Imbroglio au sujet du CRASH DU VOL MH 5017 d’Air Algérie

Un aéronef de fabrication américaine volant sous immatriculation espagnole, une compagnie algérienne, un aéroport de départ burkinabé, un terrain d’occurrence malien, un aéroport de destination algérien, des passagers de diverses nationalités  pour une enquête française. C’est le scénario à tiroirs multiples que nous offre le crash du vol AH 5017 de la compagnie Air Algérie. C’est l’occasion de découvrir les complexités de la réglementation internationale en matière de gestion des catastrophes aériennes.

Le 26 juillet 2014, l’avion espagnol de type Mc Donald Douglas MD 83 (successeur du fameux DC 9), affrété par Air Algérie, s’est écrasé en territoire malien, cinquante minutes après son décollage de Ouagadougou en direction d’Alger. Le tragique accident survient dans des circonstances qui conduisent tout de suite à privilégier la cause météorologique. Au Sahel,  cette période de l’année est la saison de l’hivernage qui suit la migration vers le nord du FIT (le Front Intertropical), lequel s’accompagne de phénomènes orageux extrêmement violents : nuages à développement vertical de type CUMULONIMBUS lieu de fortes précipitations, de turbulences et  givrages sévères, de foudres et de grêle ( cause de l’accident de l’Air France 447 Rio-Paris). C’est pourquoi  durant la formation de pilote de ligne, une préparation spécifique à ce cas (sous la forme de reconnaissance de ligne) est requise. Il est fort probable que l’équipage espagnol du vol AH 5017 d’Air Algérie ait été confronté à ce problème comme semblent l’indiquer les premiers éléments d’enquête disponibles comme le changement d’itinéraire et la demande d’autorisation à faire demi tour. Dans les débris de l’appareil complètement pulvérisé, les deux boites noires ont été retrouvées dans un état qui laisse espérer la possibilité d’une exploitation fructueuse en France. Mais pourquoi justement cette position centrale de la France dans la conduite de cette enquête technique ?

 Selon la réglementation de l’OACI, l’enquête dans ce genre de situation doit être conduite par le pays d’occurrence, à savoir le Mali. C’est à lui qu’il revient de diligenter l’action judicaire, de présider la commission d’enquête technique et d’en coordonner l’action.  Mais très tôt après l’accident, c’est l’armée du Burkina Faso qui arrivera la première sur les lieux de l’accident, suivie quelques heures plus tard par… les troupes françaises de l’opération Barkhane (ex Serval) positionnées dans le septentrion malien.

Mais l’opération nécessite des ressources humaines, techniques, scientifiques, opérationnelles et financières dont ne dispose pas le Mali  qui fait donc appel à la France qui paie un lourd tribut dans cette catastrophe : 54 des 116 victimes sont de nationalité française.. La coopération technique en ce domaine est d’ailleurs habituelle.

Cependant, il existe une disposition (est-elle toujours en vigueur ?) selon laquelle les Etats membres de l’ASECNA donnent autorité à cette organisation pour mener les enquêtes techniques en pareilles circonstances (accidents). Pourquoi donc le Mali n’est-il pas passé par l’ASECNA qui aurait sans doute recouru également à la France, faute d’expertise en interne ? Les avantages auraient été, entre autres, de garder une certaine maîtrise des opérations, d’acquérir de l’expérience en la matière par la participation de juristes, de légistes et d’enquêteurs africains. Pour rappel, le Niger avait été bien discret dans les enquêtes sur l’attentat du vol UT-772 reliant Brazzaville (capitale du Congo) à Paris, via N'Djamena au Tchad le 19 septembre 1989  et qui s’était produit dans le désert de Ténéré (en territoire nigérien donc).

La situation montre donc à quel point l’Etat malien est en perte d’autorité et reste dépendant de l’étranger. Toutefois, la France ne sera pas seule à bord dans la conduite de l’enquête : l’Amérique (constructeur de l’aéronef), l’Espagne (pays d’immatriculation et équipage), l’Algérie, le Mali, le Burkina Faso, la Hollande et tous les pays dont des ressortissants avaient pris ce vol participent (ou le pourraient s’ils le souhaitaient) à l’enquête.

Mais d’ores et déjà, une certaine polémique se développe en Espagne sur les compétences de l’équipage qui, manifestement, n’était pas habitué à faire ce trajet même si le commandant de bord est décrit comme un vétéran. C’est l’occasion pour les pays africains et les autorités responsables de l’aviation civile de se montrer plus regardants notamment en renforçant les mesures de contrôle et de vérification de l’état technique des avions de même que les qualifications et le maintien ou non des compétences des personnels.

Brahim Ould Boihy, Commandant de bord, instructeur chez Air France pour Kassataya.com

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