Pastiche de civilisation

Le Conseil des ministres a décidé, lors de sa dernière, de fixer la convocation du collège électoral au 31 mai prochain, pour le premier tour de la présidentielle. Sans autre forme de procès ni concertation avec quiconque.

Pas plus la COD, qui vient d’achever un forum à l’issue duquel ont été posées les conditions préalables à tout dialogue avec le pouvoir, pour cette élection ; que l’opposition dite dialoguiste, dont un des leaders vient de se faire coopter, par le gouvernement, pour le poste, très honorifique, de président d’une coquille vide, dénommée « Conseil économique et social » ; ni, moins encore, la CENI, censée fixer, elle, la date et organiser le scrutin ; n’ont été, semble-t-il, averties de cette décision gouvernementale pourtant lourde de sens. Puisqu’elle permettra, aux citoyens, de choisir celui censé présider aux débats de leur république et conduire l’Etat gestionnaire du territoire de leur nation, au cours des cinq prochaines années. Mais pourquoi s’embarrasser de formalisme, quand notre guide éclairé, à l’image d’un Kim Jong-Un de Corée du Nord, semble faire sienne la devise « j’y suis, j’y reste » ? Au risque de se voir ridiculisé, en l’absence de challengers sérieux et crédibles, par un score identique à celui de cet enfant dictateur.

Sachant pertinemment que nul, nanti d’un minimum de bon sens, n’acceptera de se mesurer à lui, alors que les dés sont pipés et qu’il détient tous les leviers de commande, c’est au pas de charge que notre général défroqué n’entend plus perdre de temps. Il avait reculé les élections municipales et législatives de plus de deux ans, histoire de creuser, un peu plus, le fossé qui le sépare de l’opposition et mettre celle-ci à hue et à dia. Le voici, donc, poussé par les vents et marées qu’il s’est, si habilement, ingénié à diviser, prêt à se battre, tel Don Quichotte, contre quelques moulins à vent. Qu’on postera, ici et là, pour faire pots-de-fleurs… Tant « pis » si l’opposition, ce « tigre en papier », pour reprendre l’expression du nouveau et bouillonnant ministre de la Communication qui n’en rate pas une, ne veut pas descendre dans l’arène et refuse de voir les « grandioses réalisations ». Les partenaires au développement incitent au dialogue et à l’ouverture ? La situation intérieure est de plus en plus tendue, du fait de la hausse des prix, du blocage des salaires et du chômage galopant ? Broutilles, tout cela. Allez, allez, trouvez-moi ces moulins et en avant, marche, en rang par deux !

Notre bien aimé guide ne voit que le bon côté des choses. C’est une bénédiction qu’Allah nous a envoyée et nous n’avons pas le droit de ne pas en profiter. D’ailleurs, s’il pouvait se passer de cette foutue élection, le pays ne s’en porterait que mieux. Quatre milliards, au bas mot, partiront en fumée. Aïe ! Pourquoi ne pas les économiser avec les autres milliards qui dorment dans les caisses de la Banque Centrale ? Et qui ne servent ni à soutenir la monnaie nationale, en chute libre face aux devises, ni à être investis, encore moins payer les dettes de l’Etat. Notre président a une relation particulière à l’argent : il n’aime pas que les autres y touchent. Proposons-lui donc de garder nos (ses) ouguiyettes et de nous faire l’économie d’une élection qui ne servira qu’à les dépenser. D’ailleurs, pourquoi ne pas lui signer un nouveau bail de cinq ans en des lieux qu’il s’est appropriés depuis belle lurette ? Je vous le demande. Est-il même jamais sorti par la fenêtre pour revenir par la porte ? Le 6 août était la démonstration, éclatante, qu’il n’avait jamais eu l’intention de laisser le pouvoir aux civils, qu’il ne leur avait jamais laissé, en fait. C’était pour du beurre. Mais il a, cependant, consenti à s’habiller comme eux. Ah, quand même… Donner, au pouvoir, une apparence de civilité, c’est déjà beaucoup ! La question n’est donc, évidemment pas, de construire une démocratie. Pas encore. Puisque nous en sommes, toujours, à seulement singer une civilisation. 

Ahmed Ould Cheikh

Source  :  Le Calame le 18/03/2014{jcomments on}

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