Messoud Ould Boulkheir : Tribune libre (Deuxième partie)

Messoud Ould Boulkheir, président de l’alliance populaire progressiste (APP) président sortant de l’assemblée nationale mauritanienne, signe dans le Quotidien de Nouakchott cette tribune libre qui paraîtra en trois éditions. Lire la deuxième partie.
 

« Je n’ai jamais renoncé à l’une quelconque de mes convictions ».

Il est vital pour le pays qu’intervienne au plus vite la réhabilitation de la Police Nationale dans son rôle éminemment premier de maintien de l’ordre et de la sécurité publics, rôle qu’aucune autre Institution ne saura assumer mieux qu’elle, sans préjudice de la création parallèle, si nécessaire, d’un autre Corps dont les missions viendraient la compléter au lieu de la concurrencer ou de s’y substituer.

Les modes de recrutements, de sélections, d’affectations, de promotions normales ou exceptionnelles de la Police, de la Gendarmerie, de la Garde et de l’Armée Nationales doivent toujours respecter les mêmes normes et canaux professionnels et concerner indistinctement tous les nationaux.

Je n’ai jamais renoncé à l’une quelconque de mes convictions et je brandis toujours très haut tous les slogans pour lesquels j’ai consacré jusqu’ici ma vie d’adolescent, celle d’adulte et, maintenant, celle du troisième âge, toujours soucieux et préoccupé par la stabilité, la sécurité, l’unité et la paix sociale du pays.

Je n’ai donc jamais renoncé à ma lutte pacifique contre l’esclavage par conviction d’abord et ensuite parce que je suis conscient qu’il n’existe pas pour le pays de danger plus grand et plus imminent que celui pouvant être causé par la non résolution sérieuse et définitive de ce phénomène.

C’est donc à cause de cette intime conviction que je mets en garde tous les protagonistes (du citoyen lambda au Président de la république, sans oublier les Ministres, les Acteurs Politiques de tous bords et de la Société Civile, les Magistrats, les Gouverneurs, les Préfets, les Chefs d’Arrondissement, les Commissaires de Police, les Commandants des brigades de Gendarmerie et de la Garde, les Antiesclavagistes) contre une mauvaise perception de ce problème et surtout contre toute tentative inconsidérée de l’instrumentaliser dans un sens (le réduire à un banal slogan politique) ou dans l’autre (s’amuser à encourager la révolte des victimes, ) ce qui en ferait un tsunami dans un cas comme dans l’autre.

C’est un problème très sérieux qu’il faut prendre à bras le corps et cesser de penser que des formules grandiloquentes ou des traitements superficiels et occasionnels suffisent à le résoudre, de même qu’il faut cesser de privilégier la surenchère, pour ceux qui seraient tentés de jouer avec ce feu là.
 

« Il faut là aussi cesser de considérer la cohabitation comme un problème banal, très facilement surmontable par le nombre »

Le rétablissement des équilibres entre Arabes et négro-Africains doit être recherché grâce à une législation appropriée et engagée, qui d’une part, spécifie les particularismes insurmontables et définit les droits imprescriptibles qui s’y attachent et qui, d’autre part, invente un compromis politique et organisationnel qui convainc chacun, dans le respect des différences, qu’il est citoyen d’un Etat indivisible, dans lequel il jouira pleinement dorénavant de tous ses droits, non seulement culturels, mais également politiques, économiques et sociaux.

Il faut là aussi cesser de considérer la cohabitation comme un problème banal, très facilement surmontable par le nombre, ce qui n’est pas un critère défendable en démocratie et encore moins quand il s’agit de culture et de civilisation, de même qu’il faut accepter qu’il y a des limites à tout, y compris aux revendications des minorités.

En effet, aucune majorité ni aucun groupe ne devrait prétendre à l’exclusivité de l’appartenance ou à la liberté de mener à sa guise ce qui est une propriété collective (Pouvoir, Pays, Religion) pas plus que la minorité devrait se croire libre de revendiquer ce qui est défendu, interdit.

 

« L’unité nationale, actuellement plus aléatoire que jamais. »

Rechercher le juste équilibre est le problème de tous et celui de chacun. Ceci est aussi la constance qui doit caractériser les rapports ou la cohabitation politique entre la Majorité et l’Opposition, qui tout en jouant chacune son rôle à plein temps et en usant chacune des pouvoirs constitutionnels qui lui sont conférés, ne doivent cependant jamais oublier que leur espace d’évolution est commun et qu’elles ne sont pas libres d’y agir, chacune à sa guise.

