détruire vitres et meubles de l'établissement. D’après les médias locaux, il s’agit de membres du parti nationaliste hindou Bharatiya Janata, le plus important parti de droite du pays et membre de la coalition au pouvoir.

De jeunes activistes de la région ont voulu répliquer en organisant via Facebook la manifestation "Kiss of Love" à Kochi, la principale ville de l’État du Kerala. Mais la police a refusé à plusieurs reprises de leur octroyer une autorisation et plusieurs d’entre eux ont été malmenés avant même que le rassemblement n’ait lieu.

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"C’était effrayant, ils avaient l’air prêt à nous tuer"

Farmis Hashim est ingénieur et vit à Kozhikode dans l’État du Kerala. Il fait partie des organisateurs du "Kiss of Love".
 

Nous étions entre 30 et 40 personnes au point de rendez vous avec nos pancartes. La police nous a alors prévenus qu’il y avait beaucoup de monde à l’endroit où nous devions nous rendre et que nous ne pourrions probablement pas y accéder. Et en effet, il y avait des milliers de personnes sur place, bien plus que ce à quoi nous nous attendions. Et parmi eux, seulement quelques centaines étaient venus nous soutenir, les autres étaient clairement contre nous. Ils venaient de groupes de droites et d’organisations religieuses extrémistes. Habituellement les extrémistes hindous et musulmans sont les uns contre les autres, mais là ils se sont alliés contre nous. Ils brandissaient des bâtons, des barres de fer et des pierres. C’était effrayant, ils avaient l’air prêts à nous tuer.

 

 

Manifestants opposés au "Kiss of Love". Photo : Mithun Vinod.
 

Heureusement, la police nous a embarqués assez vite. Ils disaient que c’était pour notre protection, ce qui est très aimable, mais ils n’auraient jamais dû laisser ces gens armés se réunir. Sans compter qu’aucun d’entre eux n’a été arrêté, alors qu’ils ont frappé plusieurs de nos sympathisants après notre arrestation. Les policiers mobilisés étaient beaucoup trop peu nombreux et ils ont failli à leur devoir.

La police a commencé à nous arrêter au moment où nous commencions à nous embrasser, mais on a continué dans le fourgon de police et au commissariat. Ça ne leur posait pas de problème, ils étaient plus préoccupés par le désordre qu’il y avait dehors.

 

 

 

Les manifestants sont embarqués par la police. Photo : Dark Frame Creations.

"En Inde, il y a toujours quelqu’un pour mettre le nez dans votre vie privée"

La "police morale" est un vrai problème, et ce dans toute l’Inde. Et ces gens ne sont pas seulement indignés face à ceux qui se tiennent la main ou s’embrassent. Il y a toujours quelqu’un pour mettre le nez dans votre vie privée. Si vous marchez avec une fille, que vous vous asseyez sur un banc, les gens vont vous demander si vous êtes mariés. Et si votre réponse ne leur plaît pas, ils se sentent totalement légitimes pour vous agresser, même physiquement. [Des meurtres liés à des activités de cette "police morale" sont régulièrement signalés, NDLR] Ces personnes sont de milieux et de religions différentes. Il y a même des femmes. Cette mentalité est vraiment enracinée dans notre société patriarcale. Tout le monde en a fait l’expérience au moins une fois, et ce même en marchant avec leur épouse ou un membre de leur famille.

 

 

Des manifestants s'embrassent dans les locaux de la police.

 

Notre manifestation ne changera pas cela. Mais nous avons permis que des gens dans tout le pays parlent de ce problème. Des rassemblements en notre soutien ont eu lieu à Hyderabad ou Mumbai. On espère que ça lancera un mouvement. Tout le monde devrait pouvoir exprimer ses sentiments sans s’inquiéter en permanence de qui les regarde.  

 

 

Des manifestants se prennent dans les bras. Photo : Dark Frame Creations.
 

 

 

Le message d'un manifestant. Photo : Dark Frame Creations.
 

 

 

La police disperse la foule à coup de batons. Photo : Dark Frame Creations.

 

 

Farmis Hashim (Les Observateurs France24)

 

(Photo : Des manifestants de "Kiss of Love". Photo : Mithun Vinod.)

 

Source : France24 (Les observateurs)

 

 

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