Le manteau-GPS pour tranquilliser les parents

C'est le progrès. Les enfants pourront désormais être surveillés et géolocalisés au même titre qu'un téléphone portable onéreux, une voiture de course ou un scooter. Voire un prisonnier. L'entreprise de prêt-à-porter Gemo (filiale du groupe Eram) commercialisera sur son site Internet, dès la mi-septembre, un manteau pour filles ou garçons, de 3 à 10 ans. Pas n'importe lequel, puisqu'un petit boîtier-balise y sera, à l'intérieur, accroché par un anneau.

Gemo assure que ce dispositif, créé avec une start-up française – Ma p'tite balise – " permettra de rassurer les parents sur le trajet de leurs enfants, quand ils vont à l'école, faire du sport, participent à des sorties ou sont invités à un anniversaire ". Ils pourront ainsi " suivre la position des enfants sans les importuner ni leur donner le sentiment qu'ils sont surveillés ".

Cette nouveauté fait quand même penser à la fois à George Orwell – et son 1984 qui critiquait sévèrement les techniques modernes de surveillance – et au Surveiller et punir, de Michel Foucault (1975). Le philosophe estimait que le panoptique – cette tour qui permettait aux geôliers de surveiller sans être vus tous les faits et gestes des prisonniers – était " organisée entièrement autour d'un regard dominateur et surveillant ", au cœur du modèle disciplinaire moderne. Son " vrai effet, c'est d'être tel que, même lorsqu'il n'y a personne, l'individu dans sa cellule, non seulement se croie, mais se sache observé, qu'il ait l'expérience constante d'être dans un état de visibilité pour le regard ".

En mettant ce manteau, les enfants du primaire sont bien prévenus. " Pas besoin d'armes, de violences physiques, de contraintes matérielles. Mais un regard qui surveille et que chacun, en le sentant peser sur lui, finira par intérioriser au point de s'observer lui-même : chacun, ainsi, exercera cette surveillance sur et contre lui-même ", expliquait Michel Foucault.

Le petit boîtier, sur le modèle de ceux qui sont fixés sur les prisonniers les moins dangereux – suffisamment pour ne pas être incarcérés dans la journée – permet de donner un historique de tous les trajets réalisés par l'enfant pendant 24 heures, peut être programmé pour alerter les parents que leur chérubin est rentré de l'école, et est également doté d'un bouton SOS. Il pèse 55 grammes et mesure 6 centimètres. Le manteau et sa balise coûtent 99 euros. Six mois de géolocalisation sont offerts avant que les parents ne paient un abonnement mensuel de 4,90 euros à Ma P'tite balise, précise-t-on chez Gemo.

Ah, les beaux jours !

Les fondateurs de cette start-up, Adrien Harmel et Ferdinand Rousseau, vont aussi commercialiser leur boîtier nu chez Nature & Découvertes et chez Oxybul. Gemo, qui compte 500 magasins de vêtements, chaussures et accessoires dans les périphéries des villes françaises, compte écouler ses manteaux connectés comme des petits pains, mais ne donne pas officiellement ses objectifs de vente.

Les enfants auront encore une chance de ne plus être traqués : s'il fait beau, ils ne porteront plus de manteau… A eux enfin l'école buissonnière aux beaux jours, les visites impromptues chez les copains et les folles courses de skate !

 

Nicole Vulser

 

Source : Le Monde

 

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