Treize ans avant la Révolution française de 1789, l’Almaami Abdoul Kader Kane avait déjà interdit la traite négrière dans son pays

Plus de 250 ans après sa mort, la vie d’Abdoul Kader Kane qui a été désigné par ses pairs intellectuels Torobbe comme premier Almaami du Fouta-Toro (regroupant le nord du Sénégal et le sud de la Mauritanie) après leur victoire contre le pouvoir Denyanké qui a régné sur le Fouta-Toro de 1512 1776 suscite de plus en plus d’intérêts chez les chercheurs africains.

Dans son dernier livre intitulé "Lumières noires de l’humanité : inventeurs, héros, artistes et sportifs", le Dr Oumar Dioume de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (I.f.a.n.) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar lève un coin du voile sur la vie de l’Almaami Abdel Kader Kane.

De ce chef politique et religieux qui dirigea le Fouta-Toro de 1776 à 1806 ou 1807, on retiendra qu’il a été celui qui a interdit la traite négrière et donna l’indépendance nationale au Fouta-Toro. Le Dr Oumar Dioume nous apprend qu’Almaami Abdoul Kader Kane, au non des principes de la défense des droits de ses mandants, a, treize ans avant la Révolution française de 1789, interdit la traite négrière dans son pays.

Avec cette interdiction de la traite négrière, l’Almaami Abdoul Kader Kane emboita ainsi le pas aux Quackers (secte chrétienne) de Philadelphie qui étaient les seuls dans le monde à avoir aboli l’esclavage aux Etats-Unis d’Amérique en 1776.

D’ailleurs, ce caractère révolutionnaire de la lutte d’Almaamy Abdoul Kader Kane contre la traite négrière est corroboré par le Professeur Oumar Kane dans son livre de référence "La première hégémonie peuhle, Le Fouta Toro de Koly Tengella à Almaamy Abdoul, 1512 à 1806".

Dans le même ordre d’idées, dans son récit intitulé "Observations sur la traite des nègres, avec une description de quelques parties de la côte de Guinée, durant un voyage fait en 1787 et 1788 avec le docteur A. Sparganier et le capitaine Arrhenius", le suédois Carl Bernard Wadstrom confirme cette particularité.

"La conduite du roi actuel d’Almaamy (autrefois grand marabout) est plus intéressante pour l’humanité et prouve la fermeté du caractère mâle des Nègres lorsqu’ils ont acquis quelques lumières. Comme son esprit a été plus cultivé dans sa jeunesse que celui des autres princes noirs, il s’est rendu tout à fait indépendant des Blancs. Il a non seulement défendu la traite des esclaves dans ses Etats, mais (en 1787) il n’a pas même voulu permettre aux Français de faire passer par ses Etats les captifs de Gallam. Il rachète ses propres sujets lorsqu’ils ont été pris par les Maures, et il les encourage à élever des troupeaux, à cultiver la terre et à exercer leur industrie de toutes les manières", avait écrit Carl Bernard Wadstrom.

Les faits sont là et les témoignages sur l’action de l’Almaamy Abdel Kader Kane d’abolir la traite négrière sont nombreux. Cet homme qui "a porté sur le trône plus de lumière que ses prédécesseurs" a tenu tête face au colonialisme français qui "a excité contre lui les Maures qui l’ont attaqués et qu’il a vaincus" reste aux yeux de Pruneau de Pommegorge, ancien membre du Conseil du Sénégal, celui qui "a défendu dans tout son pays les pillages, ni de faire aucun captif ; et, enfin par d’autres moyens politiques (et au fonds très humains) il est parvenu à repeupler son vaste royaume, à y attirer des peuples qui y trouvent leur sûreté.(…).ainsi voilà un homme d’une contrée presque sauvage, qui donne une leçon d’humanité à d’autres peuples policés, en défendant dans tous ses Etats la captivité et les vexations".

L’Almaamy Abdoul Kader Kane va plus loin dans sa lutte contre la traite négrière en attaquant les royaumes négriers voisins comme ceux du Cayor et du Walo. Mais, il sera vaincu en 1790 à la bataille de Boungowi par le Damel Amari N’Goné N’Della Coumba aidé par le double jeu du Brack du Walo et la complicité du comptoir négrier de Saint-Louis qui a fourni à crédit des fusils au Damel moyennant le remboursement en esclaves en contrepartie.

Fait prisonnier par le Damel, l’Almaamy Abdoul Kader Kane n’a jamais renié ses convictions à savoir combattre la traite négrière et donner au Fouta Toro son indépendance. Son almaamyat a marqué le 18ième siècle. Ainsi, aucun des Almaamis qui l’ont succédé n’a remis en cause l’interdiction de la Traite négrière qu’il a décrétée en 1776.

Même si, le mode de dévolution du pouvoir à l’Almaami Abdoul Kader Kane et l’abolition de la traite négrière par l’Almaamyat du Fouta-Toro sont une contribution inestimable, il n’en demeure pas moins que cette contribution soit méconnue à la cause de la défense des Droits de l’Homme et notamment en Mauritanie.

Babacar Baye NDIAYE

 

Source : Ndarinfo

 

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