Les préjudices subis ont laissé des traces sur le corps social de la communauté meurtrie, balafrée. Les traumatismes empilés sont là mais censurés, camouflés, réprimés.
Globalement les kwar ne se sont pas relevés du choc : Leur température en baisse ne fabrique plus de force explosive : la pression est perdue.
Tout se refroidit, un refroidissement apparemment progressif. Politiquement, ils somnolent, baillent, s’étirent avec indolence, ont du mal à se dresser sur leurs quatre pattes, n’élèvent plus la voix.
Ils sont devenus non-existants, malléables, assouplis ; un assouplissement de principes qui équivaudrait à un ramollissement généralisé : la force de confrontation est inhibée.
Assis sur leur conviction, ils s’accrochent à des accommodements fragiles ; sorte d’affaissement successif de leurs certitudes bouleversées qui s’effilochent pan par pan.
Leur vision du monde saccagée, leur estime de soi affecté, leur capacité de résistance éprouvée, ils remodèlent leurs perceptions : ils se limitent à absorber les calories de leurs milieux en se moulant dans le réconfort réfrigérant des postes-morphine.
Réduit à l'État d’impuissance, ils décident de ramer dans le sens du courant, histoire de s’emplir les poumons d’air. Mais cette absence d’ébullition a-t-elle crée une détente ?
L’envie de les dominer continue sous de nouveaux habits. Le halpular bat en retraite mais le beïdane batthiste poursuit le combat, maintient le cape.
Il attaque avec ruse. L’assaut qui ne dit pas son nom est simultané : les kwar sont pris entre les feux de l’arabité qui filtre d’une part et les complicités empoisonnées de l'État qui les prive de toute possibilité de réussite économique d’’autre part.
Il est difficile de naviguer entre ce Charybde et ce Scylla !cernés de toute part, les kwar sont entrain de mourir dans tous les sens du mot en raison de ces nouveaux fronts plus pernicieux : ils barrent la route de l’ascension. Le beïdane nassériste sait se battre, sait anéantir nuitamment la puissance potentielle de ses rivaux.
Il a tout pesé. En soumettant les kwar à une pauvreté économique, sociale, politique, intellectuelle, il les transforme en « derniers hommes » prompt à capituler, à tomber en lambeaux, à supporter un manque, à aspirer à un monde zéro problème, le monde de l’Un. Cette tactique se révèle efficace.
Elle passe inaperçue aux grands public. L'État s’est mis au service de cet esprit, l’approvisionne en énergie. La lutte continue donc plus acharnée, plus subtile pour maintenir la domination, la perpétuer ! Faible, le kowri ne peut parer à aucun incident.
Il a baissé la garde, perdu les réflexes défensives, c’est le principal ! Les offensives engagées astucieusement sont faites pour ruiner toute éventuelle contre-offensive de quelque nature qu’elle soit mais aussi imposer plus de reconnaissance.
Le recours à ce subterfuge a une double signification : tromper l’opinion internationale : Les déportés sont de retour mais se sentent toujours un autre dans leur propre pays. Une relégation habile, difficile de déjouer ! Le beïdane sait instiller par petite dose des potions qui agissent doucement, usent sournoisement.
Il est possible de détruire une société par des égratignures sous-entendues, des hostilités faites par petite touche, des privations sourdes dont la répétition progressive produit un effet destructeur.
Aussi a-t-il retapé le halpular sous la forme qu’il a choisie : Un peulh recroquevillé sur un solipsisme inopérant, un halpular qui n’a plus de but collectif à atteindre.
L’émulation est détruite ! Tout est mis en place pour aider le kowri à ne pas grandir, à ne pas se reconstruire. Le beïdane a consacré ses forces à lutter contre le halpular qu’il trouve trop puisant aux coups de bâtons qui ont pillé, tué, il supplanté l’arme redoutable de la privation qui paralyse.
Si on jette un regard sur l’état de la société, on voit que la résistance est vaincue : Le beïdane détient une puissance économique sans rivale, une expansion politique, exonérée de menace, qui lui permet de s’imposer partout où il voudra. Mais « le plus fort n’est jamais assez fort pour rester toujours le plus fort » prévient sagement Rousseau.
Et puisque tout paradoxe sollicite de notre part un questionnement, nous sommes saisis par l’envie de savoir pourquoi et comment on est arrivé là ?chercher comment des idées pathogènes ont tué la cohabitation des Mauritaniens c’est, de mon point de vue, parler des idéologies arabes qu’on peut résumer comme suit : la Mauritanie doit être mono chlore ou du moins la culture arabe doit s’ériger en modèle national protégé de l’élément négroïde considéré comme allogène.
Aidés des bibliothèques, des péroraisons politiques, des fonds économiques, des bourses universitaires, la foi en la Mauritanie totalement blanche élue domicile.
Ses « toxines » sont responsables de tous les abcès du pays et de toutes les réactions identitaires qui en ont découlés. La bannière arabe s’effectue malheureusement contre la polyphonie de la Mauritanie. Son immense pouvoir d’attirance que rien ne semble tempérer n’appelle nullement une coexistence pacifique.
Sy Alassane
Philosophe
Source : Le Rénovateur Quotidien
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