La tentative du Coup d’Etat du 16 mars 1981 et le conflit du Sahara

En écrivant cet épisode de l’histoire de notre chère patrie la République Islamique de Mauritanie, nous avons essayé de présenter dans l’objectivité de la réflexion une relecture et une réécriture des faits et événements concrets et édifiants qui ont marqué profondément la société mauritanienne. Notre souci est de donner au lecteur notamment à la génération d’aujourd’hui et future matière à information et à réflexion sur des faits et des hommes qui se sont sacrifiés pour la dignité et la garantie de l’intégrité territoriale de la République Islamique de Mauritanie.

L’action du 16 mars 1981, est un épisode passionnant et marquant de notre histoire nationale. Son auteur, son premier responsable, le Colonel Mohamed Ould Bah Ould Abdel Kader dit ‘‘Kader’’, que Dieu ait son âme, tient une bonne place dans l’histoire contemporaine de la Mauritanie. Par ses itinéraires militaires, politiques, ses ambitions et son destin unique, il marqua incontestablement et indéniablement la société militaire et politique de la Mauritanie.

Il fut membre permanent du Comité Militaire de Salut National et deux fois ministre, pourtant il décida de présenter sa démission des deux instances supérieurs du pays (CMSN et le Gouvernement) pour ‘‘ ne pas souscrire à un système qui visiblement œuvre en faveur de la destruction de la Mauritanie’’ disait-il dans sa lettre de démission. Il quitta le pays, s’exila à l’étranger (certainement pour ne pas y mener la belle vie !), deux plus tard, il revint à la tête d’un commando (10 hommes) modestement armée pour mettre fin à un régime militaire qu’il jugeait despotique et dangereux pour l’existence de la Mauritanie : ‘‘…Tel que je suis face au drame qui bouleverse mon pays je ne puis m’écarter de la ligne de conduite que j’ai choisie depuis toujours pour servir les aspirations légitimes du peuple mauritanien qu’importe les calomnies dont je peux être victime dans l’accomplissement de mon devoir…’’.  Le Colonel Kader : Réponse à un journaliste du monde Diplomatique, M. Howard Schessel.

Feu Colonel Mohamed Ould Bah Ould Abdel Kader

On comprend aisément à travers cet extrait d’une réponse adressée à M. Howard Schessel par le Colonel Kader, que ce dernier a toujours été animé du plus bel esprit de sacrifice et de la plus généreuse vaillance. La guerre du Sahara en fut la preuve : Il fut le seul militaire mauritanien deux fois cité à l’ordre de la nation pour faits de guerre contre le Polisario. Le père de la nation feu Mokhtar Ould Daddah, dans son livre ‘‘La Mauritanie contre vents et marées. Page 639’’, n’a pas manqué à lui rendre ‘‘un hommage national et combien mérité pour avoir voulu rétablir la légitimité’’.

Pour comprendre les raisons ayant provoqué l’action du 16 mars 1981, un détour historique nous parait nécessaire.

‘‘L’accord de paix’’ du 05 Août 1979 conclu entre le régime militaire du Colonel Ould Haidallah et le Polisario, constitue un événement historique de grande ampleur dans l’histoire du conflit du Sahara en général, et de la République Islamique de Mauritanie en particulier. Suite à cet accord, l’équipe au pouvoir à l’époque décida de sortir complètement de la guerre du Sahara (déclenchée après la signature de l’Accord international de Madrid en 1975 constituant la réunification nationale de la République Islamique de Mauritanie), qu’elle jugeait injuste, et d’adopter une politique de neutralité vis-à-vis de ce conflit. C’est-à-dire, ne pas soutenir aucun des antagonistes et n’adhérer à aucune alliance militaire. 

Mais paradoxalement cet accord de paix comprenait une clause secrète selon laquelle la Mauritanie <<s’engage à quitter définitivement, dans sept mois, la partie du Sahara sous administration mauritanienne et la remettre directement au Polisario>>. Pire encore, concernant la consultation de la population mauritanienne, quant à cette restitution, le signataire de cet accord dit : <<Non, sans consultation de qui que se soit. La clause devait rester secrète jusqu’au bout>>. (Interview de feu Colonel Ahmed Salem Ould Sidi, Premier vice-président du C.M.S.N signataire de l’Accord de paix avec le Polisario, Jeune Afrique, numéro 1016, 25 juin 1980).

Quel sens alors donner à cet accord ? S’agissait-il d’une volonté réelle de sortir de la guerre du Sahara et d’observer une neutralité effective? Ou d’une neutralité de complaisance ?

D’abord, il est à remarquer que le Polisario avec lequel le régime militaire au pouvoir a signé cet accord, ne constituait pas un sujet de droit international au sens juridique du terme. Le droit international ne pouvait alors lui reconnaitre la capacité de signer des accords internationaux. Seuls les sujets de droit international peuvent, selon celui-ci qui est d’ordre interétatique, s’engager sur le plan international. Ainsi seuls les ‘‘actes juridiques plurilatéraux, conclus entre sujets de droit international et soumis par eux à ce droit constituent des accords internationaux’’ 

De même, cet ‘‘accord de paix’’ conclu par le régime de l’époque avec les sahraouis du Polisario, constituait une violation flagrante de la constitution mauritanienne :<<Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement du peuple qui se prononce par voie de référendum>>. Il est judicieux de rappeler que Tiris El Gharbia, selon les Accords internationaux de Madrid de 1975 qui avaient respecté le choix de la population sahraouie exprimé par la Jamaâ (Assemblée qui représentaient la population du Sahara), et qui avaient été approuvés le 19 Novembre par les Cortès et entérinés par les Nations Unies, fut incluse dans ce qui revenait à la République Islamique de Mauritanie. Sur le plan juridique et politique, sa restitution fut tout à fait et largement réalisée.

