Sayeeda Warsi, secrétaire d’Etat britannique, dénonce la politique pro-israélienne de Londres et démissionne

Sayeeda Warsi, à Londres, le 5 août 2014. | JUSTIN TALLIS/AFPLe conflit à Gaza provoque des remous au Royaume-Uni. Sayeeda Warsi, la secrétaire d'Etat britannique chargée des affaires religieuses, a démissionné, mardi 5 août, pour protester contre la politique jugée trop pro-israélienne de son gouvernement.

« Notre approche, et le choix de nos mots dans la récente crise à Gaza, est moralement indéfendable, n'est pas dans l'intérêt de long terme du Royaume-Uni et va avoir un impact négatif sur notre réputation, que ce soit à l'international ou dans notre pays », écrit-elle dans sa lettre de démission au premier ministre David Cameron (www.bbc.co.uk/news/uk-politics-28657623).

A 43 ans, Sayeeda Warsi est une figure influente de la politique britannique. Fille d'immigrés pakistanais, élevée à Dewsbury, dans le nord de l'Angleterre, musulmane, elle a exercé le métier d'avocate avant de se lancer en politique.

Dans le cadre de la modernisation de son parti, David Cameron l'avait nommée présidente des tories, avant d'en faire en 2010 une ministre sans portefeuille. Pour la première fois, une musulmane siégeait ainsi au conseil des ministres britannique.

Si Mme Warsi a depuis été reléguée au rang de secrétaire d'Etat au sein du ministère des affaires étrangères, sa démission a une portée symbolique importante. D'autant qu'elle ne mâche pas ses mots dans sa critique de l'action du gouvernement britannique.

UNE CONDAMNATION TIMORÉE QUI ARRIVE TROP TARD

Selon elle, renvoyer dos à dos Israël et le Hamas, comme si les dégâts étaient les mêmes de chaque côté, peut « devenir une base de radicalisation [au Royaume-Uni] qui aura des conséquences pour les années à venir ».

Dans un entretien au Huffington Post, elle se dit même « horrifiée que le gouvernement britannique continue à vendre des armes à un pays, Israël, qui a tué presque 2 000 personnes, dont des centaines d'enfants, rien que ces quatre dernières semaines ».

Elle dénonce aussi le subtil changement de la politique étrangère britannique envers le Proche-Orient ces dernières semaines. Le 14 juillet, William Hague, ministre des affaires étrangères depuis 2010, a été écarté dans le cadre d'un remaniement à objectif de politique interne.

Mais son successeur, Philip Hammond, s'est montré particulièrement réticent à critiquer Israël. Il s'est rendu à Jérusalem le 24 juillet, insistant : « La Grande-Bretagne est très claire : Israël a le droit de se défendre et de défendre ses citoyens. » David Cameron a lui aussi été très modéré dans ses critiques contre les bombardements de Gaza, rappelant que « la crise a été provoquée par le Hamas ».

Ces prises de position ont provoqué des tensions grandissantes. L'opposition travailliste, d'habitude sur la même ligne que le gouvernement sur le Moyen-Orient, est passée à l'offensive la semaine dernière : « Le premier ministre a tort de ne pas s'opposer à l'incursion d'Israël à Gaza et son silence sur la mort de centaines de civils palestiniens provoqués par l'action militaire d'Israël est inexplicable », accuse Edward Miliband, le chef des travaillistes.

Le vice-premier ministre, Nick Clegg, chef des libéraux-démocrates, a aussi fait connaître son désaccord, estimant que l'action d'Israël était disproportionnée. Il appelle aussi Israël à discuter directement avec le Hamas. Enfin, plusieurs députés conservateurs ont également fait entendre des voix discordantes avec la ligne officielle.

La démission de Mme Warsi a fait éclater ces tensions au grand jour. Dimanche, après le bombardement par Israël d'une troisième école à Gaza, le gouvernement britannique a semblé durcir légèrement le ton, Philip Hammond estimant que la souffrance des civils palestiniens était « simplement intolérable ». Mais, pour la secrétaire d'Etat, cette condamnation, encore timorée, est arrivée trop tard.

Eric Albert (Londres, correspondance)

Source: Le Monde

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