Nouvelles d’ailleurs : Ils parlent en notre nom. Sont-ils notre nom ?

Nous sommes un pays lisse. Un pays « digestion », une sorte de trou noir sablonneux, comme si notre nation possédait un gosier immense par lequel elle avalerait les choses, les faisant disparaître dans un endroit où elle stockerait les « choses qui fâchent ». En ces temps d'Initiatives de soutien à Vlane ou Vlane, en vue d'une présidentielle dont tout le monde connaît le résultat, petites chroniques de nos « splendeurs et misères », nous faisons comme si…

 

En début d'année, tout le pays se réveillait, soudain champion de l'Islam et de la défense de notre Prophète (PBL), chacun « armé en guerre » contre « l'ennemi intérieur », brandissant la bannière du djihad, demandant, à grands cris, tout et n'importe quoi, contre un jeune forgeron de Nouadhibou, de la mort par pendaison, par lapidation, par décapitation, j'en passe et probablement, de pires…

Des foules haineuses, emmenées par des imams qui trouvaient, dans cette « affaire dite de l'apostasie », le moyen, facile, de masquer leur incapacité à proposer, aux Mauritaniens, une vision apaisée de notre religion, occupaient les goudrons. Tout le monde vociférait, peu avaientt lu le texte, certes fort maladroit, du jeune Mkheïtir ; mais, partant du sacro-saint principe du « On me l'a dit, c'est que c'est vrai », la bêtise prenait le pas sur la raison.

D'affaire de présumée apostasie en affaire de présumée profanation de corans, l'hystérie collective désignait un coupable, idéal, aux pires penchants de l'homme. Quelques mois et un décès plus tard – le jeune étudiant de mahadra qui a trouvé la mort dans une manifestation de « bien-pensants » –  plus personne ne parle de Mkheïtir… Tombé dans les oubliettes, avalé par ce trou noir que sont nos mémoires.

Deux ou trois, lignes, en certains journaux, nous apprennent que Mkheïtir est déjà passé devant le juge, que rien n'a été décidé. Il nous est dit, de façon parcimonieuse, que le jeune homme de Nouadhibou serait en grève de la faim. Fin de l'histoire… Un homme risque, au minimum, une peine de plusieurs années de prison ; au pire, une condamnation à mort qui existe, toute symbolique qu'elle soit, dans notre pays qui ne l'applique plus, machallah, depuis longtemps dans les faits, et c'est le grand silence.

Cet homme-là a tout perdu : il fut « divorcé », il a perdu son emploi, il est l'ennemi ultime, le « mécréant », le renégat, l'égaré. Il a perdu jusqu'au choix de pouvoir se désigner un avocat. Tout le monde se souvient de la campagne, odieuse, que subit maître Ichiddou, la campagne de terreur dont sa famille fut victime. Nous ne savons plus rien de ce jeune homme, presque un gosse encore, victime de la déraison collective, de la furie, des pires instincts de l'homme.

La peur a fait, visiblement, son travail. Cette peur qui est l'arme des extrémistes religieux, de nos « barbus » locaux, eux qui ont oublié le dialogue pour n'instaurer que la terreur. Par la peur, ils ont fait taire les voix qui s'élevaient pour demander un retour à la raison. A l'instar de leurs co-sectaires dans d'autres pays, ils ont érigé la tactique de l'intimidation comme arme de domination et de silence imposé.

Ils ont détourné l'Islam à leur seul profit, s'instituant seuls défenseurs aptes à en parler, lavant consciencieusement les cerveaux, instillant leur vision tronquée du Message, faisant de notre Foi, non pas une soumission au Divin, mais une arme politique, un instrument d'ambitions, de déstabilisations, de morts, de haines. Ils aiment le sang, ils aiment désigner, aux foules crédules et consentantes, des victimes expiatoires, comme si notre Prophète (PBL) et Dieu avaient besoin de gardes du corps, sortes de Brigades de la parole « hallal », de la Vertu, de la Pensée unique.

Ils ont dénié, au jeune forgeron, le droit à la parole, eux qui l'ont si bien volée, cette liberté de parole, qui en ont profité pour faire passer des messages de haine, qui ont vitupéré, vendredis après vendredis, lors de prêches fanatiques, eux qui ont emmené les foules, dans une sorte de catharsis quasi orgasmique, à interpeller le Président.

Barbes et violences au vent, ils ont piétiné, allégrement, notre Constitution et, par-delà, notre intelligence. Ils parlent en notre nom. Sont-ils notre nom ? Ils ont tout obtenu, jusqu'à une quasi-absolution, dans l'affaire dite des corans profanés dont on sait, maintenant, qu'elle ne fut que manipulation grossière, de la part de nos « barbus ». Ils ont obtenu que Mkheïtir reste en prison, le tuant, ainsi, symboliquement, de la façon la plus atroce qui soit : le déni de justice et le fait d'être l'otage d'une pseudo-paix sociale. Ils ont obtenu « l'emmurement » du jeune forgeron, sa mort sociale, sa mort en tant que citoyen. Car, quoiqu'il advienne, même si, un jour, on veut bien nous dire ce qu'il en fut, vraiment, de cette lamentable affaire, cet homme-là est « mort » chez nous.

Il se trouvera bien, s'il est libéré, un zélote ou deux pour venir l'agresser. Qui osera l'embaucher, lui redonner une dignité d'homme ? Quelle famille lui « donnera » sa fille, afin qu'il fonde une famille ?

Il est mort. Le mal est fait. Il est déjà « mort », aidé, dans son agonie, par notre justice qui n'a pas le courage de trancher, une bonne fois pour toutes.

Ces fanatiques-là parlent en notre nom. Sont ils notre nom ? Quand ils ne font qu'interpréter notre belle religion, quand ils décident de la vie et de la mort de tout un chacun, quand ils imposent que nous taisions notre intelligence, quand ils imposent une vision réductrice et mortifère du Message, quand ils font du mal, là où Dieu demande la Paix et a apporté un message de tolérance, de miséricorde, de pardon, quand ils s'approprient le Saint Coran et nous dénient le droit, nous aussi, de nous l'approprier, ce qui est la base-même de la Foi, quand ils hurlent aux loups, n'insultent-ils pas Dieu, ses Messagers, et, Messager ultime, notre prophète (PBL) ?

Ne vont ils pas à l'encontre, dans leurs actions et leurs ambitions, de notre prophète (PBL), lui qui fut un homme bon, à l'écoute, toujours ouvert au dialogue, qui a pardonné bien plus qu'il n'a condamné ? Là où il aurait suffi de répondre, à Mkheïtir, arguments contre arguments, dans une réflexion normale, ils n'ont offert que la haine, forts de leur découpage pratique du Message divin.

L'Islam  « fast food » qui est le leur n'est pas celui de la majorité silencieuse, contrainte au silence par la violence et la peur. En tous cas, il n'est pas le mien. En effaçant la dimension spirituelle du Message, ils insultent, eux aussi, nonobstant tout ce qu'ils veulent bien hurler, le Prophète (PBL) de l'Islam. Et, ça, c'est de l'apostasie… Salut

 

 

Mariem mint DERWICH

 

Source  :  Le Calame

 

 

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