Sur le front des exoplanètes, me voilà avec une info relativement excitante: des astronomes viennent d'annoncer la découverte d'une planète dont la taille est très proche de celle de la Terre et qui est située dans la zone orbitale habitable de son étoile – en d'autres termes, elle est à la bonne distance pour avoir de l'eau liquide en surface. Nous ne savons pas à quel point cette planète est semblable à la nôtre, mais cela prouve que nous n'avons jamais été aussi proches de trouver une jumelle de la Terre. A l'heure actuelle, cette planète est d'ailleurs la meilleure candidate.
Cette planète s'appelle Kepler-186f et a été découverte grâce au télescope spatial Kepler, conçu pour chercher des planètes orbitant autour d'autres étoiles que le Soleil. Kepler utilise la méthode des transits: il a toujours 150.000 étoiles en ligne de mire et se concentre sur les petites baisses de luminosité qu'il en reçoit. L'idée, c'est que si une étoile possède des planètes et que nous observons son orbite de profil, à chaque fois qu'une planète passe entre nous et son étoile, elle bloquera une minuscule quantité de lumière (en général, moins d'1%).
Cette méthode est extrêmement performante – elle a permis au télescope de découvrir près d'un millier de planètes! De fait, la majorité des planètes découvertes de cette manière l'ont été grâce à Kepler. Un autre truc cool, c'est que si vous connaissez la taille de l'étoile (en général, c'est le cas), vous pouvez par la même occasion déterminer la taille de la planète en fonction de la quantité de lumière bloquée.
Kepler-186f est l'un des plus gros succès du télescope. Elle fait partie d'un mini système solaire, un ensemble de cinq planètes orbitant autour d'une naine rouge: une étoile plus petite et plus froide que le Soleil. Les quatre autres planètes (Kepler-186b-e) sont globalement de la même taille que la Terre, mais orbitent bien plus près de l'étoile, entre 5,1 millions et 16,5 millions de kilomètres – à titre de comparaison, Mercure orbite autour du Soleil à une distance d'environ 50 millions de kilomètres, nous avons donc vraiment affaire ici à un système solaire miniature.
Mais même si l'étoile est plus froide que le Soleil, ces planètes en sont assez proches pour être vraiment très chaudes; la plus éloignée des quatre précédemment découvertes est sans doute assez chaude pour que l'eau soit constamment en ébullition à sa surface (si on part du principe qu'elle possède une surface).
Mais 186f est différente: elle orbite bien plus loin, à environ 53 millions de kilomètres de l'étoile, là où les températures sont vraiment plus clémentes. En faisant quelques hypothèses basiques, on peut se dire qu'elle n'est pas très éloignée du bord extérieur de la «zone habitable» de l'étoile, où de l'eau liquide peut facilement exister à la surface d'une planète.
A l'heure actuelle, nous connaissons une douzaines de planètes comparables dans notre galaxie, mais ce qui rend 186f si spéciale, c'est sa taille: elle est à peine 1,1 fois plus grosse que la Terre! L'un dans l'autre, 186f est potentiellement la planète la plus semblable à la nôtre que nous n'ayons jamais trouvée.
Si je dis potentiellement, c'est qu'en toute honnêteté, nous ne savons pas grand-chose de cette planète à part sa taille et la distance qui la sépare de son étoile (et son année: elle met 130 jours à faire le tour complet de son étoile). La prochaine étape, ce sera de connaître sa masse, la composition de son atmosphère et la température de sa surface. La gravité de la planète dépend de sa masse et, à bien des égards, l'atmosphère dépend de la gravité.
Malheureusement, nous ne connaissons ni l'une ni l'autre et il est peu probable qu'on le sache dans un avenir proche. Les techniques utilisées pour calculer les masses des planètes ne sont pas adaptées à 186f – la luminosité de son étoile est trop faible pour générer des données fiables. Idem pour l'air que cette planète est susceptible d'avoir. Et sans de telles données, c'est quasiment impossible de déduire la température de sa surface.
En d'autres termes, nous ne savons pas si cette planète ressemble davantage à la Terre, à Vénus (avec son atmosphère extraordinairement épaisse et toxique qui fait monter la température de sa surface à des niveaux pathétiquement élevés), ou à Mars (qui n'a quasiment pas d'air, d'où une température très froide).
C'est peut-être un gros caillou tout sec, une belle jungle fertile, une boule de polystyrène extrudé, voire un truc entièrement recouvert d'une substance tellement bizarroïde qu'on ne la connaît même pas.
Pour autant, nos modèles de formation des planètes ne cessent de s'améliorer et nous commençons à savoir comment elles se comportent. Dans l'état actuel de nos connaissances, le plus probable c'est que Kepler-186f soit une planète rocheuse comme la Terre, avec une gravité de surface comparable. Ce qui implique qu'elle pourrait avoir de l'eau. Mais, je le répète, nous n'en savons rien et en dire davantage relève de la spéculation: de nombreux facteurs entrent en jeu pour rendre une planète habitable.
Par exemple, la présence d'un champ magnétique est sans doute nécessaire. Le nôtre nous protège du flux incessant de particules subatomiques émises par le Soleil qui, en plusieurs milliards d'années, auraient sans cela grignoté l'atmosphère terrestre. C'est peut-être ce qui s'est produit avec Mars.
Pour être totalement honnête, je dois dire qu'une autre planète à peu près de la taille de la Terre (quoique plus grosse que Kepler-186f) avait déjà été découverte dans la zone habitable de son étoile, mais dans son cas, elle orbite à une distance telle qu'elle reçoit autant de chaleur et de lumière que Vénus en reçoit du Soleil… et ça ne réussit pas vraiment à cette pauvre Vénus.
De la sorte, Kepler-186f ressemble probablement davantage à la Terre que toutes les autres planètes que nous connaissons, même s'il est impossible d'en avoir la certitude, compte-tenu des données dont nous disposons.
Reste que l'info est vraiment excitante – après tout, c'était justement l'une des premières missions de Kepler que de trouver des planètes de taille comparable à celle de la Terre et situées dans la zone habitable d'une étoile. J'envoie donc toutes mes félicitations à l'équipe d'astronomes responsables de cette découverte: c'est bien agréable de voir un vaisseau spatial atteindre son objectif!
Et le télescope renferme encore des tonnes de données à analyser. Si ça se trouve, cachés dans les petits bouts de lumière stellaire que Kepler a renvoyé sur Terre, il y a peut-être encore des tas et des tas de mondes similaires à découvrir.
Nous sommes d'ailleurs quasiment sûrs qu'il existe des milliards – oui, des milliards – de planètes de taille comparable à celle de la Terre dans notre galaxie. Aujourd'hui, nous en connaissons quatre qui sont situées dans la zone habitable de leur étoile (si vous incluez Vénus et les autres planètes que j'ai citées)… et nous savons aussi que des mondes extérieurs à la stricte définition d'une zone habitable peuvent quand même posséder de l'eau liquide (C'est le cas de la lune de Jupiter, Europe et de celle de Saturne, Encelade).
Nous commençons tout juste à les chercher. Qui sait ce qui se cache encore dans les profondeurs de l'univers?
Phil Plait
Traduit par Peggy Sastre
Je lève mon coronographe à Stephen Kane (l'un des astronomes qui a découvert cette planète) pour son aide précieuse – allez faire un tour sur son site Habitable Zone Gallery – et à Elisa Quintana, auteur principal de cette publication.
(Photo : Kepler-186f, dessin d'artiste de la Nasa diffusé le 17 avril. REUTERS/NASA/JPL-Caltech/)
Source : Slate
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