Ebola : Le Maroc a maintenu tous ses vols vers les pays touchés

" PAR SOLIDARITÉ. " C'est ainsi que le Maroc explique sa décision de maintenir ses liaisons aériennes avec les Etats africains touchés par l'épidémie d'Ebola. Alors que la plupart des compagnies aériennes ont suspendu leurs vols par peur d'une propagation du virus, le royaume chérifien continue, par le biais de la compagnie nationale Royal Air Maroc (RAM), de desservir plusieurs fois par semaine le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée, les trois pays les plus touchés par la maladie. Une décision qui s'inscrit en droite ligne avec la politique d'influence menée par Rabat sur le continent.

 

La volonté de maintenir ces vols a été réaffirmée par l'ambassadeur du Maroc aux Nations unies, Omar Hilale, lors de la réunion d'urgence que le Conseil de sécurité a consacré à l'épidémie, le 18 septembre. " Préoccupé par les effets néfastes de l'isolement des pays touchés par l'Ebola (…), le Maroc, sur hautes instructions de Sa Majesté le roi, a décidé, dans un geste de solidarité, de briser “l'isolement et la mise en quarantaine” des pays africains touchés par le virus Ebola ", a expliqué le diplomate marocain à New York. Un mois plus tôt, la RAM exposait dans un long communiqué " la politique de solidarité fraternelle qui lie le royaume aux pays frères d'Afrique (…) ".

Pays du Maghreb, en rivalité permanente avec son voisin algérien, le Maroc n'a cessé depuis une dizaine d'années de développer sa présence en Afrique. Sur le plan économique, le royaume a investi dans l'immobilier, le secteur bancaire, les télécoms mais aussi les médias. Au point de devenir le deuxième investisseur africain sur le continent, après l'Afrique du Sud. Autre axe de cette influence grandissante : la religion. Aux portes d'un Sahel en ébullition, le Maroc se présente comme le promoteur d'un islam modéré et tolérant. En septembre 2013, il s'est ainsi engagé à former 500 imams maliens en deux ans.

Les motivations d'une telle stratégie sont à la fois économiques et hautement politiques. Coincée entre une Europe en crise et une Algérie avec laquelle les échanges sont au point mort, l'économie marocaine cherche d'autres sources de croissance. Pour les autorités, il s'agit aussi de s'assurer de solides soutiens diplomatiques sur la question du Sahara occidental, un territoire que le Maroc revendique et occupe à 80 %, contre la revendication d'indépendance du Front Polisario, soutenu par Alger. En 1984, le Maroc avait claqué la porte de l'Organisation des Etats africains (devenue l'Union africaine) après que celle-ci eut reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Il ne l'a jamais réintégrée depuis.

Se rapprocher de ses pairs africains sur ce sujet semble d'autant plus important que plusieurs événements récents ont inquiété Rabat. En avril 2013, un projet de résolution présenté par Susan Rice, l'ambassadrice américaine à l'ONU, et prévoyant d'étendre le mandat de la présence onusienne au Sahara occidental aux droits de l'homme, a failli être adopté. Cet été, c'est l'UA qui désignait un envoyé spécial pour ce territoire. Comme en réponse, l'offensive de charme du Maroc en Afrique a connu depuis deux ans un coup d'accélérateur. Dernière illustration en date : la tournée effectuée par le roi Mohamed VI au printemps en Afrique de l'Ouest. Vingt jours de voyage officiel qui l'ont conduit au Mali, en Côte d'Ivoire, en Guinée et au Gabon.

En maintenant ses liaisons aériennes vers les pays touchés par Ebola, " le Maroc marque incontestablement des points en termes d'acteur africain de poids et responsable ", souligne un bon connaisseur du pays. Les ONG engagées sur le terrain contre l'épidémie et les Nations unies dénoncent en effet depuis des semaines l'interruption de vols des compagnies qui entrave le déploiement de l'aide humanitaire. Plusieurs pays africains, dont la Guinée, ont salué la décision marocaine.

Alors que dans de nombreux Etats, la crainte d'une propagation du virus est vive, la décision de la RAM de maintenir son trafic n'a pas provoqué jusqu'ici de débat au Maroc où aucun cas de fièvre Ebola n'a été détecté. Il n'est de toute façon pas d'usage de contester une politique émanant directement du Palais. Les autorités assurent prendre les mesures de précaution nécessaires : le 15 septembre, une " élévation " du niveau de vigilance aux points d'entrée du royaume a été annoncée.

 

Charlotte Bozonnet

 

Source : Le Monde

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

 

 

Quitter la version mobile