Voici la règle générale rappelée par le ministère des Affaires étrangères : « Les doubles nationaux sont soumis aux obligations du service national à l’égard des deux Etats dont ils possèdent la nationalité. » Un Franco-Grec, par exemple, est censé faire sa Journée défense et citoyenneté (JDC) en France ET son service militaire obligatoire en Grèce (neuf mois). Qu’il habite en France ou en Grèce.
De nombreuses exceptions
Il existe cependant de nombreuses exceptions pour les binationaux, soit parce que la France a signé une convention bilatérale avec leur autre Etat, soit en vertu d’une convention du Conseil de l’Europe signée en 1963. Voici les pays concernés :
- en Europe : Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Irlande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse ;
- en Afrique du Nord : Algérie, Tunisie ;
- au Moyen-Orient : Israël ;
- en Amérique du Sud : Argentine, Chili, Colombie, Paraguay, Pérou.
En clair, un Franco-Algérien, qu’il vive en Algérie ou en France, a le choix entre le service algérien (un an) ou la JDC française. Il suffit qu’il fasse connaître son choix avant ses 19 ans, sinon c’est l’Etat de résidence qui prévaut. Quel que soit le pays dans lequel il choisit finalement d’accomplir ses obligations militaires, il sera considéré « en règle » dans l’autre.
(Pour un binational franco-européen, le choix ne sera pas déterminant : presque tous les pays du continent ont mis fin à la conscription.)
La Tunisie et Israël, des cas particuliers
Attention, même parmi ces pays en convention avec la France, deux sont des cas particuliers. La Tunisie d’abord. Si un Franco-Tunisien vivant en Tunisie préfère « faire son service » en France, il ne peut pas se contenter de la JDC. Il doit s’engager minimum pour un an dans les forces armées françaises. Imaginons qu’il ait un cousin qui vit à Clermont-Ferrand, lui aussi binational : celui-ci a le droit d’opter pour la journée.
Ensuite, Israël. La convention bilatérale est de la même teneur que les autres, mais elle prévoit qu’en cas de mobilisation en France ou en Israël, l’Etat concerné peut rappeler sous les drapeaux tous ses binationaux, quel que soit leur lieu de résidence. Bien sûr, cette disposition s’applique davantage à l’Etat hébreu, en guerre, qu’à l’autre partie.
Pour mémoire, environ la moitié des Français vivant à l’étranger ont un double passeport, soit 750 000 personnes. Sur le territoire français et faute de statistiques, les estimations du nombre de binationaux tournent autour de 5% de la population (3,3 millions de personnes). Ce sont :
- des descendants d’étrangers nés en France ayant conservé la nationalité d’origine de leurs parents ;
- des immigrés naturalisés.
Un ressortissant à part entière de chaque Etat
En dehors de ces situations complexes d’obligations militaires, une personne ayant deux nationalités est considérée comme un ressortissant à part entière de chacun des deux Etats. Rien ne s’oppose donc, s’il remplit les conditions requises, qu’il serve dans l’armée nationale de l’un ou l’autre.
L’avocat Maître Eolas l’explique simplement dans un billet, imaginant un ressortissant franco-syldave (la Syldavie étant un pays imaginaire) :
« Il n’est pas franco-syldave, ni syldavo-français. Il est français. Et il est syldave. Aux yeux de la Syldavie, il est syldave. Il aura donc un passeport syldave et pourra, l’âge venu, voter aux élections du pays du Pélican noir, s’y présenter comme candidat, devenir ambassadeur, consul, ou juge à la Cour suprême de Klow.
Aux yeux de la France, il est français. Il aura donc un passeport français, et pourra l’âge venu, voter aux élections, s’y présenter comme candidat, devenir ambassadeur, consul, ou magistrat. Il n’aura pas la moindre limitation à ses droits du fait qu’il a aussi la nationalité syldave, tout comme le droit syldave ne limite en rien ses droits du fait de sa nationalité française. »
Oui, mais comme le fait remarquer le riverain Harpo Marx, « quid si le pays en question du double national entre en conflit avec la France » ? Le chercheur Patrick Weil rappelle dans Le Figaro, qu’« en cas de guerre, l’Etat peut déchoir tout citoyen de la nationalité française s’il sert une armée étrangère. »
Photo : un jeune homme présente son certificat de participation à l’ex-Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD), à Bron (Rhône) en juin 1998 (FAYOLLE/SIPA)
Camille Polloni
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