Les  » attentions  » de la police pour les reporters égyptiens

L'annonce en a fait ricaner plus d'un sur les réseaux sociaux. Cette semaine, le ministère de l'intérieur égyptien s'est engagé à protéger les journalistes dans l'exercice de leur métier en fournissant au syndicat de la presse cent gilets pare-balles et cent masques à gaz.

Cette décision répond à la colère des journalistes égyptiens exprimée ces dernières semaines, après la mort de Mayada Ashraf, 23 ans, tuée d'une balle en pleine tête le 28 mars alors qu'elle couvrait pour le quotidien El-Dostour une manifestation de sympathisants Frères musulmans dans le quartier nord-est d'Ain Chams au Caire.

Ce jour-là, le rassemblement a tourné à l'affrontement entre les militants et la police. Selon le témoignage d'Ahlam Hasanin, une collègue de Mayada Ashraf, la journaliste a été abattue alors qu'elle fuyait aux côtés des manifestants les tirs des forces de sécurité. Mina Nader, un autre journaliste présent ce jour-là, a confirmé sur Twitter cette version des faits, en déclarant que la police avait ouvert le feu sur les manifestants qui ne portaient pas d'armes.

La police a démenti ces accusations. Une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances de la mort de Mayada Ashraf. Au moins quatre suspects ont été arrêtés : aucun policier ne figure parmi eux, tous sont islamistes.

Depuis le renversement par l'armée égyptienne du président membres des Frères musulmans, Mohamed Morsi, en juillet 2013, la violence quotidienne s'est banalisée. Les journalistes en sont les victimes collatérales. Six d'entre eux ont perdu la vie depuis le coup d'Etat. Un sinistre bilan qui place l'Egypte au troisième rang des pays les plus meurtriers pour les reporters en 2013, après la Syrie et l'Irak, selon le comité de protection des journalistes.

Après la mort de Mayada Ashraf, le syndicat des journalistes a demandé aux reporters de ne plus aller sur le terrain pour couvrir les affrontements. Cet appel a été vivement critiqué par plusieurs rédacteurs en chef. Selon eux, cette mesure de précaution faisait le jeu du pouvoir au détriment de l'information.

Effets pernicieux

Mercredi 23 avril, le syndicat et les principaux organes de presse se sont finalement mis d'accord pour assurer au mieux la sécurité des reporters, en coopération avec le ministère de l'intérieur. Le syndicat s'est engagé à donner à la police les noms des journalistes envoyés sur les lieux des affrontements. Une cellule de crise devrait voir le jour et les journalistes, en plus des gilets pare-balles, se verront distribuer des badges " Presse ".

Beaucoup relèvent les effets pernicieux de telles dispositions. " Je me demande dans quelle mesure ce n'est pas plus dangereux. Les journalistes seront des cibles plus faciles à repérer, pour la police comme pour les manifestants, remarque Samar El-Gamal, journaliste pour On Tv. Porter des gilets, cela incite les journalistes à rester du côté des forces de l'ordre. "

Depuis le coup d'Etat, aucun policier n'a été accusé ni même inquiété pour le meurtre de journaliste. Selon le journal indépendant El-Shorouq, seulement trente gilets pare-balles ont été mis à la disposition du syndicat des journalistes.

 

Marion Guénard (Le Caire, correspondance)

 

Source : Le Monde

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page