Le Calame : Vous venez de rencontrer le premier ministre après les audiences qu’il a accordées à certains présidents de partis politiques. Au sortir de cette rencontre, avez-vous eu l’intime conviction que le gouvernement est déterminé à discuter sérieusement avec les partis de l’opposition (COD, Tawassoul) afin de permettre l’organisation d’élections présidentielles inclusives et crédibles et si oui, quelles garanties serait-il prêt à offrir pour que l’opposition participe à ce scrutin ?
Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine : J’ai effectivement rencontré M .le Premier ministre sur sa demande le mardi dernier après les entretiens qu’il a eus avec quelques leaders des partis de l’opposition, membres du forum, au sujet des prochaines élections présidentielles .A l’occasion de cette rencontre, M. le Premier ministre m’a réitéré ce qu’il a déjà dit à ses précédents interlocuteurs à savoir la volonté du gouvernement de créer, en accord avec tous les autres acteurs politiques dont notamment le FNDU les conditions favorables à l’organisation d’un scrutin présidentiel consensuel et transparent , avec la participation de tous.
Dans son énoncé, cette offre correspond parfaitement au premier objectif inscrit à l’agenda du Forum.
Il est cependant trop tôt pour pouvoir tirer des conclusions sur le degré de détermination du gouvernement à joindre l’acte à la parole ou de prédire les garanties qu’il serait prêt à offrir pour ce faire. Nous avons donc, au niveau du Conseil de Suivi et de Concertation donné notre accord pour le principe d’une première rencontre suggérée par le Premier ministre et regroupant des représentants de la majorité, du Forum et de la.CAP pour discuter de l’ordre du jour de l’éventuel dialogue.
-Dans cette atmosphère de ‘’bonnes dispositions’’comment interprétez-vous les sorties du ministre de la communication, vice-président de l’UPR rejetant catégoriquement la formation d’un gouvernement d’union que revendique, entre autres, le forum?
-J’ai suivi comme tout le monde ces déclarations de monsieur le ministre de la communication mais je préfère à cet égard m’en tenir plutôt aux bonnes prédispositions qui m’ont été exprimées par M le Premier ministre lors de notre entretien que j’ai évoqué plus haut.
-Qu’est-ce qui, à votre avis a aujourd’hui changé pour décider le Président de la République à accepter des concessions qu’il a eu à rejeter depuis 2009 et 2011?
-Il est évident que les contextes ne sont pas tout à fait les mêmes et que le Président et le pays ont encore plus à perdre aujourd’hui tant sur le plan national que sur celui de la scène internationale.
En 2009, le Président était encore celui du HCE, issu d’un coup d’état plus ou moins combattu à l’intérieur et isolé sur le plan extérieur.
Aujourd’hui, en fin de mandat présidentiel sur le plan interne et en début d’une présidence de l’UA qui implique l’exemplarité et expose le pays en gros plan, il serait particulièrement préjudiciable pour la crédibilité du Président Mohamed Ould Abdel AZIZ et pour la Mauritanie qu’on ne balaie pas d’abord devant notre porte en organisant des élections présidentielles libres et transparentes.
-Face à un pouvoir en place depuis 5 à 6 ans, disposant de surcroît, de tous les leviers politiques, économiques, sécuritaires, en quoi un gouvernement d’union de quelques 2 mois, comme celui après Dakar, pourrait-il garantir la transparence d’un scrutin ?
D’abord je ne voudrais pas préjuger de la durée du mandat d’un éventuel gouvernement consensuel chargé de la supervision de ces élections. Je conviens avec vous que l’expérience de celui de Dakar que vous rappelez ne mérite certainement pas d’être rééditée. Ceci étant, le spectre des autres garanties demandées par la plateforme du Forum est suffisamment large et substantiel cette fois pour ne pas être réduit au seul gouvernement consensuel.
