Assis dans la terre argileuse, un jeune garçon fouille le sable et la poussière. Ici, à Khalakhéna, dans le sud-est du Sénégal, à quelques dizaines de kilomètres
Adama, une douzaine d'années, dit-il, n'est pas le seul gamin à travailler sur le site d'orpaillage. D'autres, à peine plus âgés, portent l'eau indispensable pour lutter contre la chaleur, ou tirent les cordes qui s'enfoncent dans des puits profonds de vingt à vingt-cinq mètres – les orpailleurs traditionnels n'ont officiellement pas le droit de dépasser quinze mètres – afin de remonter les seaux emplis de terre. Au fond de l'étroit boyau où l'air ne pénètre que grâce à une sorte de cheminée en toile, celui qui creuse est la plupart du temps un adulte.
Les enfants sont nombreux sur la colline mitée par quelque 600 trous. Venus des villages voisins avec leur famille, ou seuls, arrivés en camion du Mali, de Guinée, de Guinée-Bissau, du Burkina Faso et même de Côte d'Ivoire, ils ont déserté l'école, mais beaucoup disent qu'ils n'y allaient plus. Familles trop pauvres pour assurer leur scolarité, établissement trop éloigné de leur maison. Ils sont là désormais avec l'espoir de gagner un argent facile
Khalakhéna était un petit village traditionnel
" Le premier problème, c'est l'eau, explique Keita Seiba, le chef du village. Il n'y a qu'un puits potable. " Les problèmes sanitaires sont immenses. Un seul infirmier fait des visites régulières. On dénombre au moins trois accidents par jour liés aux éboulements ou aux chutes dans les trous. " A Saraya, dix-neuf élèves ont déserté le collège ", déplore Pape Ndao, préfet du département
Sur la route qui mène de Saraya à Khalakhéna, juste avant le Mali, un panneau un peu rouillé proclame : " Je veux aller et réussir à l'école. " Comme des dizaines d'autres disséminés le long des pistes terreuses à proximité des écoles, il a été financé voici quelques années par l'Unicef. Dans cette région ignorée des touristes qui préfèrent la Casamance, plus au sud, ou le magnifique parc du Niokolo-Koba, à quelque 800 kilomètres
" Zéro enfant dans les sites d'orpaillage d'ici à 2017 ", c'est l'objectif de l'association La Lumière, créée en 1999, qui agit à Tampa, Kolda, Ziguinchor et à Kédougou où elle est implantée depuis 2003. Elle y a ouvert un centre d'accueil, d'orientation et de réinsertion socioprofessionnelle pour les enfants
La Lumière a aidé à la constitution de quatorze comités de protection des enfants (CPE) dans le département
Les animateurs se rendent sur les sites pour repérer les enfants, essaient de les identifier
Entre décembre 2013 et février 2014, La Lumière a visité quatorze sites d'orpaillage : soixante-quinze enfants et adolescents ont été identifiés. Si vingt-cinq d'entre eux dépassaient les 16 ans, quinze avaient entre 7 et 10 ans, treize entre 10 et 13 ans et vingt-deux de 13 à 16 ans. Le centre de Kédougou, ouvert depuis début 2014, en a accueilli trente-quatre pour des projets d'insertion professionnelle et d'apprentissage (mécanique automobile, menuiserie métallique, électricité…). Presque tous les
Dans un atelier de mécanique à Kédougou, Tassilima Sakharoka, 17 ans, apprend le métier de soudeur. Après deux ans passés sur un site d'orpaillage, il s'est laissé convaincre de reprendre une formation
Sory Danfaka, 50 ans et six enfants, chef du CPE de Bembou, petit village au cœur d'une savane arborée, non loin de Saraya, raconte ses trois jours d'expédition à Khalakhéna avec La Lumière : " On a réussi à convaincre le chef du village de nous aider et on a pu ramener dix-huit enfants en leur proposant d'apprendre un métier. On ne peut laisser seuls les parents qui n'ont pas les moyens de s'en occuper. Je les ai convaincus en leur disant que cette richesse était momentanée. "
A Samékouta, près de Kédougou, un autre site d'orpaillage reste en effervescence. Jusqu'au printemps 2013, ils étaient entre 5 000 et 7 000 pour une petite localité d'un millier d'habitants en temps normal
A la rentrée scolaire 2013, les enfants
Rémi Barroux
Khalakhéna (Sénégal) Envoyé
Source : Le Monde
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com