UNE PREMIÈRE EN MAURITANIE : L’ERUDIT OULD DEDEW AGRESSÉ

Dans la soirée du jeudi 13 février 2014, suite au décès d’un homme respectable de la tribu des Oulad Demane et au moment de la prière sur le défunt a eu lieu une étrange altercation parmi les personnes venues lui rendre un dernier hommage.

Cette altercation fut rapportée le lendemain par les sites arabophones mauritaniens et islamistes en particulier comme une lâche agression contre le vénérable chef religieux Cheikh Mohamed El Hassen ould Dedew par un jeune homme égaré. Cet évènement qui, de prime abord, pourrait être vu par le reste du monde comme un simple fait divers à ranger dans la triste catégorie des dérangés mentaux qui agressent physiquement un personnage publique sans raison apparente, est, dans notre pays musulman, un acte sans précédent et aux répercussions sociologiques et culturelles très grave. En effet, il n’a jamais été l’habitude en cette terre d’islam de porter la main sur un homme de religion. Du modeste imam de village à l’érudit internationalement reconnu, le respect dû à ses saints hommes est unanimement partagé par tous les mauritaniens toutes couches sociales et ethnie confondues.

Que s’est-il donc passé ce soir-là pour que des siècles de traditions bien ancrées et qu’un tabou aussi inviolable volent en éclats et que ce qui a commencé par une prière sur l’âme d’un défunt se transforme en ce qui ressemble presque à une rixe entre voyous ? A y regarder de plus prés, les faits semblent bien plus mystérieux et complexes qu’on pourrait le croire. Au-delà de l’acte d’agression en soit, dont il circule plusieurs versions, y-compris celle de l’agresseur lui-même, Mohamed Abdellahi Ould Mohamed Louleid.

Il s’avère qu’en réalité l’agresseur est l’ami d’enfance et compagnon de longue date de Ould Dedew qui a étudié avec lui au sein de la Mahdhara d’Ehl Addoud avant de devenir le secrétaire particulier, le confident et gérant du site internet de l’érudit. Le samedi 15 février 2014 Ould Louleid fit lui-même une déclaration cryptique à des journalistes du site internetAjil.info dans laquelle il assume complètement son geste en le qualifiant de « réaction naturelle dans le cadre d’un conflit idéologique profond que vit le courant islamiste et d’une accumulation d’affaires diverses » entre lui et ould Dedew. Sans trop en dire, il dénonce une dangereuse dérive présumée du Cheikh Dedew avec laquelle Ould Louleid serait en désaccord mais, que Ould Dedew, selon lui, ne pourrait plus contrôler car il reçoit ses ordres de la confrérie islamique internationale à laquelle il ne saurait désobéir. Abdallahi Ould Louleid nie avoir fui le lieu de l’agression en ajoutant que c’est Ould Dedew « qui est connu pour avoir fui le pays avec de faux papiers ».

Il précise en outre que le conflit entre les deux hommes dure depuis l’année 2009 et qu’il était connu au sein de l’organisation que dirige Ould Deddew car il imlique d’autres membres de l’organisation qu’il accuse de certains faits condamnables. Ould Louleid affirme que lorsqu’il demanda à ould Dedew d’intervenir celui-ci se contenta de lui rappeler le devoir de discrétion du musulman envers les actes condamnables de son frère musulman. D’autres sources ont rapporté qu’en fait Ould Dedew aurait supplié son ex-ami ould Louleid de garder pour lui tout ce qu’il sait, à vu ou entendu de par sa proximité durant de longues années avec le Cheikh. Cette déclaration d’ould Louleid aurait été par la suite suivie de menaces verbales à peine voilées proférées par son agresseur non seulement envers le Cheikh Dedew, mais envers toutes les organisations auxquelles celui-ci appartient, qu’elles soient publiquement connues ou secrètes.

Ces déclarations de l’agresseur, comme on le voit, posent plus d’interrogations qu’elles n’apportent d’éclairage sur l’incident du soir du 13 février. La première qui se pose plus logiquement est la suivante : Si cette tension larvée dure depuis 2009 entre les deux hommes, quelle est donc l’étincelle qui a embrasé le conflit et conduit Ould Louleid à sortir ses gonds, frapper et insulter publiquement son ami d’enfance et chef spirituel, puis à persister et signer en refusant de s’excuser en proférant des menaces ?

Différentes versions : ou se cache la vérité ?

Dés le soir même de l’incident le téléphone arabe a fonctionné comme à son habitude chez nous en distillant des versions plus farfelues les unes que les autres. Le lendemain vendredi 14 février et les jours suivant, les sites internet y sont allés de leur articles plus ou moins crédibles et plus ou moins documentés mais sans jamais la moindre déclaration de la victime Ould Dedew. Et ce malgré les propos de l’agresseur lui-même repris sur plusieurs sites mais, sur presqu’aucun de la nébuleuse islamiste internationale qui garde un étrange silence sur l’agression d’un leader dont elle a souvent fait la promotion médiatique mondiale. Des multiples versions qui circulent actuellement sur cette affaire, deux semblent avoir plus de crédit que les autres.

