Il est également revenu sur sa comparaison de l’Armée aux milices, sa présentation du président Aziz en rebelle, les informations sur d’éventuelles poursuites contre lui par le ministère de la Défense, ainsi que l’histoire du fameux bateau coulé au Sénégal avec une cargaison d’armes, auquel des medias l’ont lié.
Ould Mohamed Vall a répondu aussi, à des questions relatives à la détérioration de ses relations avec le président Aziz, à la partialité du Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD ) lors de la présidentielle de 2007, aux influences exercées sur des notables et des parlementaires.
Il a éludé des questions sur le tir de Tweila, les enregistrements d’Accra avant de retrouver sa superbe avec des sujets ayant trait à des lignes rouges tracées durant la transition 2005-2007 (Israël, passif humanitaire, islamistes) et sur sa relation avec le «projet Aladin pour la mémoire de la shoah», ainsi que son patrimoine personnel, les accusations de corruption relatives aux affaires de Woodside et la licence Chinguitel et enfin, sur le dernier congrès des Flam.
«Je ne me suis jamais tu. Mes positions sont en fonction des contextes » a-t-il dit pour justifier le mutisme constaté par les observateurs, avouant d’ailleurs avoir dit en avril 2007 ne pas souhaiter que des conditions le poussent à revenir sur scène. Ces conditions ont été créées, selon lui, par le putsch du 6 août 2008 qu’il assimile à une «rébellion personnelle » suivie par une deuxième rébellion avec le blocage de la mise en œuvre l’Accord de Dakar durant plus de 20 jours .
Ould Mohamed Vall a affirmé qu’il n’était pas favorable à la participation à la présidentielle de 2009, qu’il a même reçu ses propres résultats 3 jours avant le scrutin, mais qu’il s’est quand même présenté pour que les Mauritaniens ne puissent un jour lui dire : vous nous avez tourné le dos, vous avez refusé de nous donner une alternative. Et que sitôt le scrutin tenu, il a organisé une conférence de presse chez lui pour demander aux Mauritaniens de refuser la «rébellion personnelle» d’un officier limogé par un président élu qui s’est permis de l’arrêter pour exiger qu’il revienne sur sa décision .
Où est-elle donc la rectification, s’est-il exclamé !
Mais il y avait une crise avec les députés, lui a dit , le journaliste.
Réponse d’Ely : «Alors quel rapport entre un officier chargé de la sécurité présidentielle et des députés? C’était une rébellion. C’est débile et minable de l’accepter. »
Relance du journaliste : le putsch de 2005, n’était-il pas une rébellion ?
Pas du tout -rétorque Ely- les contextes étaient bien différents : le putsch de 2008 est intervenu après des élections unanimement chantées par les Mauritaniens, les Arabes ,les Africains et les Occidentaux , celui de 2005 est venu alors que le pays était à bord de la guerre civile, un consensus national s’est dégagé et une amnistie a été décrétée.
Il n’y a pas de prisonnier politique actuellement, glisse le journaliste. Ould Mohamed Vall réplique aussitôt : «Les bases des libertés ont été jetés avant 2008, ce qu’il ya eu par la suite, c’est juste des petits colmatages, ce qu’il y a maintenant, c’est une pagaille généralisée dûe à la faiblesse du régime.»
Interrogé sur le saut vers l’inconnu dont il a parlé dans des récentes sorties, Ely s’engage dans une vitesse supérieure : «Le chef du régime est un rebelle sans légitimité, le Sénat et l’Assemblée nationale sont illégaux, les élections organisées sont unilatérales, la présidentielle a vu la participation de seulement 20% des Mauritaniens, la justice est domestiquée, les institutions des coquilles vides, il n’y a pas de rempart, pas de perspectives, il n’ y a que les références aux ethnies, aux races et aux clans.»
Vous avez comparé l’armée mauritanienne à des milices demande Aboulmaaly à Ely Ould Mohamed Vall , lequel, après une allusion à des écrits signés par des plumes au service du pouvoir qui reçoivent ,selon lui, des articles emballés ayant parfois plusieurs signataires, revient à la question : « Je n’ai aucun complexe avec l’Armée, j’y servi depuis 1966 à l’âge de 12 ans. Jeune lieutenant , j’ai été envoyé à Bir Moghrein deux jours après mon retour de Meknès (Maroc) et j’y suis resté jusqu’à juillet 1978, je dormais sur une roue de Land-rover. Ce que j’ai dit, c’est par jalousie sur l’Armée. »
Et de renchérir : «J’ai dit que des agissements ont transformé l’Armée en milices car la hiérarchie a été inversée avec des avancements hors norme et le rebelle (allusion à Aziz ) est devenu général en dehors des critères. »
C’est le président Sidi Ould Cheikh Abdellahi qui l’a nommé général lui précise le journaliste. «Il a été conditionné, il a été trompé, il n’y a pas eu de mérite, ni d’ancienneté, l’Armée le sait, c’est douloureux et dangereux », répond Ely Ould Mohamed Vall.
Le journaliste revient à la charge : Pourtant l’armée mauritanienne est la meilleure dans la sous région. «L’habit ne fait pas le moine», lui lance Ely.
