La France continue-t-elle les expulsions vers les pays touchés par Ebola ?

La France renvoie-t-elle toujours des étrangers en situation illégale vers le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée, touchés par Ebola ? A la Direction générale des étrangers en France (DGEF), au ministère de l’Intérieur, on est catégorique :

 

« Non, il n’y a plus de reconduites aux frontières vers ces pays. C’est une question de bon sens administratif : en cas de situation de crise, comme pour le tremblement de terre à Haïti, on suspend les reconduites. »

Il est difficile de définir la « situation de crise ». Contrairement au tremblement de terre en Haïti, l’épidémie d’Ebola est une catastrophe dont le début est difficilement datable : plusieurs semaines, plusieurs mois ? Quand a-t-il donc été décidé de suspendre les reconduites ?

Encore aucune circulaire sur le sujet

A cette question, le ministère affirme ne pas pouvoir donner de réponse précise… A l’en croire, il ne disposerait pas de ces informations (« nous n’avons pas de remontées en temps réel »). Pour la DGEF, il paraît « évident » qu’aucun préfet ne prendrait une décision de rapatriement au vu des circonstances. On a beau insister, le ministère ne donne pas la date de la dernière expulsion. D’ailleurs, aucune circulaire n’a pour l’instant été diffusée dans les préfectures.

On dispose en tout cas d’une décision du tribunal administratif de Nancy (Meurthe-et-Moselle), datée du 27 août dernier, qui annule un arrêté préfectoral de rapatriement « en tant qu’il fixe la Guinée comme pays de destination ». Le juge cite notamment « l’épidémie de fièvre hémorragique » pour appuyer sa décision. L’arrêté préfectoral attaqué remonte au 20 août… Il semble donc que certains préfets aient eu une définition souple de la « situation de crise ». Jointe par Rue89, la préfecture concernée ne nous a pas encore rappelés.

L’avocate du jeune Guinéen concerné précise que la décision est en appel, mais qu’elle pourrait faire jurisprudence.

Refoulés mi-septembre

D’autres avocats font part de cas semblables. Ainsi, à Paris, la préfecture de police a envoyé au tribunal, le 26 août, un mémoire en défense pour appuyer une décision d’expulsion d’un autre ressortissant guinéen (qui date, elle, du 2 mai).

Les tongs d’un potentiel malade d’Ebola sont encerclées de pierres par les habitants, à Freetown, en Sierra Leone, le 24 septembre 2014 (Michael Duff/AP/SIPA)

Le tribunal administratif de Nancy a également annulé une « décision portant obligation de quitter le territoire français » (ou OQTF, l’étape avant l’arrêté préfectoral d’expulsion) visant une Guinéenne et datée du 19 septembre…

Pour rappel, l’épidémie Ebola a commencé en décembre 2013 et a pris de l’ampleur depuis juin.

A l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), les explications officielles font sourire. L’association a suivi plusieurs ressortissants de pays touchés par Ebola. Selon elle, quatre Sierra-Léonais ont été refoulés, après leur arrivée, vers leur pays d’origine, via Casablanca, à la mi-septembre.

Des « réacheminements indirects »

La convention de Chicago prévoit que les personnes en situation illégale soient renvoyées vers le dernier pays de passage (« ou à tout autre endroit où elle peut être admise ») [PDF]. Toujours selon l’Anafé, la ville de provenance de ces Sierra-Léonais n’était pas Casablanca. Les autorités françaises auraient donc choisi de les rapatrier vers le Maroc, en sachant pertinemment qu’ils seraient ensuite acheminés vers Freetown, capitale de la Sierra Leone.

Début octobre, un Guinéen aurait été renvoyé à Conakry, lui aussi via le Maroc. Casablanca était bien sa ville de provenance.

Dans un courrier adressé au ministère de l’Intérieur en septembre, l’Anafé s’inquiète :

« Le 28 août, lors d’une visite de l’Anafé en aérogare de Roissy-Charles-de-Gaulle, l’officier de quart avait affirmé à l’Anafé que les vols Air France avaient été suspendus vers la Sierra Leone mais que des réacheminements “indirects” pouvaient être organisés avec transit par des aéroports qui continuent à assurer des vols vers Freetown. »

Le cadavre d’une possible victime d’Ebola est recouvert de feuilles, dans une rue de Freetown, en Sierra Leone, le 8 octobre 2014 (Tanya Bindra/AP/SIPA)

Air France refuse de donner des détails sur d’éventuelles reconduites ou réacheminements sur ses vols et rappelle juste que seules les liaisons vers Freetown on été interrompues. La police aux frontières n’a pour l’instant pas répondu à nos questions.

Donc, la réponse à la question n’est pas très claire :

  • d’un côté, le ministère dit qu’il n’y a plus d’expulsion, mais est incapable de dater les derniers rapatriements ;
  • de l’autre, les associations mettent en avant des cas récents de réacheminement.

Au ministère, on précise qu’une circulaire pourrait être envoyée prochainement aux préfets.

 

Source : Rue89

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

 

 

 

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page