En effet, depuis son indépence, la Mauritanie a longtempes été gouvernée de manière partisane, improvisée voire dans certains cas "artisanale" depourvue de toute vision économique, sociale ou sociétale. Une telle gouvernance que l'on peut en outre qualifier "d'entre-copains" ne peut avoir que des conséquences pour le moins dramatiques. Ainsi, au sommet de l'Etat se trouvait (pour ne pas dire se trouve) un clan dont le principal devouement fut l'epanouissement personnel aux dépens des milliers de mauritaniens laissés à leur sort. D'ailleurs, la notion de clan, en l'occurence, dans le contexte mauritanien est polysémique dans la mesure où être mauritanien c'est aussi être riche ou pauvre, faible ou fort, appartenant à un tel ou tel éthnie, ville ou village…, bref tout genre de clivages que les mauritaniens connaissent fort bien. Ceci n'est nullement une critique stérile ciblant tel pouvoir ou personnalité politique dans la mesure où le destin d'un peuple souvrain dépend, pour beaucoup, de sa propre conduite et de ses asprations. Les dirigeants d'un pays sont à cet égard avant tout un reflet de la société à laquelle ils appartiennent. Il s'agit donc davantage d'un constat nous permettant d'apréhender le vécu collectif de la nation mauritanienne afin de mieux oeuvrer pour l'avenir.
A l'aune de ce constat, face à l'évolution permanente du monde vers des nouveaux défis et à l'ère où le pouvoir en place doit encore faire ses preuves avant de gommer un passé chaotique et préjudiciable vis-à-vis du peuple, il importe de souligner le rôle sinon la responsablité que chaque mauritanien se doit d'avoir afin que la bonne marche à suivre puisse prospèrer. La primauté du patriotisme et de l'intérêt général doit par nature prévaloir sur l'individualisme "pathétique" qui a si longtemps ravagé notre pays, pourtant si riche tant par ses ressources naturelle que par sa diversité culturelle.
C'est dans cette approche, que je me permets, à travers cet article, d'attirer l'attention sur un projet interrégional qui, pour marginale soit il en terme d'information sur le plan national, représente un enjeu économique et stratégique majeur pour le pays, et un espoir pour les populations de toute une région, longtemps délaissée par les pouvoirs publics. Il s'agit en effet autant d'une infrastructure permettant à ces populations de se déplacer le plus facilement possible que d'un "pont" de connexion entres les différents villages et villes frontaliers aussi bien mauritaniens que maliens. D'emblée, il importe de dire que ce point de vue ne s'agit guère d'une démarche partisane, mais plutôt du simple bon sens nous permettant de saisir, de façon efficace et efficiente, les voies les plus opportunes pour l'avenir de notre nation.
Il n’est en outre nullement question d'influencer ceux qui auraient un point de vue différent ou s'opposeraint à cette approche, mais très certainement le sens de l'intérêt général et j’en appelle à votre acuité intellectuelle pour un jugement lucide, détendu et objectif grâce à un plaidoyer basé sur des faits, face à un grand projet d’envergure, impactant de nombreuses populations enclavées.
Ledit affaire en question concerne le projet de route bitumée qui prévoyait, dans son tout premier arbitrage et tracé initial, un parcours « Sélibaby – Ould yengé – Kankossa – Kiffa via Boully et la zone du Karakoro » pour désenclaver une myriade de localités au bord de l’Oued frontalier avec le Mali. Le plan d’investissements et besoins de financements prévoyait pour une intégration régionale, la construction de cette route sur 540 km linéaire à hauteur de 268 M$ de dollars.
Cependant, la réalisation de cette route, comme les mauritaniens en ont l'habitude, semble être dans le brouillard du coté de Kiffa et des informations inquiétantes font état d’un évitement de toute la zone « Sélibaby – Souffi – Boully – Kalinioro – Goumbanna – Chalkha – Ould yengé » au profit d’un autre arbitrage de connivence privilégiant « Hassi Chaggar – Ould yengé – Kankossa – Kiffa ». Il s’avère que ce dernier choix, s’il est confirmé, n’est ni basé sur une réalité de désenclavement de la localité de Hassi Chaggar ni sur une véritable vision stratégique comparée au tracé initial.
Il s’agit là des prémices d’un scandale à la fois financier et politique :
- A hauteur de 268 M$ sans aucune opportunité économique réelle, les raisons d'une telle décision restent subtiles tant elles ne sont certainement ni économiques ni sociales et encore moins sociétales. Il est sans doute préfèrable d'ignorer les réelles motivations d'un tel choix, si ce serait le cas, au risque d'amplifier le désespoir.
