La LDJ, une ligue qui prône l’autodéfense juive

La Ligue de défense juive s'est rassemblée à Paris à la mémoire d'Ilan Halimi, le 13 février à Paris. | Michael Bunel/NurPhotoQuand on cherche à joindre la Ligue de Défense juive (LDJ), ce groupe d'ultra-droite nationaliste juive, c'est « Moshe Manouchian » qui vous répond par mail. Avant de vous téléphoner le lendemain en se présentant comme « Moshe Rayman ». Et quand on demande à son interlocuteur, dont on ne connaîtra pas la véritable identité, le pourquoi de ces pseudonymes, ces noms empruntés à deux héros de la fameuse affiche rouge, résistants communistes de la FTP-MOI, il rétorque : « Ce sont des personnes respectables, non ? »

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L'homme, à la voix mature, est bien plus âgé que les militants dont il se présente comme le porte-parole ou l'interface avec la presse. Le message tient en quelques points. La LDJ, un groupe extrémiste et violent ? « C'est Le Monde qui dit cela. Nous refusons toute forme de racisme et de violence (…) Nous voulons que les choses se calment. Nous n'avons pas l'intention de remplacer la police française. » Et au final : « Désolé de vous avoir déçue par ma modération. » Ce mardi 22 juillet, le porte-parole « bénévole » de la LDJ, qui « donne un coup de main », tient ainsi au Monde un discours très policé. Auprès de l'agence en ligne Jewish Telegraphic Agency, il se présentera sous un autre pseudonyme, encore, « Amnon ». Et apparaîtra davantage comme un encadrant.

Est-ce sous la houlette de ce porte-parole anonyme ? La Ligue de défense juive a en tout cas effectué récemment un lifting complet de son site internet. Un nettoyage a été opéré : l'oraison rendue en février à Baruch Goldstein, auteur du massacre de 29 palestiniens au tombeau des patriarches en 1994 à Hébron, a par exemple disparu.

LE SITE SE DONNE UNE VAGUE ALLURE DE RESPECTABILITÉ

Sur ce site, une charte a été publiée le 18 juillet. La LDJ y déclare « refuser le mythe du peuple palestinien ». Et se définit comme « l'émanation idéologique du mouvement fondé par le rabbin Meir Kahane aux Etats-Unis ». Assassiné en 1990, Meir Kahane est le fondateur de Jewish Defence League que le FBI inscrira sur la liste des organisations terroristes en 2001. En Israël, son parti Kacha a été interdit comme parti raciste. Le Kach prônait l'expulsion des Arabes israéliens et des Palestiniens.

Sur ce site, toujours, trône désormais la photo de Missak Manouchian à côté de Menahem Begin, figure emblématique de la droite sioniste et premier ministre israélien de 1977 à 1983, d'Ilan Halimi, victime du gang des barbares de Youssouf Fofana et de Myriam Monsonégo, la fillette assassinée à bout portant à l'école juive Ozar Hatorah de Toulouse.

Un site neuf, une charte, un porte parole auprès de la presse – certes anonyme – tout cela doit en tous cas donner l'image d'une organisation au sens classique du terme. Et une vague allure de respectabilité. A mille lieues de ce que représente ce sigle depuis son apparition en France au début des années 2000, lors de la deuxième Intifada.

« VIRILITÉ À L'ISRAÉLIENNE »

La LDJ, dont le noyau dur est de quelques dizaines de membres, mais qui peut en agréger 200 à 250 n'a pas d'organigramme. Elle fonctionne un peu sur le mode du groupe affinitaire. Même si elle a des mots d'ordre, des slogans, des circuits de mobilisation. Ses militants, dont l'âge excède rarement les 25 ans, se sont surtout fait connaître par leurs voies de fait, et pour certains leurs condamnations en justice à répétition. En dix ans, ils ont été mis en cause dans une centaine d'agressions, qu'ils présentent comme des « mesures de représailles ».

« C'est souvent très primitif, explique un vieux militant sioniste de gauche. Là ou une organisation comme le Betar avait des revues, des sessions de formation, il n'y a chez eux aucune transmission idéologique. » Ancien du Betar, David Reinharc, aujourd'hui éditeur, en connaît quelques-uns. Et confirme. « Les jeunes de la LDJ ne savent pas qui est Jabotinsky voire Meir Kahana dont ils se réclament. » Pour lui, « la LDJ, c'est une étiquette, un aimant à imbéciles. Il y a une fantasmagorie autour d'eux. Et ils en jouent, c'est très narcissique ». Et de conclure : « Ce sont de jeunes cons qui suscitent une sorte de phénomène d'attraction-répulsion qu'ils ne méritent pas. » Samuel Ghiles Meilhac, sociologue spécialiste de la communauté juive, parle de « jeunesse juive désoeuvrée. Ils sont là pour cogner et faire les beaux. Cela leur permet de vivre ici une “virilité à l'israélienne” sans être là-bas ».

Mais la Ligue de défense juive est aussi un symptôme. Sa présence, le 13 juillet, devant la synagogue de la rue de la Roquette, à Paris, où elle a affronté un petit groupe venu en marge d'une manifestation propalestinienne lui vaut une nouvelle aura auprès d'une partie de la communauté juive qui s'estime insuffisamment protégée. « Ils ont acquis ces jours-ci la sympathie de la base communautaire », constate Sammy Ghozlan, le président du Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme qui dit avoir eu lui-même, dans un passé récent, des problèmes « avec ces jeunes ».

Le discours d'« autodéfense » de la LDJ trouve écho dans les milieux plus populaires, du 19e arrondissement ou de grande banlieue, pour lesquels le CRIF et les autres grandes institutions communautaires (dont la LDJ ne fait pas partie) ne sont pas à la hauteur. « Il y a eu Jour de Colère, la tuerie de Bruxelles, la Roquette, Sarcelles. Il y a le sentiment très fort dans une partie de la communauté juive qu'une lame de fond antisémite s'est installée », souligne Samuel Ghiles-Meilhac. Et d'ajouter : « La LDJ est un sujet très délicat pour les institutions communautaires. Le climat de peur et la droitisation de la communauté entretiennent une forme de gêne et d'ambivalence. »

UN « CHIFFON ROUGE COMMODE »

La LDJ s'inscrit en effet dans une contestation populiste et droitière des élites et des institutions juives. « C'est le reflet d'un mouvement de société qui existe, dans notre communauté, comme ailleurs, à savoir la prime à celui qui crie le plus fort », analyse Yonathan Arsi, l'un des vice-présidents du CRIF. Gil Taieb, autre vice-président du CRIF, est l'un des rares dirigeants institutionnels à être parfois écouté des jeunes de la LDJ. « Il faut essayer de tout remettre à plat. Les montrer du doigt en leur accordant une importance disproportionnée les conforte. Et puis, c'est un chiffon rouge commode », estime-t-il.

« Il y a chez eux des gens récupérables. D'autres incontrôlables dont on n'obtiendra rien. Ceux qui crient “mort aux Arabes !” doivent comprendre qu'ils nous mettent en danger. Ceux là, il faut s'en débarrasser. » Sur les réseaux sociaux ont circulé ces jours derniers un trombinoscope assorti de l'adresse personnelle des membres les plus en vue du groupe. « S'il y a un incident grave, on ne contrôlera rien », s'inquiètent des responsables communautaires.

 

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Source: Le Monde

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