Bracelets électroniques, blousons GPS… Jusqu’où peut-on aller pour fliquer ses enfants?

Depuis une décennie, les entreprises ne cessent de proposer aux parents des objets toujours plus sophistiqués pour garder un oeil sur leur progéniture. Mais trop pister risque d'avoir l'effet inverse de celui escompté.

 

Application installée sur smartphone, bracelet électronique, montre munie de GPS ou encore chaussettes connectées et balise mobile. Depuis plus de dix ans, les entreprises rivalisent d'ingéniosité pour permettre aux parents de suivre à la trace leurs têtes blondes. Dernière innovation mise sur le marché ce mercredi: un blouson 2.0. Elaboré par une start-up française, il est commercialisé par la marque Gémo et permet aux parents de suivre tous les déplacements de leurs enfants grâce à sa balise GPS. Mais ces nouvelles technologies, au-delà du simple fait de surveiller, n'entravent-elles pas la vie privée des plus jeunes? 

"Ces objets présentent un réel paradoxe, estime Michael Stora, psychologue et co-fondateur de l'Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines (OMNSH). Nous sommes dans une société dans laquelle il y a une "adultification" des enfants, et ces appareils ont vocation à les empêcher de s'autonomiser." D'après le spécialiste, ces nouveaux objets connectés tendraient à pathologiser la relation qui existe entre les parents et leurs enfants. En d'autres termes, ils annuleraient le jeu du chat et de la souris, pourtant nécessaire dans l'établissement de l'autorité parentale.  

Des enfants moins autonomes et des relations aux adolescents biaisées

L'autorité parentale ainsi que l'autonomie de l'enfant pourraient être mises à mal très tôt. Comme avec l'acquisition de chaussettes connectées pour son nourrisson, habituellement utilisées dans les services néonatals des hôpitaux. Or, d'après Michael Stora, "c'est quand les parents ne pensent pas à leurs enfants, par exemple en les laissant pleurer, qu'ils sont à même de développer leur propre pensée". Plutôt que d'encourager les enfants à être autonomes, les équiper si jeunes d'objets de ce type aurait l'effet inverse. "Le risque pour tous ces enfants devient finalement le même que pour ceux des mères trop intrusives: se sentir dépendant de l'autre et incapable de se rassurer seul, insécurisé" constate le docteur Louis Vera, pédopsychiatre attaché à la Pitié Salpêtrière et à l'hôpital Saint-Anne. Pour lui, ces objets peuvent tout de même être bénéfiques, pour les jeunes enfants, quand "ils ont un rôle éducatif et aident à entamer une discussion". 

Mais il estime que "ces objets sont susceptibles de devenir des instruments de contrôle permanent. Normalement, plutôt qu'un flux continu d'informations dans la journée, les familles devraient se retrouver à table. Et tout le monde devrait avoir un temps de parole." D'autant que les jeunes concernés par ce type d'équipements sont souvent ceux qui connaissent le plus de problèmes. "Chez ces jeunes hommes et ces jeunes femmes, la communication est détruite et il faut la réinstaurer" d'après le spécialiste. "Si on le piste, l'ado ne va retenir qu'une chose: 'Mes parents ne me font pas confiance', ce qui est susceptible d'entraîner des troubles du comportement." 

Des parents plus stressés

De la même manière, ces gadgets peuvent amplifier l'anxiété des parents. "Imaginez que l'enfant change de trajet une fois pour raccompagner un ou une amie en sortant de l'école, supute Michael Stora. Les parents s'inquièteront en voyant le trajet se modifier et en viendront à demander la raison de ce détour à leur fils ou leur fille." "D'autant que ça n'empêchera pas un ado de se casser le bras en faisant du skate board" renchérit le docteur Louis Vera. Cette multitude d'objets aurait donc tendance à nourrir l'inquiétude des parents et, à terme, à entraver la vie privée de leurs enfants. "Ce sont un peu des laisses 2.0" conclut le psychologue, à l'image de ces parents qui promènent leurs enfants munis d'un harnais qui leur enserre la taille.  

 

 

Une application plébiscitée par les ados

Quand ils ont lancé leur application "Alert.Us"en janvier 2013, Antoine Martin et Alexis Bonillo ne s'attendaient pas à un tel succès. Son principe est simple: en cas d'accident, les enfants en possession de l'application peuvent prévenir leurs parents ou toute autre "personne protectrice" dont le contact est enregistré. Une alerte est également envoyée aux différents services de secours. Quant aux parents, ils sont alertés de l'arrivée de leur progéniture à l'école ou à la maison sans avoir besoin d'envoyer des messages. Contre toute attente, "la volonté de détenir l'application vient plus souvent des ados que des parents". Surtout qu'avec Alert.Us, la violation de la vie privée n'a pas lieu d'être. "On a choisi une icône très visible pour que ce système ne puisse pas être imposé aux enfants" expliquent les deux jeunes entrepeneurs qui n'ont pas encore trente ans. Ce sont désormais des dizaines de milliers d'utilisateurs qui ont installé l'application à travers de plus de 80 pays. 

 

Source : L’Express (France)

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

 

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page