- En raison de connivence entre personnes de même sensibilité politique ou les autorités font abstraction d’une vision stratégique d’avenir pour la région du Guidimakha et la Mauritanie au profit d'une approche beaucoup plus amicale et "arrangée". En effet, les populations du tracé initial sont beaucoup plus nombreuses et désenclavées que celles du second choix.
J’en appelle donc à la responsabilité du Gouvernement et à celle du Président de la République afin de ne pas céder à la pression des personnes opposées et respecter le tracé initial.
Cette demande de respect du tracé initial ne repose pas sur une plaidoirie sentimentale mais sur une vision stratégique, une véritable opportunité économique pour la région et le pays, la promotion d'une coopération de proximité avec nos voisins et le renforcement de la coopération transfrontalière.
Le respect des dispositions initiales de ce projet est fondé sur la nécessité du désenclavement de la zone Karakoro (Oued prenant sa source dans les contreforts Sud de l’Assaba). Cet oued long de 150 km constitue une frontière naturelle avec le Mali. En termes d’occupation de l’espace, le bassin porte sur les deux rives des gros bourgs dont les populations sont en majorité des Soninké, dont l’activité principale est l’agriculture. L’une de ses caractéristiques est la mobilité de ses populations vers des destinations régionales et parfois internationales.
Les échanges économiques qui s’articulent autour portent principalement sur les produits de l’élevage et de l’agriculture, les produits manufacturiers et les produits naturels. Le commerce y est une activité dynamique. Les commerçants profitent des avantages comparatifs complémentaires que proposent les deux pays. Le Mali fournit les produits agricoles et forestiers à la Mauritanie, la Mauritanie fournit les produits manufacturés (huile, thé, lait, chaussures, couvertures…) et les animaux au Mali.
La contrainte la plus importante pour tous les acteurs est l’état d’enclavement de la zone (pistes impraticables en hivernage et chaotiques le reste de l’année). Ce projet, s’il respecte le tracé initial, aura le mérite de remédier à cette situation calamiteuse.
N'est-il pas le temps de suggérer la mise en place d’un Comité Stratégique de Développement de la Région du Guidimakha (CSDRG)? La question mérite au moins d'être posée au régard de la mulplicité et de la complexité des défis auxquelles cette région, longtemps abandonnée, devrait faire face. Une meilleure coordination associée à un pilotage optimal des efforts serait plus que jamais nécessaire en vue d'oeuvrer pour une meilleure gourvenance aussi bien sur le plan régional que national. Un tel comité aura pour responsabilité de veiller au désenclavement économique de la région et sera le seul point d’entrée pour tous les projets. Il veillera avec objectivité à une meilleure prise en compte des réalités économiques, sociales et culturelles des populations pour administrer les projets de développement. Il s’agira là de créer un cadre unique de concertation stratégique et technique mais apolitique, avec comme principale mission l’amélioration de l’attractivité économique, culturelle et sociale de cette région. Les forces vives se doivent de parler, de dialoguer et de travailler ensemble, laissant ainsi de coté l’improvisation, l’amateurisme, la connivence et le compromis entres amis de même sensibilité politique.
La responsabilité du Président de la République est grande dans cette affaire et je fais appel à son sens de rigueur, de pragmatisme et de lucidité.
A ceux qui ne partegeraient pas cette logique ou qui s'opposeraient au respect du tracé initial, aucun doute ne subsiste quant à votre dévouement pour le développement de votre localité ou pour défendre votre "bord" politique mais j'invite chacun d'entre nous à jouer collectif au service de l'intérêt général et à ne pas poursuivre dans une voie destructrice d’un projet d’envergure dont les retombées en termes de performance économique et sociale sont importantes tant pour la région que pour le pays.
Les enjeux sont si importants que l'optimiste ainsi que l'espoire, en dépit des nombreux défis, doivent demeurer. Arrêtons ainsi les « caprices et les égaux surdimensionnés » des uns et des autres qui ne font plus recettes aux yeux de nos partenaires financiers et des autorités. Nous leurs offrons une image pitoyable à connotation opportuniste consistant à tirer la couverture sur soi quitte à laisser ces voisins « crevés la gueule ouverte ».
Nous ne devons avoir comme seul critère de jugement que celui de l’amélioration des conditions de vie des populations, la cohésion entre les hommes et les femmes de cette magnifique région ainsi que le désenclavement économique des localités qui en souffre. Restons lucides et bannissons les arbitrages de connivences, la région du Guidimakha (mais également la Mauritanie dans son enseble) mérite plus que cela. Ce projet global nécessite le soutien de toutes les personnalités de la région du Guidimakha, c’est pour cela que leur sens du devoir est primordial afin de plaider en faveur du respect des préconisations initiales du projet.
Auteurs : Moussa Anssoumane Diawara & Waly Boubou Diawara
(Reçu à Kassataye le 25 février 2014)
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