Agence Nationale du Registre de la Population et des Titres Sécurisés Les Mauritaniens de l’étranger gardent espoir

Nos compatriotes installés à l’étranger peuvent garder espoir après avoir rencontré, Mohamed Ould Abdel Aziz, à Bruxelles où il était en déplacement pour assister au sommet UE/UA qu’il coprésidait en tant que président en exercice de l’organisation de l’UA.

Ainsi, cette rencontre a permis aux délégués de la diaspora de poser leurs problèmes devant le 1er magistrat du pays. Il semble que le raïs soit enclin à faire quelque chose afin qu’ils puissent se recenser. Des commissions vont être envoyées incessamment dans divers capitales arabes et européennes à cet effet. Mais là où les choses vont se compliquer pour ces mauritaniens à l’étranger au moment de se recenser, ce sont les multiples blocages qui vont jalonner le parcours du combattant. Et pour cause : l’état civil mauritanien pose problème depuis 1960 que le pays est indépendant ! Entorses de toutes sortes, fraudes, laisser-aller, rythment quotidiennement la vie de cette institution que plus d’un mauritanien décrie à travers tout le pays et à l’étranger. Il n’y a pas très longtemps, vers fin 2013, les autorités sécuritaires ont eu à mettre en lumière, l’existence d’un vaste réseau de falsification des pièces d’état-civil dirigé par des policiers travaillant dans les centres où ce scandale a été découvert. Dans ce même registre encore et au même moment, le commissariat de police n°1 de Teyarett poursuivait des investigations avec un autre groupe dirigé par un brigadier chef qui était membre d’un bureau d’enrôlement dans la moughataa du Ksar. Ceux-ci sont accusés d’avoir falsifié des papiers pour des ressortissants sénégalais et maliens. Auparavant, un réseau de trafic impliquant des agents d’état civil à Nouakchott et à Nouadhibou avait été démantelé.

L’enrôlement biométrique des mauritaniens établis à l’étranger pose également problème. Et c’est normal que les mauritaniens candidats à l’enrôlement réagissent véhément en France et s’en plaignent auprès des responsables de l’AJD/MR. Lequel, faut-il rappeler, avait très tôt dénoncé les risques de dérive de l’enrôlement biométrique dès son lancement en mai 2011. Dès lors, pour l’AJD/MR qui s’était fendue d’une déclaration « les critères exposés par les délégations en charge de cet enrôlement et relayés par les autorités consulaires compétentes sont discriminatoires à certains endroits et vont exclure un nombre important de nos compatriotes, particulièrement ceux installés en Europe. Ce qui devrait être exigible au citoyen mauritanien pour s’enrôler où qu’il soit, ce sont des papiers mauritaniens, et non une carte de séjour dont il n’a l’obligation de justification que vis-à-vis des autorités du pays d’accueil. Lui demander cela cache une réelle volonté d’obstruction et de blocage. Il n’appartient pas aux autorités mauritaniennes de se substituer à la police ».

L’état civil, une histoire déroutante

Jusqu’en 1978, l’état civil mauritanien était plus ou moins géré et fonctionnait tant bien que mal. Parce que tout simplement les gouvernants de l’époque étaient soucieux de doter le jeune pays indépendant de cadres bien formés, compétents et imbus des bienfaits d’une administration moderne et organisée. Il en est ainsi jusqu’au coup d’Etat militaire du 10 juillet 1978. Après, le renversement du régime civil par des régimes successifs de despotes chauvins au pouvoir, Ould Taya aux commandes du pays depuis le 12 décembre 1984, va décider d’engager un recensement administratif national à vocation d’état civil (RANVEC) le 1er septembre 1998 sous la houlette de Khadijettou Mint Boubou sur l’ensemble du territoire national. Mais très vite, apparaît une volonté manifeste des gouvernants d’exclure, non seulement une certaine catégorie de citoyens, notamment : pulaar, ouolof et soninké, mais aussi, contre toute attente, les haratines. Et cela neuf ans après les douloureux évènements de 1989 qui ont consacré des déportations massives, des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcés, des exilés politiques etc…

Ould Taya débarqué de son pouvoir en juin 2005 par Ould Abdel Aziz jusqu’alors commandant du bataillon de la sécurité présidentielle (Basep) et le colonel Ely Ould Mohamed Vall Directeur de la sûreté nationale, assurent une transition jusqu’en mars 2007 avant que des élections présidentielles ne portent au pouvoir Sidi Ould Cheikh Abdellahi sur la base élections contestées par son concurrent Ahmed Ould Daddah soutenue à l’époque par une coalition de partis et le candidat indépendant Ibrahima Moctar Sarr. Quoi qu’on puisse dire de cette élection avouons qu’elle s’est faite sur la base du fichier électoral de l’élection présidentielle précédente. En 2009, voilà que les militaires renversent Sidi Ould Chaikh Abdellahi à son tour.

