Elle se caractérise par l’aggravation du fossé qui sépare les différents pôles de l’échiquier politique mauritanien. Les positions se cristallisent entre un pouvoir imperméable aux revendications de l’opposition et cette dernière arc-boutée sur son choix d’ignorer une compétition tant que n’auront pas été réglées au préalable quelques questions dont celles du fichier électoral, de la gouvernance de la CENI, voire d’un gouvernement de consensus. C’est bien dommage.
Dommage parce que sur le principe, on est en droit de se demander pourquoi, alors que les opérations d’enrôlement ont cours, certains citoyens ne pourront pas voter parce que n’étant pas encore enrôlés (quelles qu’en soient les raisons). Fallait-il envisager un report de l’élection, donc le prolongement du mandat présidentiel pour permettre à tous les citoyens de s’inscrire ?
Dommage ensuite parce que des hommes politiques majeurs qui ont beaucoup donné à la démocratie et à la Mauritanie seront absents de ce qui risque d’être leur dernière chance de briguer la magistrature suprême. On eut pu rêver d’une meilleure sortie pour MM. Ahmed Ould DADDAH et Messaoud Ould BOULKHEIR.
Leur absence est, cependant, loin de passer inaperçuE : le président sortant ne leur réserve-t-il pas ses plus virulentes attaques plutôt qu’à ses « concurrents » dans cette élection ? C’est bien là un signe. Signe que le principal intérêt de cette élection n’est pas de savoir qui va l’emporter mais bien de savoir comment vont se classer les autres candidats devant l’hyper favori ? In petto, Boidiel Ould HOUMMEID, Lalla Mariem Mint MOULAYE IDRISS, Ibrahima Moctar SARR et Biram Ould DAH s’attendent-ils vraiment à entendre leur nom en vainqueur le jour de la proclamation des résultats ? La question compte probablement plus que la réponse qui, quelle qu’elle soit, les a convaincus de l’opportunité de concourir, pour certains, ne serait-ce que pour occuper la place ou se saisir d’une tribune.
Les boycottistes eux ne se la posent pas. Mais on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la pertinence de la réponse qu’ils apportent à la situation. Si leur but était de faire entendre leur voix, on eut pu s’attendre à autre chose. Imaginons un instant ce que ça aurait fait si Ahmed Ould DADDAH, Mohamed Ould MAOULOUD, Mohamed Jemil Ould MANSOUR, Messaoud Ould BOULKHEIR… étaient allés dresser leurs tentes devant la CENI, le Conseil Constitutionnel ou le Palais Présidentiel, résolus à n’en partir qu’une fois leurs revendications entendues ? Le président de la république, président de l’Union Africaine aurait été bien embarrassé lui que son mandat panafricain expose aux yeux du monde entier. Il peut donc remercier sa Baraka de lui avoir épargné cette épreuve.
En lieu et place, le spectacle auquel nous assistons aujourd’hui ressemble plutôt à une abstention. Des électeurs qui restent chez eux estimant que leur bulletin ne servira de toutes les façons à rien, nous en voyons à toutes les échéances partout dans le monde (en France, les jeunes de banlieue, les anarchistes, les citoyens désabusés, les contestataires ne voulant pas voter –encore- pour les extrêmes, les « antisystème », ceux qui préfèrent profiter du beau temps au parc…). Et le vainqueur de l’élection n’en aura pas moins un mandat en bonne et due forme.
Résultat : en Mauritanie, nous nous retrouvons avec une curieuse campagne qui fait l’impasse sur le nécessaire débat contradictoire sur le bilan du président sortant.
C’est bien dommage pour la démocratie mauritanienne qui, du coup, enregistre un net recul par rapport aux compétitions précédentes, plus ouvertes. C’est un recul surtout parce que la démocratie, c’est aussi la discussion avant la délibération. Ne se parlant plus, comment se comprendre ?
Abdoulaye DIAGANA
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