Il est évident donc que cette clause secrète contenue dans ‘‘l’accord de paix’’ du 05 Août 1979, fut une conspiration dirigée contre le peuple mauritanien et ses forces armées.    

Cette politique fut qualifiée par le Colonel Kader, dans une déclaration à la presse internationale de trahison, de capitulation et de démembrement de la patrie : <<…une grave atteinte à la stabilité de la sous région et une menace pour l'existence de notre pays…Ce comportement irresponsable des dirigeants de Nouakchott, est également indigne dans la mesure où il trahit des alliances et violent des accords internationaux>>.

Si le Polisario avait réussi à s’emparer de Tirs El Gharbia comme convenu dans la clause secrète de ‘‘l’accord de paix’’ du 05 Août 1979, cette situation aurait pu constituer une plaque tournante de la subversion continentale. Elle servirait de point d'appui de rampe de lancement à des entreprises de déstabilisation qui menacerait non seulement la région concernée mais aussi le continent africain.

La convention d'Alger fut d'une gravité exceptionnelle. Son entrée en vigueur, aurait remis en cause l'équilibre régional multipliant ainsi les risques d'affrontement et de guerre.

En outre, ce fut une fuite devant la responsabilité effective octroyée par l'Accord international tripartite de Madrid de 1975. En abandonnant la partie du Sahara sous administration mauritanienne au profit du Front Polisario, le chef du gouvernement fit perdre à la Mauritanie une carte primordiale sans compromis et exposait son intégrité territoriale au danger. Il fit acte d’abandon inacceptable légalement (Vu que l'Accord international de Madrid confère à la Mauritanie une qualité d’administrateur) et  moralement, vis-à-vis du peuple mauritanien (abnégation et sacrifice vains de ses fils dans la mesure où l’on avait mis fin à toute ambition nationale).

Par conséquent, il est clair qu’on était loin de la neutralité qu’imposerait une véritable intention de sortir de la guerre du Sahara. Par cette prise de position, délibérée, l’ancien chef du gouvernement mauritanien, se départit du principe de neutralité dans le conflit du Sahara. Donc, la neutralité telle que le régime à l’époque l’entendait ne désignait pas autre chose qu’un alignement effectif sur les thèses du Front Polisario.

Cette attitude ne fit qu’exacerber la tension dans la région, ce qui fut contraire aux intérêts stratégiques bien entendu de notre pays, la Mauritanie.

Face à ce danger global qui menaçait sérieusement la Mauritanie (plus dangereux encore que ne le furent les attaques du Polisario) tout le monde ne fit pas preuve de clairvoyance.     

Il y avait ceux qui voyaient la paix dans un lâche apaisement et dans l’humiliation qui, loin d’instaurer une  réelle paix, ne fit qu’exacerber davantage l’appétit du Polisario. Il y avait ainsi les inexpérimentés et  les naïfs pour ne pas dire les pusillanimes qui ne discernaient pas le danger, n’en appréhendaient pas la gravité fondamentale. Il y avait les complices qui faisaient preuve de mansuétude. Et enfin il y avait ceux qui étaient pour la paix mais dans l’honneur et pas à n’importe quel prix aux premiers rangs desquels feu Colonel Kader et ses illustres compagnons.

L’action du 16 mars 1981 visait, donc, à préserver l’intérêt suprême, c’est-à-dire, la pérennité de la Nation. Elle avait par conséquent trois objectifs :

– Renverser le régime de Haidallah qui était devenu une menace sérieuse pour la pérennité de la Nation.

– Sur le plan interne, rétablir de la légitimité (témoignage du père de la nation feu Mokhtar Ould Daddah. La Mauritanie contre vents et marées. Page 639) ce qui garantirait à la République Islamique de Mauritanie une stabilité politique interne puisque le peuple aurait été la source du pouvoir politique et de la constitution qui l’organise.

– Sur le plan externe, observer une neutralité effective dans le conflit du Sahara afin d’éviter à la Mauritanie une nouvelle guerre contre l’un des deux antagonistes, car la vulnérabilité et la faiblesse de la République islamique de Mauritanie, à l’époque, lui ordonnaient de souscrire davantage à une politique qui œuvrerait en faveur d'une solution globale assurant la paix dans la région plutôt qu'une solution partielle.

Après l’échec de l’action du 16 mars 1981 et l’exécution sommaire de ses auteurs, le pouvoir du Colonel Haidallah ne dura pas longtemps. Ebranlé et déstabilisé, il fut renversé 12 Décembre 1984. Ainsi, la République Islamique de Mauritanie a été débarrassée du régime qui avait menacé ses valeurs, son intégrité territoriale voire même son existence.

               

Professeur, Docteur Sidi-Mohamed ABDEL KADER

(Fils de feu Colonel Kader)

 

(Reçu à kassataya le 16 mars 2014)

 

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