Les proches des journalistes de RFI tués au Mali s’inquiètent de la lenteur de l’enquête

Cinq mois après le drame de Kidal, aucun juge d'instruction n'a été nommé.

 

 

Cinq mois après l'assassinat des deux envoyés spéciaux de Radio France internationale (RFI), Ghislaine Dupont et Claude Verlon, à Kidal, au Mali, les proches de la journaliste ont décidé de créer une association pour éviter que la " raison d'Etat " n'entrave l'enquête. " Un silence de plomb recouvre, en France, cet événement. Pourtant, il subsiste de nombreuses zones d'ombre quant à l'identité des suspects, les circonstances et le mobile de ce double crime abject ", écrivent-ils dans un communiqué publié mercredi 26 mars.

Respectivement journaliste et technicien pour la radio française, Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été enlevés à Kidal, le 2 novembre 2013 vers 13 heures, par un commando de quatre hommes, à l'issue d'une interview avec un notable du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA). Leurs corps criblés de balles ont été retrouvés une heure et demie plus tard par l'armée française à une douzaine de kilomètres à l'est de Kidal. Deux enquêtes ont été ouvertes après le drame (l'une au Mali, l'autre en France), mais cinq mois après, les procédures semblent avoir peu progressé.

En France, l'enquête préliminaire est toujours en cours au parquet antiterroriste de Paris ; aucun juge d'instruction n'a été nommé. " Nous appelons de tous nos vœux cette désignation depuis plusieurs mois, souligne Me Caty Richard, qui représente la famille de Claude Verlon. Elle seule nous permettra de jouer notre rôle de partie civile. " Tant qu'un juge d'instruction n'est pas nommé, les avocats des familles ne peuvent ni demander l'audition de témoins ni avoir d'accès au dossier. Si les grandes lignes du scénario macabre de ce 2 novembre semblent connues, d'importantes zones d'ombre demeurent, estime Me Christophe Deltombe, avocat de la famille de Ghislaine Dupont. Ainsi, certaines personnes auraient eu des informations précises sur la mort des deux journalistes avant 14 h 30, heure à laquelle les militaires français de la force " Serval " ont découvert les corps.

Mobile incertain

Autre interrogation pointée par l'avocat : des témoignages ont fait état de la présence d'un hélicoptère ayant survolé la zone aux alentours de 14 heures. L'armée française atteste qu'un hélicoptère est bien arrivé sur les lieux, mais vers 15 h 30, en provenance de Tessalit. " Lorsqu'un juge d'instruction sera nommé, nous pourrons lui demander d'entendre des témoins sur toutes ces questions et bien d'autres ", souligne Me Deltombe.

Cinq mois après, le mobile du double meurtre reste incertain. Présentée mi-novembre par le procureur de la République de Paris, François Molins, l'hypothèse privilégiée est celle d'un rapt qui aurait mal tourné, une panne du pick-up des ravisseurs déclenchant l'exécution des deux Français. Le principal suspect, Baye Ag Bakabo, est un Touareg lié à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), voleur de voitures et trafiquant de stupéfiants. Il aurait voulu, avec ce rapt, payer une dette à Abdelkrim Al-Targui, chef d'une katiba (brigade) affiliée à AQMI et soupçonné d'être le commanditaire de l'enlèvement et des meurtres. Un tel scénario reste toutefois à l'état d'hypothèse et aucune arrestation n'a eu lieu.

Les proches des victimes savent que le contexte politique et sécuritaire rend difficile une recherche sereine de la vérité. Au Mali, la situation de Kidal, fief de la rébellion du MNLA, complique les investigations de la justice. Le sort de la ville a régulièrement fait l'objet de tensions entre Paris et Bamako. En outre, l'assassinat des deux employés de RFI a eu lieu quatre jours seulement après la délicate libération, au sud de Kidal, de quatre otages français détenus depuis trois ans au Sahel par AQMI. Quant à Abdelkrim Al-Targui, il est le ravisseur présumé de Serge Lazarevic, autre Français enlevé fin 2011.

" Que s'est-il passé et pourquoi ? ", résument les proches de Ghislaine Dupont dans leur communiqué, demandant notamment à être reçus par François Hollande. Interrogé sur la durée de l'enquête préliminaire, le parquet de Paris indique être en attente des réponses aux questions écrites adressées à des membres de la force de l'ONU au Nord-Mali (Minusma), et assure que la désignation d'un juge d'instruction devrait intervenir prochainement.

 

Charlotte Bozonnet

 

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