Un conflit matériel et non religieux ?

La plus documentée des versions concerne un conflit professionnel qui a débuté entre 2009 et 2010. Ould Louleid est alors le bras droit d’Ould Dedew depuis son retour en Mauritanie. Il est avec lui tous les jours et sert à la fois de secrétaire particulier et d’agent de protocole et même garde du corps. Il l’accompagne dans tous ses voyages à l’intérieur et à l’extérieur du pays, il reçoit l’argent des sympathisants du Cheikh en son nom et distribue également à ceux qu’Ould Dedew lui indique. Il dispose des numéros des comptes en banque du Cheikh et possède les contacts téléphoniques importants de tous ceux, étrangers ou mauritaniens, qui sont en relation avec celui-ci. Il organise les audiences et y assiste souvent en personne. Ould Louleid gère également les enregistrements audio et vidéo des conférences du Cheikh et suit leur distrubition et commercialisation. La dernière responsabilité importante que le Cheikh lui confia fut celle d’être le gérant du site de Ould Dedew www.dedew.net inspiré par IslamOnline de Youssuf Al Qaradaoui et hébergé auprès d’une société égyptienne basée au Caire et dont les relations avec l’internationale islamiste sont connues : la société Hindawi.Sur le site et malgré les réticences de certains concernant le tabou musulman au sujet des images et icones Ould Louleid obéira aux ordres en mettant une image du Cheikh entourée d’une lumière blanche animée irradiant son portrait telle une figure sainte de l’iconographie chrétienne. Jusqu’à 2010 pourtant tout semble en apparence être au beau fixe entre les deux amis d’enfance. Ould Dedew avait même financé le mariage d’Ould Louleid et lui a offert un véhicule (Mercedes 190) ainsi que d’autres divers cadeaux reçus par le Cheikh lui-même. Soudain, en septembre 2009 les choses se détériorent. D’abords dans les conversations entre les deux hommes. Ould Louleid semble en désaccord avec son ami et se met parfois à élever la voix en sa présence au grand étonnement de l’entourage du Cheikh. Cependant rien ne filtre des raisons du désaccord. Pendant des mois les tensions s’accumulent. Puis, en octobre 2010 ould Dedew convoque Ould Louleid pour lui demander de démissionner de son poste de gérant de son site. Celui-ci résiste. Ould Dedew adresse alors en personne une lettre à la société Hindawi le 14 octobre 2010 l’informant que M.Abdellahi Mohamed Louleid n’est plus responsable de la gestion de son site et demandant à la société de changer les codes d’accès et de gestion du site et de lui faire parvenir les nouveaux codes à son adresse personnelle dedw2010@gmail.com et de surtout ne plus correspondre avec Mohamed Louleid.

Tenace, Ould Louleid revient à la charge sous la pression d’arguments que seul lui connait, il contraint ould Dedew à revenir sur sa décision. Y-a-t-il eu chantage ? Quoi qu’il en soit, moins d’un mois après sa première lettre à la société Hindawi, le 10 Novembre 2010 Ould Dedew revient sur sa décision et reconfirme ould Louleid comme gérant du site par lettre officielle signée et portant le cachet du Cheikh. Dans cette lettre, Ould Dedew nie catégoriquement les rumeurs de mésentente entre lui et ould Louleid et affirme que celui-ci a toute sa confiance et son ‘amour’. Des images des deux lettres sont actuellement reprises sur plusieurs sites arabophones mauritaniens.

Une affaire de mœurs ?