Le meneur n’est autre que Mohamed Ould Abdel Aziz. Parmi ses engagements figure l’enrôlement biométrique des populations mauritaniennes. C’est à ce titre qu’Ould Abdel Aziz, avait pris la décision d'introduire l'usage des technologies de la biométrie dans la conception des documents d'identité (carte nationale d'identité, passeport, permis de conduire…). Ainsi, un projet de décret fixant les modalités de mise en place et de fonctionnement d'un projet « de fiabilisation et de sécurisation des documents d'identification nationaux » fût adopté. La firme française Morpho, filiale du groupe Safran, qui a gagné le marché s’est vue confiée la mise en place, dans un délai de huit (8) mois, d’un système national de production et de sécurisation des documents nationaux d'identification d'un coût de 17 millions d'euros.

Une affaire de sous et de règlements de comptes

La conclusion de ce contrat avait été signée, rappelons-le, dimanche 11 juillet à Nouakchott par Mohamed Ould Boilil, ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation, et Jean Paul Jainsky, président directeur général du groupe Safran Morpho. Ce système se fonde sur une base mère liant les données biographiques aux données biométriques, et vise précisément à doter la Mauritanie d'une base de données permettant une gestion sécurisée de l'ensemble des titres d'identification et la fiabilisation de son système national d'état civil. Que dire de cela à la lumière de ce qui se passe sur le terrain dans l’enregistrement biométrique des populations qui ne savent plus à quel saint se vouer. Et pour cause : Entre 1994 et 2000, des projets de refonte de l’état civil avec l’appui financier de la France, avaient permis de collecter des données statistiques à travers le Recensement Administratif National à Vocation d’Etat Civil appelé RANVEC, mené en septembre 1998 sur l’ensemble du territoire national. Cette action, clamait-on ici et là, avait aussi permis d’élaborer un fichier électoral sécurisé. Mais pour cela, combien d’étapes avaient été franchies avant de mettre sur pied un embryon d’état civil ? Quatre ans (4) ! Douze ans après, retour à la case départ avec l’annonce d’un nouveau recensement incluant cette fois la technologie biométrique. Laquelle a fait l’objet d’un bras de fer très dur opposant deux services du ministère de l’intérieur, à savoir : l’état civil et le projet de carte nationale d’identité. Si la police a eu finalement gain de cause pour ce qui est du partenaire, la société française SAGEM Morpho qui a gagné le marché d’appel d’offre de fiabilisation et de sécurisation des documents nationaux d’état-civil, par contre, elle a perdu le contrôle du projet carte d’identité qu’elle gérait. Plus grave encore, le projet a fermé et son fichier national transféré à l’Agence Nationale du Registre des Populations et des Titres Sécurisés (ANRPTS) créée en lieu et place de l’Office Nationale d’Etat Civil (Onec). D’ailleurs cette éventualité, les responsables du projet de la CNI la voyaient venir, quand décision avait été prise déjà par le ministère de l’intérieur et de la décentralisation, de suspendre la confection et le renouvellement des cartes nationales d’identités. Aujourd’hui le projet n’existe plus et son personnel a été remercié. Et pourtant de son démarrage effectif le 17 octobre 2000, jusqu’en janvier 2009, le projet CNI a réussit la prouesse de produire 1. 685.320 cartes nationales d’identité pour un objectif à atteindre fixé à 1.800.000 cartes à produire. Quelque soit ses insuffisances, le projet était une référence dans la sous région puisque beaucoup de pays qui nourrissaient la même ambition que la notre se sont bousculés à Nouakchott pour s’inspirer de l’expérience mauritanienne en la matière. Seul ombre au tableau, le projet fonctionnait toujours avec un matériel vétuste. Quant à l’Agence Nationale pour le Registre des Population et des Titres Sécurisés (ANRPTS), elle indique qu’à la date du 3 janvier 2013, elle a enrôlé 1.966.668 mauritaniens. Si elle se garde d’avancer des chiffres sur le taux réel de retrait des cartes d’identité, bien qu’elle le reconnaît à demi-mot, c’est parce que tout simplement l’échec est patent. Parce que ce retrait se fait contre le paiement de 1000 ouguiyas. Or le projet CNI qui a été enterré délivrait gratuitement aux populations cette pièce. Sans doute que l’ANRPTS dira la main sur le cœur que c’est la faute au parlement (Assemblée nationale et Sénat réunis) puisque c’est eux en définitive qui ont fixé la taxe. De toute façon il ne sert à rien de rejeter la responsabilité sur le parlement. Le mal est fait déjà et peu importe le responsable. Ce prix est hors de portée des populations démunies et rien ne les obligera à consacrer 1000 ouguiyas de leur maigre bourse, si tentées qu’elles en aient, pour retirer une carte d’identité.

Diop Moussa

 

Source : Le Quotidien de Nouakchott (le 13 avril 2014)

 

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