A Hollywood, on ne badine pas avec la charia

Devant l'entrée de l'hôtel Bel-Air, une bâtisse rose cernée de jardins et nichée sur les collines de Beverly Hills, Carrie sourit en tenant son bouquet de fleurs : " Avec mon mari, on déjeune chaque 12 mai pour l'anniversaire de notre mariage qui a eu lieu ici il y a treize ans. Alors, on est venus quand même… "

 

Bien sûr, cette résidente de Los Angeles a entendu parler de l'appel au boycott de deux hôtels, le légendaire Beverly Hills Hotel et le Bel-Air. Deux établissements de luxe, rénovés récemment, qui appartiennent au sultan de Brunei, Hassanal Bolkiah, par l'intermédiaire du groupe Dorchester Collection (également gestionnaire de l'hôtel Plaza-Athénée, à Paris).

Or Brunei a adopté, le 1er mai, une application stricte de la charia contre les " comportements indécents ", avec punitions sévères voire lapidations pour les " crimes " de sodomie ou d'adultère. La réaction, en Californie, a été immédiate : un appel au boycott de ces deux hôtels qui accueillent toute l'année de prestigieux galas de charité présidés par des célébrités d'Hollywood, souvent pour des causes diamétralement opposées aux lois de la charia.

" Aujourd'hui, le restaurant est pratiquement désert ", constate la cliente. L'appel au boycott produit ses premiers effets, une semaine après la manifestation du 5 mai devant l'hôtel Beverly Hills qui a rassemblé des stars comme l'actrice Frances Fisher et l'humoriste Jay Leno : " Nous sommes en 2014 et pas en 1814 ", a déclaré l'ex-présentateur du " Tonight Show ".

Les annulations ont commencé à pleuvoir. Ainsi, la fondation Feminist Majority a déplacé ses Global Women's Rights Awards, présidées par Jay Leno et son épouse Mavis. Le journal Hollywood Reporter, qui tenait son petit-déjeuner annuel " Women in Entertainment " à l'hôtel, et le Motion Picture & Television Fund, organisateur d'une grande soirée avant les Oscars prévue en 2015, se sont décommandés, de même que les avocats de l'Association du barreau de Beverly Hills, de l'association Partners in Care, etc.

Sur Twitter, la très populaire et ouvertement homosexuelle actrice Ellen DeGeneres écrit : " Aucune visite des deux hôtels jusqu'à résolution. " De son côté, le milliardaire britannique Richard Branson prévient : " Aucun employé de Virgin ni membre de ma famille aux hôtels Dorchester tant que le sultan ne respecte pas les droits fondamentaux de l'être humain. "

Manne financière

Le 6 mai, la municipalité de Beverly Hills a adopté une résolution invitant le sultan à se " désinvestir " dans ces propriétés. " Cette résolution ne vise pas l'hôtel Beverly Hills, qui est un des piliers de notre communauté, a affirmé la maire de Beverly Hills, Lili Bosse, elle vise les propriétaires et leur absence de respect pour la justice et les droits de l'homme. " Paul Koretz, le conseiller municipal représentant le district, va soumettre une résolution identique à la ville de Los Angeles.

Reste que le boycott place les responsables politiques dans une position délicate. Ces hôtels rapportent en effet près de 11 millions de dollars (8 millions d'euros) de TVA et d'impôts locaux par an, et emploient quelque 1 000 personnes.

 

Claudine Mulard (Los Angeles, correspondance)

 

Source : Le Monde

 

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