J’ai la totale certitude, pour ma part, que le combat le plus noble, le plus utile et le plus urgent qu’il revient à chaque patriote de mener aujourd’hui, sans hésitation aucune, est celui de l’unité nationale, actuellement plus aléatoire que jamais.

La compréhension, l’entente, la solidarité et la fraternité doivent être les mesures qui rythment, au quotidien, la marche de ceux, (peuples et communautés) que le hasard de l’histoire et l’arbitraire de la nature ont conduits et condamnés à vivre ensemble.

Comprendre cela et ne rien ménager pour le concrétiser est le Devoir premier et permanent de tout responsable politique soucieux de graver son nom au Panthéon des Hommes d’Etat.

 

« La surprenante, rapide et insolente éclosion d’une minorité de nouveaux riches à la faveur du clientélisme politique, du népotisme, du racisme, du tribalisme et de l’exclusion »

Mais parler du problème de l’esclavage et de la cohabitation de communautés différentes et les caractériser de volcans dormants susceptibles de se réveiller à l’improviste et de semer le chaos et la désolation, ce n’est ni omettre, ni minimiser les craintes tout aussi imminentes que dévastatrices, que provoque la poursuite de la gestion calamiteuse de l’économie, incarnée par la grande et très visible injustice qui préside à la répartition et à la distribution des ressources nationales.

En effet, les nombreux et fructueux investissements dont tout le monde parle, ne semblent pas profiter à l’ensemble des citoyens, pas plus que l’Etat lui-même ne semble en tirer, à ce que l’on dit, le meilleur parti pour le pays. La progression du chômage, le faible niveau des salaires, la montée effrénée des prix, y compris ceux des produits d’utilisation courante, sont des indicateurs qui ne trompent pas.

Quand il s’ajoute à cela l’absence quasi-totale d’infrastructures et d’équipement collectifs de base concernant l’eau potable, l’éducation, la santé et l’habitat, il y a de quoi s’inquiéter sérieusement, surtout quand il est observé par ailleurs la surprenante, rapide et insolente éclosion d’une minorité de nouveaux riches à la faveur du clientélisme politique, du népotisme, du racisme, du tribalisme et de l’exclusion et la progression inexorable et tout aussi rapide de la pauvreté et de la misère.

Il s’agit donc de rester sur ses gardes et de se rappeler qu’il est de nos jours assez fréquent d’entendre parler des émeutes… du… ou pour …le pain. D’aucuns me présentent tantôt comme un comploteur, tantôt comme une marionnette au service du pouvoir, tantôt comme un malhonnête corrompu, tantôt comme un traitre, tantôt comme l’ennemi mortel de la COD, tantôt comme le défenseur acharné du président Mohamed ould Abdel Aziz et me considèrent, pour toutes ces raisons, responsable en grande partie de tout ce qui arrive de pire au pays.

La fréquence et la facilité relative de mes contacts avec le Président font croire et même parfois affirmer à certains autres que j’ai une grande influence sur lui, qui aurait permis, si je l’avais voulu, de tout régler. Je me contenterai de répondre à propos de toutes ces accusations et supputations que mes ambitions pour mes compatriotes, pour mon pays et pour moi-même me tiennent à des lieues de distance de ces qualificatifs désobligeants que je ne souhaite voir collés à l’image de personne.

Mes rapports avec tous ceux qui me connaissent, qu’ils soient empereurs, rois, princes, présidents ou des personnes simples et anonymes sont exactement identiques, en ce sens qu’ils sont toujours, en ce qui me concerne, courtois, respectueux, directs et francs, ce qui conduit parfois certains de mes interlocuteurs à me juger arrogant, maladroit, indélicat, voire téméraire.

Il n’est donc pas dans mes habitudes de mentir, de feindre, ou de me rabaisser à poignarder quiconque dans le dos, parce que j’ai toujours osé dire à mon interlocuteur, quel qu’il soit, les yeux dans les yeux, ce que je pense. Je suis certainement, malgré les nombreuses hautes fonctions que j’ai occupées, celui que l’on ne croise presque jamais dans les salons des sommités nationales ou étrangères, où se fomentent et s’élaborent, à ce qu’il semble, tous les complots et toutes les stratégies.

La proximité des puissants ne m’a jamais emballé.

Je suis suffisamment rebelle pour entretenir des rapports durables avec qui que ce soit, capable de porter sur moi un regard irrespectueux, ou susceptible de me considérer en subalterne, inférieur ou courtisan. Je garde depuis toujours les mêmes amis, d’enfance, d’école, de bureau, humbles et naturels.

