J’ai voulu m’approcher pour lui prendre son sac de voyage pour costumes puis j’ai hésité ne sachant comment il prendrait le geste car il arrive que les anciens se fâchent en croyant qu’on veut les aider à cause de la force de l’âge alors qu’il s’agit d’un geste de respect et de considération qu’on fait dès qu’on accueille ou raccompagne un proche, jeune ou vieux.
Je n’ai donc pas bougé alors que c’était l’occasion de bavarder un peu avec un sacré personnage.
Je l’ai perdu de vue dans le bus jusqu’à l’avion puis s’étant installé avant mon arrivée, je suis passé à côté de lui et là encore il était plongé dans la lecture de sa carte d’embarquement comme quelqu’un qui cherche n’importe quel moyen pour éviter d’être reconnu ou du moins ne rien faire qui puisse laisser croire à quelqu’un qu’il est disposé à être reconnu même si c’était bien difficile dans un si petit avion.
Je suis donc passé sans un mot, ce que je regrette beaucoup car j’aurais dû lui dire bonjour pour ne pas le laisser ainsi tout seul surtout à la veille des élections qui sont les dernières où il pouvait se présenter. Je reste marqué par cette image de ce grand monsieur là tout seul dans ce petit avion avec nous autres comme compagnons de voyage quand il devrait l’avoir pour lui seul et son staff de campagne à la veille de son dernier combat comme candidat.
Jamais je ne lui ai parlé même si je l’ai rencontré plusieurs fois ici et là à des expositions d’art et cela me fait toujours quelque chose de le voir car il s’agit là tout de même d’un sacré symbole d’opposant quoi qu’on dise sans parler du fait qu’après celui de son frère yarahmou, avec lui le nom Daddah est resté au sommet de la scène politique de l’indépendance à nos jours. Ce n’est pas rien du tout ! La flamme Daddah en politique à ce niveau va-t-elle s’éteindre ? D’où viendra la relève ?
En regardant ce vieux monsieur encore bien en forme machallah, là tout seul sans personne pour le divertir, cela m’a fait quelque chose et au moment d’avoir une certaine compassion pour lui, j’ai pensé à tous ses ennemis, tous ces gens qui jusqu’à aujourd’hui s’acharnent à le critiquer, à le ridiculiser comme s’ils avaient le droit de le juger. Tant d’ennemis à cet âge c’est la preuve définitive de la dimension de l’homme qui fut pour toute une génération le dernier symbole d’une autre Mauritanie possible.
J’ai alors dit à un autre Soueid Ahmed membre fondateur du mouvement du 25 février rencontré au départ à Dakar, que le jour où ce grand monsieur ne sera plus, il aurait droit à un enterrement qu’aucun mauritanien avant longtemps n’aura jamais. AOD que j’ai vu là seul, sans personne pour lui tenir son sac de voyage, c’est le symbole même du processus démocratique : un idéal trop cher à entretenir pour un homme seul sans argent pour enrôler les masses.
Mille excuses donc à maître Daddah pour être passé à côté de lui comme on passe à côté d’une ombre. Tout compte fait, c’était à moi, au jeune, au mauritanien de l’interpeller.
Désolé.
Vlane A.O.S.A.
Source : Chez Vlane (le 12 mai 2014)
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