La seconde version qui a rapidement circulée est celle toute différente qui mentionne une jeune fille qu’Ould Dedew aurait secrètement prise comme troisième épouse à l’insu de ses deux épouses officielles (la première étant la fille de son oncle Ould Addoud et la seconde mint Moulaye Zein). Ould Louleid est le proche parent de cette jeune orpheline et aurait été l’un des témoins du mariage organisé secrètement hors de Nouakchott. La jeune fille serait tombée enceinte d’ould Dedew qui a refusé ensuite de reconnaitre la paternité de l’enfant à naitre alors que celle-ci l’a épousé vierge comme le veut notre tradition islamique et, même si il ne la voyait que rarement et secrètement, celle-ci affirme n’avoir eu d’autres relations qu’avec le Cheikh. Se voyant fermer la porte de Ould Dedew qui refusait de recevoir tous ses émissaires et devant la perspective de la naissance de l’enfant, la jeune fille s’est alors adressé à son parent Abdellahi ould Mohamed Louleid afin d’user de sa proximité avec ould Dedew pour le convaincre de reconnaitre l’enfant dont la naissance est dit-on imminente. N’ayant toujours pas de bonnes relations avec son ex-ami Ould Louleid n’arrivait plus à joindre ould Dedew au téléphone. Ould Louleid a alors saisit l’occasion de l’enterrement d’un notable des Oulad Demane pour approcher ould Dedew après la prière sur le mort et lui parler de la question afin de la régler une fois pour toute et éviter le scandale. La conversation qui eut lieu dans une ruelle à côté de la mosquée fut très brève et ould Dedew lui aurait sèchement répondu de ne plus l’importuner avec ce sujet qui est clos pour lui et aurait usé d’un mot indélicat pour qualifier la jeune fille. C’est cela qui aurait mis ould Louleid hors de lui et celui-ci aurait assené un coup de tête à ould Dedew qui le blessa légèrement à la lèvre. Des participants à la prière intervinrent rapidement pour séparer les deux hommes qui firent mis à bord de deux véhicules partant dans deux directions différentes. Ould Dedew fut conduit au cimetière pour assister à l’enterrement du défunt et Ould Louleid fut calmé par des personnes de bonne volonté voulant éviter le scandale et ramené chez lui. Cette version circule toujours et il faut dire que la propension de ould Dedew aux mariages secrets ou publiques (et ce même en prison) l’accrédite facilement dans les salons et les sites ragots qui ne manquent pas en Mauritanie, mais tant que la naissance d’un enfant illégitime ne sera pas là pour la vérifier, elle reste une rumeur.

La victime ne porte pas plainte, le silence des islamistes et la ‘tribalisation’ de l’affaire

Le plus curieux dans l’affaire est que Ould Dedew, si prompt à exiger les égards dus aux grands de ce mondes, toujours pointilleux sur le traitement que lui accorde les autorités (on se souvient qu’il exigeait pour ses voyages de passer par le salon d’honneur de l’aéroport de Nouakchott) et qui compte même quelques talibés dans les rangs de la police mauritanienne, ait décidé de ne pas porter plainte contre son agresseur et décidé de faire profil bas en minimisant l’affaire. Comme disent les maures ‘3adelha Battate iguiw’ (il en a fait le tabassage d’un griot) en voulant minimiser l’affaire. Dans sa prêche du lendemain vendredi 14 février dans la mosquée de son centre de formation des ulémas de Arafat, alors qu’il portait encore sur la lèvre les traces de l’agression de la veille, il n’en dit pas un mot et ne mentionna ni son agresseur ni le condamna ni même lui pardonna, comme cela se fait en islam. Il a simplement fait allusion à la sainteté et à l’inviolabilité des prophètes. Etrange.

Aucune mention également de l’agression sur le propre site d’Ould Dedew, pourtant consacré à sa personne. A l’étranger l’outrage est passé sous silence. En l’absence d’un communiqué officiel des islamistes de Tawassoul, qui s’est longuement fait attendre, seuls quelques sites islamistes se sont vu obliger de condamner l’acte odieux dans de cours articles. Encore plus étrange la chape de plomb des islamistes sur cette histoire qui quand ils ne l’ignorent pas la réduise à l’acte isolé d’un fou ou à une manipulation des renseignements. Pourtant, il semble que ni l’une ni l’autre ne soit crédible. Ould Louleid n’est pas devenu soudainement fou après avoir été pendant 15 ans le bras droit d’Ould Dedew et il se raconte déjà que les autorités, qui auraient été approchées, il y a quelques temps par Abdellahi ould Louleid, n’ont pas donné suite à ses promesses de révélations conte Ould Dedew motivées par un règlement de compte personnel qui leur ôterait toute crédibilité.

Devant le refus d’Ould Louleid de venir présenter ses excuses à Ould Dedew, la machine tribale traditionnelle s’est immédiatement mise en marche. Les Oulad Demane dépêchèrent une délégation auprès des Messouma. Des notables ayant rendus visite à la victime et assurer que cet acte isolé n’entame en rien les bonnes relations entre les deux tribus. Certains Messouma (tribu d’Ould Dedew) se sont eux réunis le samedi 15 février chez le Cheikh Mohamed Lemine ould Hassen. Les conciliabules ont commencés. De vastes sommes d’argent auraient été offertes à Ould Louleid pour qu’il quitte le pays. Il reçoit désormais des appels d’hommes influents mauritaniens et étrangers qui essayent de le ramener à de meilleurs sentiments envers ould Dedew et enterrer la hache de guerre. Abdellahi Ould Mohamed Louleid aurait-il donné un coup de pieds dans la fourmilière islamiste ? Les jours et semaines qui viennent nous l’apprendrons.

Mohamed  Ould  Sid’Ahmed

Source  :  Adrar Info le 20/02/2014{jcomments on}

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