Ne pensez-vous pas que le FNDU devrait plutôt au lieu de se focaliser sur ce gouvernement d'union travailler pour la matérialisation des résultats du dialogue de 2011, la recomposition des instances de supervision, mener une bataille politique auprès des populations pour les convaincre de la nécessité du changement auquel il appelle ?
-Le FNDU ne se focalise pas particulièrement sur le gouvernement qui n’est qu’une garantie parmi d’autres utiles sinon nécessaires à la crédibilisation de ces élections. Il estime indispensable et réclame la refondation de toutes les institutions en charge des élections ou impliquées dans le processus électoral notamment la CENI, la Direction Générale de l’état civil, le Conseil Constitutionnel etc. Il exige la neutralité de l’Etat et des attributs de la puissance publique, une bonne préparation technique des élections en particulier du fichier électoral avec la participation de l’ensemble des acteurs.
-Les parties prenantes peuvent-elles, à quelques mois de l’échéance présidentielle, engager un dialogue véritable sans envisager le report des élections ?
-Le report des élections sur lequel certains responsables au niveau du gouvernement et de l’UPR entre autres, semblent se focaliser n’est pas une priorité pour nous et encore moins une fin en soi. Dans l’état actuel des choses, ce serait mettre la charrue avant les bœufs. Ce que les uns et les autres doivent viser à travers le dialogue en perspective est de parvenir à s’accorder sur un train de garanties ; mesures et dispositions de nature à permettre, dans un climat consensuel et apaisé, d’organiser des élections libres et transparentes. Pour nous, au niveau du FNDU, c’est donc du temps matériel nécessaire à la mise en application de cet éventuel train de mesures que découlera la date appropriée pour la tenue des prochaines élections. Donc il ne saurait être question de report que pour servir cet objectif commun.
-Si l’on en croit certaines informations distillées par la CENI, le premier tour des présidentielles aurait lieu en juin, le Ravel va bientôt démarrer à quoi s'ajoute, une campagne avant l'heure du pouvoir. Ne craignez-vous pas un remake d’octobre 2013 quand, tout en acceptant de dialoguer, le pouvoir avait refusé de suspendre son agenda du 23 novembre ?
-Je vais profiter de votre question pour continuer à déplorer une confusion entretenue à dessein depuis les échéances électorales précédentes pour faire endosser à la CENI (qui peut bien s’en passer) une responsabilité qui n’est pas la sienne, à savoir le pouvoir de décision quant à la fixation de la date des scrutins. S’agissant des présidentielles et comme tout le monde doit le savoir, leur date est déjà encadrée par la constitution qui stipule qu’elles doivent être organisées au plus tôt 45 jours et au plus tard 30 avant la fin du mandat en cours. Dans cette plage, la convocation effective du collège électoral est fixée par un décret présidentiel. Et c’est toujours dans cette plage, en temps normal, que la CENI doit pouvoir proposer à l’exécutif en concertation avec les principaux acteurs une date précise.
S’agissant de vos appréhensions relatives au possible remake d’octobre 2013, le FNDU, qui a dénoncé depuis la semaine dernière la précampagne que vous évoquez et qui s’investira au maximum pour parvenir à un accord qui permet la participation de tous, n’attendra certainement pas d’être au pied du mur pour mettre en œuvre son programme alternatif, le cas échéant.
-Quel commentaire vous inspire la récente rencontre entre le Président de la République et 400 jeunes mauritaniens ?
-Je ne ferai pas beaucoup de commentaires sur cette question. Je crois seulement que le timing choisi pour tenter de séduire une telle frange de jeunes, plutôt bien sélectionnés, d’électeurs potentiels, par toutes sortes de promesses, ne saurait prétendre à l’innocence et que cette rencontre s’inscrit naturellement dans la précampagne électorale en cours depuis quelque temps pour ne pas dire depuis toujours.
Propos recueillis par Dalay Lam
Source : Le Calame.info
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