Régime égyptien en mal de légitimité cherche électeurs

Le pouvoir égyptien a poussé la mascarade jusqu'au bout. Alors que le scrutin s'annonçait d'un ennui mortel, l'abstention a fait irruption dans la présidentielle égyptienne des lundi 26 et mardi 27 mai, bouleversant les pronostics d'un vote acquis au maréchal Abdel Fattah Al-Sissi.

 

Au soir du premier jour de vote, le 26 mai, le constat est sans appel. Peu d'électeurs se sont déplacés. L'agitation de quelques pro-Sissi, habillés aux couleurs de l'Egypte, poussant la chansonnette et agitant frénétiquement l'affiche de leur candidat, avait du mal à masquer un manque d'enthousiasme évident. Des femmes et des personnes âgées sont allées voter, mais les moins de 30 ans, qui représentent pourtant plus des deux tiers de la population, se sont abstenus. La désertion est pis encore, semble-t-il, en province, en particulier en Haute-Egypte. " A Beni Suef, Al-Minya, Qena, on a recensé quelques centaines de votants sur des circonscriptions de 4 000 inscrits ", raconte un juge égyptien, supervisant l'élection au Caire.

Face au péril abstentionniste, le premier ministre a donc annoncé que le deuxième jour de vote serait un jour chômé pour les employés gouvernementaux. Il a enjoint aux patrons du secteur privé de faire de même pour permettre au maximum d'Egyptiens d'accomplir leur " devoir ". De son côté, la Haute Commission électorale a repoussé d'une heure la fermeture des bureaux de vote.

C'est également la mobilisation générale du côté des médias, unanimement pro-Sissi, qui ont jeté toutes leurs forces dans la bataille. Tout au long de la soirée de lundi, les personnalités du paysage audiovisuel égyptien ont frénétiquement appelé les Egyptiens à se rendre aux urnes. " Je voudrais me couper les veines pour le pays, pour que les gens descendent voter ! ", assure Amr Adib, présentateur du talk-show " Al-Qahera Al-Youm ". " Fouloul " assumé, c'est-à-dire partisan de l'ancien régime d'Hosni Moubarak, cet homme de médias n'est pas le plus virulent. D'autres accusent et menacent. L'abstentionniste devient un traître à la nation.

Hilarité sur Internet

Le lendemain, Citystars, l'un des plus importants centres commerciaux du Caire, a annoncé la fermeture de ses portes à 16 heures pour laisser l'opportunité à ses employés d'aller voter. D'autres entreprises ont affrété des transports gratuits. En vain. Ecrasés par la chaleur, les abords des bureaux de vote sont restés désespérément vides.

Au terme des deux jours de vote initialement prévus, la Haute Commission a prolongé le scrutin d'une journée, jusqu'au 28 mai. Motif officiel : permettre aux citoyens qui n'habitent pas sur leur lieu de vote de s'y rendre. La décision a déclenché l'hilarité des libéraux comme des Frères musulmans sur les réseaux sociaux. La plupart ont décidé de boycotter le scrutin, qu'ils tiennent pour une farce. Ils veulent voir dans ce faible taux de participation un rejet populaire du régime militaire. Pour Mohamed, âgé d'une vingtaine d'années, l'abstention n'est pas synonyme de boycottage. " On connaît déjà le résultat. Il va gagner. Alors, pourquoi voter ? ", soupire-t-il.

Marion Guénard (Le Caire, correspondance)

 

Source : Le Monde

 

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