En politique je fais toujours ce qui sert objectivement les objectifs que je veux atteindre ou, pour le moins, ne m’en éloigne pas plus que de raison. C’est cela qui m’a amené à nouer le contact avec le Président Aziz, a déterminé mon rejet du Printemps Arabe, mon option pour le Dialogue, a été à l’origine de mon Initiative « La Mauritanie d’abord », m’a conduit à participer aux élections Législatives et Municipales et à accepter qu’elles se déroulement jusqu’au bout, avec ma participation et l’acceptation de tous les résultats proclamés par une CENI en laquelle je n’ai pourtant aucune confiance. C’est cela aussi qui déterminera ma position, s’agissant de la conduite à tenir face aux prochaines élections présidentielles.

 

« Je prends Allah et tous mes compatriotes à témoin que j’accorde volontiers mon pardon à tous ceux qui m’ont offensé ! »

Quant à ma supposée influence sur le Président, j’avoue que si j’ai appris à le connaître suffisamment, c’est pour me convaincre que je n’ai sur lui aucune influence de nature à lui faire accepter mes idées en substitution des siennes, quand bien même nous prétendons tous deux être mus par les intérêts majeurs du pays et nourrir pour lui les plus nobles ambitions qui soient, mais chacun à sa manière et en fonction de son ressenti propre.

Aussi, qu’il soit bien entendu que je ne suis l’inconditionnel de personne, mon éloignement ou mon rapprochement de tel décideur ou de tel responsable étant toujours dicté par mon souci permanent d’intérêt public ou général.

C’est ainsi que je suis, depuis que je me connais, depuis toujours. Toute autre image de moi est une fabrication grossière et mensongère et donc diffamatoire et attentatoire à mon honneur et à ma dignité, ce qui ne devrait en aucun cas se traduire par mon refus de pardonner à tous ceux, très nombreux, qui ont trouvé un exutoire dans mon offense et ma calomnie.

Je prends Allah et tous mes compatriotes à témoin que j’accorde volontiers mon pardon à tous ceux qui m’ont offensé !

Comme j’ai eu à l’affirmer en d’autres nombreuses occasions, mon amour pour mon pays, ma haine viscérale de tout ce qui peut porter atteinte à son honneur, à sa dignité ou léser ses intérêts, n’est en aucun cas synonyme de rejet ou de haine de l’autre. Je suis tout à la fois un militant du panafricanisme, du panarabisme et, par voie de conséquence, un ardent défenseur de l’intégration Arabo-Africaine.

Mon souhait est que cette intégration soit fondée sur l’intérêt mutuel, le respect des différences, de l’honneur, de la dignité, des valeurs culturelles et de civilisation des peuples et des races, des uns et des autres, l’égalité et qu’elle engendre une prise de conscience collective de la nécessité de s’affranchir de l’hégémonie, d’où qu’elle vienne.

J’affirme tout aussi clairement et fermement je ne rejette, ni ne hais, ni ne suis opposé à l’Occident et encore moins à la France. Cela n’exclut cependant pas que je puisse avoir des rapports conflictuels avec certains de leurs représentants. Mais de tels rapports, strictement personnels, ne sont pas de nature à influencer négativement mon jugement quant à l’utilité et à la nécessité pour mon pays d’avoir une coopération et des relations, mutuellement avantageuses, avec ses partenaires en développement de tous les Continents. Toutefois, pour importantes et utiles que soient ces relations, elles devraient toujours être fondées sur le respect mutuel et la réciprocité dans le traitement.

J’adhère tout à fait à l’ouverture du pays aux investissements étrangers avec tout ce que cela implique comme garanties légales, judiciaires et politiques, mais je suis contre l’exploitation abusive de nos ressources sans contrepartie conséquente pour le pays. Chaque fois que cela sera possible, la mauritanisation des emplois devra être une obligation à laquelle aucun investisseur ne devra déroger.

Mon objectif en ouvrant cette tribune, j’espère que tout le monde l’a maintenant compris est, comme à l’accoutumée, de me faire l’écho, par déformation professionnelle, du sentiment profond de grande injustice, de peur du lendemain chaque jour plus difficile à maîtriser et d’abandon, qui habite mes concitoyens, quelque soit leur différence, ou leur diversité, ou leur ancrage politique ou leur origine sociale ; c’est ce que je sens sourdre au plus profond de chacun et ce que laisse transparaître son intimité. C’est aussi ce que cache chaque sourire et exprime chaque compliment ; c’est la mélodie de chaque musique et le refrain de chaque chanson.

C’est enfin la cause première des lamentations, des grimaces de douleur et des pleurs.

Messoud Ould Boulkheir
Président de l’APP

 

Source : Le Quotidien de Nouakchott via Cridem

 

 

 

 

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