Interrogé sur les poursuites judiciaires dont il peut faire l’objet pour diffamation de l’Armée, Ely indique qu’il pèse ses mots, que ce n’est pas la première fois qu’il est menacé, qu’il n’a pas peur. «Qu’ils apportent la preuve que ce que je dis est faux , au lieu des menaces et de l’instrumentalisation de quatre chaines de télévision et de trois cellules pour les insultes. Ils perdent leur temps et doivent plutôt rechercher les solutions. »
A une question relative au bateau coulé au Sénégal en transportant des armes, Ely Ould Mohamed Vall ne cache pas son exaspération : «On n’a jamais trouvé mes traces dans des choses minables (chi roueykhi), ce sont des articles diffusés par le régime comme quoi je suis en train de faire venir des armes pour faire imploser la Mauritanie . »
Et de poursuivre : « Ce sont eux qui veulent faire imploser la Mauritanie, moi j’ai veillé sur le pays en 78, 84, 2003, 2004 et 2005. »
Et il assène : «Ils ont coulé un pays, ils peuvent bien couler un bateau, ce sont eux qui envoient des bateaux dans le désert à Gao , Tombouctou. L’affaire du bateau est prise en charge par la marine française et par deux pays le Sénégal et le Mali, c’est une affaire internationale. Pourquoi s’empressent-ils avant les résultats de l’enquête ? »
«C’est de la pauvreté intellectuelle, de la faiblesse en matière d’action et du mépris pour les Mauritaniens auxquels ils ont l’habitude de lui faire tout avaler.», martèle-t-il.
Sur la détérioration des relations avec le président Aziz, l’ancien président souligne qu’il n’ya pas de différend personnel, qu’il s’agit de questions nationales. Sur un autre plan, il a affirmé qu’il ne connait pas Sidi Ould Cheikh Abdellahi , lequel, avait dit qu’il ne le connait pas, non plus. Ould Mohamed Vall a ajouté que le CMJD n’avait pas officiellement de candidat à la présidentielle de 2007, et que si soutien il y eut , c’était sous la table. Il a défendu son plaidoyer pour le bulletin blanc tant décrié en 2007, soulignant qu’il était pourtant une option d’expression démocratique pour ceux qui ne voulaient pas des candidats en lice, à l’époque.
Soulignant être très proche de la famille du président Aziz, il a indiqué être venu leur présenter ses condoléances à la mort de leur fils de Ahmedou Ould Abdel Aziz, mais qu’il ne pouvait rendre visite au président Aziz après sa blessure consécutive au tir de Tweila (octobre 2012) en raison du contexte et des interprétations qui en seront faites.
Et pourquoi ne lui avez-vous pas téléphoné lui a demandé le journaliste . « Moi je viens, je ne téléphone pas», s’est-il vu répondre.
Et l’esquive se poursuit. «Je ne veux pas parler de l’incident de Tweila, ni des enregistrements d’Accra car je ne veux pas parler de sujets sur lesquels je n’ai pas d’informations précises.»
Puis les questions pleuvent. D’abord sur les indépendants suscités durant la transition 2005-2007, là, Ely dit n’avoir pas encouragé, ni découragé l’initiative. Les relations avec Israël ? Il tient à préciser qu’il n’est pas à l’origine de leur établissement mais qu’il a eu à refuser une injonction de Kadhafi appelant à leur rupture, puis, que leur rupture en 2009 n’est pas survenue au nom de l’intérêt national, mais sur pression extérieure et pour un intérêt personnel.
Et l’appartenance au projet Aladin ?
Réponse de l’ancien président : « C’est une institution au service du dialogue entre les religions. Je n’ai pas de complexe avec l’arabité et j’ai toujours défendu la cause palestinienne. »
Concernant le refus de l’autorisation d’un parti islamiste Ely souligne que cette question a été laissée au Gouvernement qui allait être élu en 2007 et que lui (au moins) les la laissé se présenter aux élections (de novembre 2006) en indépendants.
Certains disent que vous êtes riches, que vous avez de l’immobilier, des fours , d’où avez-vous eu cela ? lui a demandé le journaliste.
«J’entends des voleurs à visages d’acier, en parler. Je n’ai ramené aucune ouguiya de la présidence, je n’ai aucune brique à l’étranger et je peux justifier l’origine de mon patrimoine.»
A la question : on parle de 100 millions de Woodside et de la licence Chinguitel, Ely contre-attaque : «Ils parlent de 450 millions de dollars, mais c’est bizarre, on accuse quelqu’un d’un si grand détournement et on le laisse libre, alors que des gens sont malmenés (youmelghou) pour des affaires de 1 millions. »
Et l’ancien président de défendre son bilan : «Woodside ne respectait pas certains engagements, il y a eu un arbitrage international, j’ai mobilisé 17 avocats dirigés par Me Ould Mohamed Saleh, elle a reconnu les faits et payé 100 millions de dollars versés à la BCM. Quand à l’affaire de Chinguitel, elle a été pilotée par trois hommes qui peuvent témoigner que je n’ai mené aucune interférence : Sidi Ould Tah l’actuel MAED, c’est lui qui a amené Chinguitel, Sidi Mohamed Ould Boubacar (ancien Premier ministre) et Moustapha Ould Cheikh Mohamedou (ancien président de l’Autorité de Régulation). Chinguitel a payé 100 millions de dollars et investi 100 millions. Tout cela, c’est de la mesquinerie (dheu eula emn elkhazou) ».
A une dernière question relative au congres tenu par les Flam à Nouakchott, Ely Ould Mohamed Vall s’est dit opposé à toute atteinte à l’intégrité et l’unité du pays et dénoncé le manque d’intérêt accordé aux questions essentielles.
Plusieurs questions importantes n’ont cependant pas été posées au président Ely notamment sur son degré d’implication dans la préparation et la mise en œuvre du putsch du 3 août 2005, sur les conditions dans lesquelles il a été porté à la tête du CMJD, sur l’accusation de lotissement en sa faveur de l’ancien «palais du peuple», sur sa position si les auteurs du putsch du 6 août 2008 avaient décidé de le porter à la tête de leur Haut Conseil d’Etat (HCE) et enfin, s’il reconnait , au moins, un seul mérite au pouvoir actuel.
IOMS
Source : Tahalil Hebdo (Le 1 septembre 2014)
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